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font une risée des abstinences du pape. Tel chroniqueur le dépeint sans ressort, sans caractère, pleurant et gémissant perpétuellement. Pierre de Hérenthals insère dans sa chronique une épigramme contemporai ne, fort désobligeante pour la mémoire du pontife.

Iste fuit Nero, laicis mors, vipera clero,
Devius a vero, cuppa repleta mero'.

A l'encontre de ces racontars malveillants, il existe d'autres récits de chroniqueurs qui ne tarissent pas d'éloges sur le compte de Benoît. On loue son austérité, sa haute probité, son esprit de justice, son génie réformateur, sa haine contre l'hérésie, son horreur pour le népotisme...

La vérité ne semble pas trop difficile à démêler parmi des jugements aussi contradictoires. Tout d'abord, les témoignages de Pétrarque, de Matthias de Neuenburg, de Galvano Fiamma, de l'auteur anonyme de la huitième vie de Benoît XII éditée par Baluze sont marqués d'une évidente partialité. Ces habiles gens ont complaisamment servi la rancune des Italiens, des partisans de Louis de Bavière et de cette phalange de moines ou de parasites de la cour pontificale auxquels les innovations du pape avaient arraché des cris de colère. Benoît a partagé le sort de tout réformateur austère: il fut peu aimé; il a été décrié, haï, calomnié. Il mourut, comme il avait été élu, vers l'heure des vêpres, le 25 avril 1342.

De haute stature, le teint coloré, la voix sonore, théologien de mérite, canoniste avisé, commentateur estimé des Saintes Écritures 2, homme de devoir, ayant

1. BALUZE, Vitae, t. I, col. 240. Les témoignages des contemporains ont été réunis par JACOB, p. 30-31, 154-155 et par HALLER, Papsttum und Kirchenreform, t. I, p. 121-123, 155.

2. VIDAL, Notice sur les œuvres du pape Benoît XII.

au cœur un sentiment profond de la justice, énergique, tenace, dur dans la répression des abus, sans tendresse pour les siens, austère de mœurs, économe, aimant l'art sobre ', tel fut au vrai Benoît XII. Quant à sa politique, sans avoir été aussi débile qu'on l'a prétendu, elle manqua d'envergure. Son caractère rigide le rendait peu apte aux compromis et au jeu compliqué de la politique. On n'a guère sur ce terrain, nous le verrons, que des échecs à enregistrer à son actif.

1. GUIRAUD, L'Église Romaine, p. 26-27.

CHAPITRE IV

CLÉMENT VI

(1342-1352)

A la nouvelle de la mort de Benoît XII, survenue le 25 avril 1342, Philippe VI dépêcha son fils aîné à Avi

Sources: BALUZE, Vitae.

BIBLIOGRAPHIE. Les recueils de lettres du pape publiés par Déprez, Graeff, Grange, Calmet et Albe. E. DÉPREZ, Les funérailles de Clément VI et d'Innocent VI d'après les comptes de la cour pontificale dans Mélanges, t. XX (1900), p. 235-250; La Guerre de Cent Ans à la mort de Benoit XII. L'intervention des cardinaux avant le conclave et du pape Clément VI avant son couronnement (25 avril-19 mai 1342) dans Revue historique, t. LXXXIII (1903), p. 58-76. M. FAUCON, Prêts faits aux rois de France par Clément VI, Innocent VI et le comte de Beaufort dans Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. XI (1879), p. 570-578; Notice sur la construction de l'église de la Chaise-Dieu, Paris, 1904. E. GÖLLER, Inventarium instrumentorum Camerae apostolicae. Verzeichniss der Schuldurkunden des päpstlichen Kammerarchivs aus der Zeit Urbans V dans Römische Quartalschrift, t. XXIII (1909), p. 65-109 (prêts au roi de France et à un grand nombre de personnages de moind re importance).

On trouvera des indications sur les sermons et discours prononcés par Clément VI dans RHE, t. VIII (1907), p. 714-715; L. PASTOR, Histoire des Papes depuis la fin du Moyen Age, Paris, 1907, t. I, p. 104-105 et Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. LXIV (1903), p. 697-698.

Les sources relatives à la peste de 1348-1349 ont été répertoriées par A. MOLINIER, Les sources de l'histoire de France, t. IV, n. 3236-3238. Pour Avignon voyez surtout E. NICA ISE, La grande chirurgie de Guy de Chauliac, Paris, 1890, p. 167-173 et DE SMET, Recueil des Chroniques de Flandre, t. III, p. 14-18, Bruxelles, 1856. -J. VIARD, La messe pour la peste dans Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. LXI (1900), p. 334-338. Monographies.-E. ALBE, La châtellenie de Caylus au XIVe siècle dans Bulletin de la Société archéologique de Montauban, t. XXI (1905), p. 317.

gnon avec mission, suivant certains chroniqueurs, de soutenir la candidature de Pierre Roger, archevêque de Rouen. Le duc de Normandie arriva trop tard pour exécuter son mandat. Les cardinaux, entrés en conclave le 3 mai, avaient donné unanimement leurs suffrages à Pierre Roger; l'élection, comme l'écrivaient à Édouard III Annibal de Ceccano et Raymond de Farges, avait eu lieu, le mardi 7 mai, « par la seule inspiration divine1».

Le choix du Sacré-Collège était excellent à bien des

·C. FAURE, Le Dauphin Humbert II à Venise et en Orient (1345-1347) dans Mélanges, t. XXVII (1907), p. 509-562. — J. GAY, Le pape Clément Vi et les affaires d'Orient (1342-1352), Paris, 1904. U. BERLIÈRE, La réforme du calendrier sous Clément VI dans Revue bénédictine, t. XXV (1908), p. 240-241. — E. DEPREZ, Une tentative de réforme du calendrier sous Clément VI. Jean des Murs et la chronique de Jean de Venette dans Mélanges, t. XIX (1899), p. 131-143; Clément VI et Guillaume du Breuil, ibid., p. 549-556. H. C. LEA, Histoire de l'Inquisition au Moyen Age, Paris, 1901, t. II, p. 453-461. 0. MARTIN, L'assemblée de Vincennes de 1329 et ses conséquences, Paris, 1909, p. 90-93, 126-149. C. CIPOLLA, Francesco Petrarca e le sue relazioni colla corte Avignonese, Turin, 1909.

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Sur la peste de 1348-1349 voir F. A. GASQUET, The Black death of 1348 and 1349, Londres, 1908. - J. F. C. HECKER, Der schwarze Tod im vierzehnten Jahrhundert, nach der Quellen der Aerzte und gebildete Nichtärzte bearbeitet, Berlin, 1832 (ouvrage excellent). H. DENIFLE, La désolation..., t. I, p. 57-63, Paris, 1899.

Sur les flagellants U. BERLIÈRE, Trois Traités sur les flagellants de 1349 dans Revue bénédictine, t. XXV (1908), p. 334-357. L'histoire de tout le mouvement religieux a été très bien traitée par CH. LECHNER, Das grosse Sterben in Deutschland in den Jahren 1348-1351. Innsbrück, 1884; Die grosse Geisselfahrt des Jahres 1349 dans Historisches Jahrbuch, t. V (1889), p. 443-462. — P. FRÉDÉRICQ, De Secten der Geeselaers en der Dansers in de Nederlanden tijdens de XIVae eeuw dans Mémoires de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, t. LIII (1897), p. 1-62; Deux sermons inédits de Jean de Fayl sur les Flagellants (5 octobre 1349) et sur le Grand Schisme (1378) dans Bulletin de l'Académie royale de Belgique, classe des lettres, 1903, p. 688-718. RUNGE, Schneegans et Pfannenschmidt. Die Lieder und Melodien der Geissler des Jahres 1349 nach der Aufzeichnung Hugo's von Reutlingen, Leipzig, 1900. F. SAVINI, Sui flagellanti, sui fraticelli e sui bizochi nel Teramano durante i secoli XIII e XIV dans Archivio Storico Italiano, t. XXXV (1905), p. 82-91.

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1. RYMER, Fœdera, t. II, pars 2a, p. 123.

égards. L'archevêque de Rouen1 s'était acquis une réputation méritée d'habile théologien et passait pour l'un des premiers orateurs de son temps. En 1329, à l'assemblée de Vincennes, il avait défendu avec éloquence la juridiction ecclésiastique violemment attaquée par Pierre de Cugnières et produit sur Philippe VI une impression heureuse autant que vive. Bien vu du rọi qui lui avait confié les sceaux du royaume et d'Édouard III dont par naissance il était le sujet, le prélat semblait être l'homme nécessaire pour empêcher la France et l'Angleterre de se faire une guerre désastreuse.

Cependant d'autres raisons avaient guidé le choix des cardinaux. Las du gouvernement rigide, austère, impérieux de Benoît XII, ils avaient considéré les qualités contraires qui distinguèrent Pierre Roger son aménité, sa douceur, la souplesse de son tempérament, ses manières de grand seigneur. Ils attendaient de lui un régime très clément, du laisser-aller et des largesses.

Les clercs pauvres en quête de bénéfices, chassés de la cour d'Avignon sous le dernier pontificat, virent renaître leurs espoirs. Vers la Pentecôte, ils furent invités à présenter des suppliques dans les deux mois. Comme bien on pense, l'appel fut vite entendu. Un flot de solliciteurs 100.000 d'après un témoin oculaire,

1. Voici les diverses étapes de la carrière de Clément VI: Né en 1291, à Maumont (Corrèze), de Pierre Roger, seigneur de Rosières, et de Marie Chambon, il entra en 1301 au monastère bénédictin de la ChaiseDieu et y fit profession. Par faveur spéciale Jean XXII lui conféra la maitrise et la licence en théologie le 23 mai 1323. Mentionné comme prieur de Saint-Pantaléon (Corrèze) en 1321, il devint prieur de Savigny au diocèse de Lyon, prieur de Saint-Baudil au diocèse de Nîmes (24 avril 1324), abbé de Fécamp (23 juin 1326), évêque d'Arras (3 décembre 1328), archevêque de Sens (24 novembre 1329), archevêque de Rouen (14 décembre 1330), cardinal-prêtre du titre des Saints Nérée et Achillée (18 décembre 1338) cfr. DENIFLE ET CHATELAIN, Chartularium Universitatis Parisiensis, Paris, 1891, t. II, p. 272.

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