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ARCHÉOLOGIE

LE TRÉSOR DE SAINT-QUENTIN

Par M. J. PILLOY, Membre associè

Lorsqu'il y a un an, à peine, j'émettais certaines opinions sur l'origine de la provenance du trésor de Préselles, j'étais loin de me douter que Saint-Quentin allait bientôt m'en fournir un autre plus important, qui viendrait appuyer mes suppositions.

C'est dans le courant d'août 1882 qu'en établissant une construction dans une propriété située au Nord de la rue des Bouloirs, on fut amené à déblayer, pour y établir une bonne maçonnerie, une excavation remplie de décombres qui se trouvait sous l'emplacement de l'un des murs du bâtiment. On reconnut bientôt que c'était un puits à marne, comme il en existe tant à SaintQuentin.

Lorsqu'on fut parvenu à une profondeur de quatorze mètres, les ouvriers découvrirent, les uns disent dans un coffret de bois, les autres dans un vase de terre cuite, un amas considérable de monnaies presque toutes recouvertes

d'une épaisse croûte de carbonate de cuivre, mais qui disparaissait assez facilement à un simple lavage à l'acide chlorhydrique.

Je ne parlerai ici des circonstances fâcheuses qui ont accompagné cette découverte et qui ont amené les inventeurs sur les bancs de la police correctionnelle, que pour dire qu'elles furent la cause que la plus grande partie du trésor fut promptement disséminée, et alla à Amiens, Reims et Laon, et qu'une certaine quantité de pièces fut même fondue. C'est par le plus grand des hasards, et j'ajouterai même, que ce ne fut pas sans ennuis ultérieurs, que j'ai pu en recueillir environ 1.800 dont la moitié dut être remise plus tard aux propriétaires du sol.

Je ne puis que regretter de ne pouvoir faire, pour cette découverte, un travail semblable à celui que j'ai publié sur le trésor de Préselles que j'avais pu avoir en entier. Il est évident que la description détaillée d'une si faible portion de la trouvaille ne pourrait avoir aucun intérêt pour la Science.

Je me bornerai donc à vous en entretenir au point de vue de l'histoire de notre cité; un simple aperçu de l'ensemble des pièces que j'ai recueillies suffira, cependant, pour faire reconnaître la complète analogie des trésors de Saint-Quentin et de Préselles. Il est certain que non seulement c'est le même évènement qui a déterminé leur commun enfouissement, mais que celui de Préselles n'est, en quelque sorte, qu'une portion de celui de Saint-Quentin, qu'on avait détaché très peu de temps avant cet évènement. Je reviendrai plus loin sur ce sujet.

Pour bien faire sentir cette analogie, je vais mettre en regard le résultat des deux découvertes. Ma collection ayant été prise au hasard, il est à présumer que le reste devait présenter la même proportion de types et de variétés.

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De l'examen de ce tableau, il ressort que toutes les monnaies de Préselles se retrouvent à Saint-Quentin et que, généralement, la proportion entre le nombre de types et celui de leurs variétés de revers, est à peu près la même des deux côtés, à l'exception des impératrices qui sont plus communes, et des Gordiens qui sont plus rares à Saint-Quentin qu'à Préselles.

Dans cette dernière localité, la monnaie la plus récente était de Gordien III; c'est pourquoi j'avais exprimé l'opinion que le dépôt du trésor dans la terre avait été fait sous le règne de cet empereur; mais en présence, dans celui de Saint-Quentin, de Philippe père, il faut rajeunir quelque peu ce dépôt. C'est en effet, sous Philippe, que les invasions des Barbares paraissent avoir pris un caractére plus sérieux, et c'est pour cette raison que les monnaies de Gordien et de Philippe sont si communes dans le Nord de la France.

Les particularités que j'ai signalées à Préselles se retrouvent toutes à Saint-Quentin. Philippe seul a la tête radiée; sur toutes les autres monnaies, sans aucune exception, la tête des empereurs est laurée. Une grande partie des Elagabale porte l'étoile qui indiquerait, selon quelques auteurs, une origine Syrienne.

Il est donc de toute probabilité qu'elles ne proviennent pas des ateliers du Nord de la Gaule où généralement les Elagabale et les Gordien avaient la tête radiée, et qu'elles avaient été apportées du Midi ou de l'Italie.

Comme Saint-Quentin était placé à la croisée des trois voies Romaines et qu'un certain nombre d'autres voies secondaires y aboutissaient, il devait être un centre d'occupation; n'est-il donc pas permis de supposer que les monnaies qui viennent d'être trouvées faisaient pa.tie du trésor militaire, soustrait, dans un moment de danger, à la cupidité des Barbares? et qu'à Préselles, point stratégique, situé à cheval sur deux voies importantes, et à 12 kilomètres seulement de Saint-Quentin, se trouvait un poste avancé qui recevait ses ordres et sa paie des Tribuni legionarii résidant à Augusta?

J'ai dit que la découverte avait été faite au fond d'un puits situé sur une propriété aboutissant à la rue des

Bouloirs et à la rue Saint-Martin. Ce quartier, du reste, est fécond en antiquités de toutes sortes.

Ainsi, M. Hachet-Souplet en faisant, il y a quelques années, reconstruire sa maison située au bas de la rue d'Aumale (anciennement rue du Fumier), a trouvé à une certaine profondeur les traces bien apparentes d'une chaussée composée d'une première couche de moellons et d'une seconde couche de gravier. Là, aussi, on constatait. qu'il avait été ouvert un puits, qui vidé, fournit au milieu de toutes sortes de débris appartenant à divers âges, et à une dizaine de mètres de profondeur :

1o Une très jolie petite soucoupe en terre dite Samienne, d'une belle conservation; elle a un pied élégant et les bords retombent en dehors pour former gouttière; sur le fond intérieur est imprimé en relief un fleuron pédonculé autour duquel on lit ce sigle disposé circulairement

DOVIICCVS ;

2o Une urne à couverte non lustrée, noirâtre, ventrue, de 0.25 de hauteur et munie d'une anse;

3° Une lagène de terre d'un gris rougeâtre, très élégante de forme, à large panse vers le fond et allant en se rétrécissant vers le haut, munie d'un bec et d'une anse dont l'attache vers l'ouverture, est dissimulée par une feuille d'acanthe crispée. Comme particularité, ce vase a conservé des traces de dorure.

Dans son remarquable ouvrage sur le cimetière BelgoRomano-Franc de Strée (près de Beaumont, arrondissement de Charleroy, Belgique) (1) M. Van Bastelaer signale l'existence de semblables particularités en Belgique. Les

(1) Le cimetière Belgo-Romano-Franc de Strée. Rapport sur la fouille, description des objets trouvés et études de diverses questions d'archéologie que cette fouille a soulevées par D. A. Van Bastelaer, Président de la Société Paléontologique et Archéologique de Charleroy (Mons, 1877).

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