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Jusqu'à l'heure trois fois bénie,
Où pour couronner ton génie,
Dieu t'ouvrira l'éternité !...

Ton âme, déployant ses ailes, Prendra son essor vers les cieux, Pour y mêler sa voix à celles Des Séraphins harmonieux !... Elle y reverra ceux qu'elle aime, Et, dans une étreinte suprême, Au sein des bonheurs infinis, Sans craindre qu'un destin barbare Les uns des autres vous sépare, Vous vivrez à jamais unis !...

LA JEUNE FILLE

Par M. BASTIT

Mention honorable et Médaille d'argent grand module du Concours de Poésie de 1882

Virgo.

Qui n'a pas vu passer, avec sa robe blanche, Une enfant de seize ans aux yeux bleus, au front pur, Quand Dieu semble bénir ce beau front qui se penche, Et le ciel envier à ces yeux leur azur?

Tout en elle est sans tache et blanc comme sa robe : Son sein de neige abrite un coeur plein de candeur, Sa jeunesse naissante a la fraîcheur de l'aube, L'éclat de sa beauté se voile de pudeur.

Ses cheveux blonds, tombant en tresses sur l'épaule, Dans leurs fauves reflets semblent d'or au soleil ; Sa taille est souple comme une branche de saule, Sa bouche qui sourit brille d'un sang vermeil.

Est-elle heureuse? oh! oui, ce sourire angélique
Exprime le bonheur d'un cœur chaste, innocent.
Et cependant elle a le front mélancolique,
Tout en elle est pensif, rêveur et languissant.

C'est que, loin des plaisirs profanes de ce monde,
Elle vit dans la paix et dans la piété :

Le bonheur resplendit sur cette tête blonde
Dans un nimbe de sainteté.

Jeune vierge timide et qu'un rien effarouche,
Elle marche, effleurant à peine le chemin,
Calme, les yeux baissés, le sourire à la bouche,
Un livre d'heures dans la main.

Comme une créature idéale ou divine

Qui, lorsque nous rêvons, passe devant nos yeux A travers un brouillard transparent qu'illumine L'éclat de son front radieux,

La jeune fille passe, ange de cette terre,
Dans un rayonnement de grâce, de beauté,
Et dans une suave et divine atmosphère
D'innocence et de piété.

Dans ce cœur simple, avec l'amour de la famille,
En maître souverain règne l'amour de Dieu :
Qui de vous n'a pas vu prier la jeune fille

Au moment solennel où tout dans le saint lieu
Retentit de concerts et brille de lumières,

Lorsque dans ses transports tout un peuple pieux
Aux sons de l'orgue, avec ses chants et ses prières
Semble vouloir lancer son âme dans les cieux ?
Vous l'avez vue aussi quand la nef solitaire
Vers le déclin du jour se remplit de mystère,
Lorsque dans le silence on croit entendre encor
Murmurer vaguement des échos de cantique,
Et qu'autour des piliers, autour des lustres d'or,

Et sous les noirs arceaux de la voûte gothique,
Avec des lambeaux d'ombre, on voit dans tous les sens
Flotter et s'allonger des nuages d'encens?

Oh! c'est alors surtout, dans le silence et l'ombre,

Dans ce recueillement sévère, qu'il faut voir

La jeune fille au fond d'une chapelle sombre
Disant avec ferveur sa prière du soir.
Elle prie à genoux sur les dalles de pierre,
Les mains jointes, le front baissé modestement;
Elle lève parfois ses beaux yeux lentement
Comme pour voir monter vers le ciel sa prière !
Et ces yeux, où se peint ce qu'éprouve son cœur,
Sont remplis à la fois de flamme et de langueur.
L'amour divin lui donne une ivresse extatique.
Elle voudrait alors, dans son amour mystique,
Voir s'ouvrir tout-à-coup dans l'air silencieux
La voûte de l'église et la voûte des cieux,
Pour qu'elle pût enfin sans obstacles, sans voiles,
Contempler sur son trône, au-dessus des étoiles,
Dans un rayonnement de céleste clarté,
Près de la Sainte-Vierge, au milieu de ses anges
Qui sur des harpes d'or célèbrent ses louanges,
Le bon Dieu dans sa gloire et dans sa majesté!
En ce moment, l'amour divin la transfigure;
Si l'on entrait alors dans la chapelle obscure
On croirait tout-à-coup voir un ange des cieux,
Un séraphin priant à genoux sur la pierre,
Tant la vierge timide, en faisant sa prière,
A d'amour dans le cœur et de foi dans les yeux !

Et

C'est ainsi qu'elle éprouve une ivresse ascétique,
que
son cœur se livre à des transports sans fin;

Ainsi s'épanouit cette rose mystique

Au soleil de l'amour divin!

Mais cette fleur suave appartient à la terre :
Ne s'ouvre-t-elle point aussi dans le mystère
Au soleil de l'amour humain?

O vous qui gazouillez dans ce riant bocage,
Jolis petits oiseaux, gais chanteurs voltigeants,
Interrompez un peu votre joyeux ramage,

Et dites-nous quels sont ces deux beaux jeunes gens
Qui passent, ce jeune homme et cette jeune fille
Marchant l'un près de l'autre en se parlant tout bas
Sous les tilleuls, au clair de lune, à petits pas,
Tandis que dans le ciel chaque étoile scintille ?
Ce sont des amoureux marchant, le front baissé,
Et se parlant d'amour, sous le feuillage sombre...
C'est elle, n'est-ce pas, avec son fiancé ?

Ils sont seuls, et la nuit les couvre de son ombre...
Mais tout respire en eux la fraîche pureté
Et le calme parfait de la belle nature
Reposant sur son lit de fleurs et de verdure
Dans la douce langueur de cette nuit d'été.
Profond apaisement des êtres et des choses!
Dans l'air tranquille et pur, dans l'infini des cieux,
Où montent les parfums des jasmins et des roses,
A peine l'on entend des bruits mystérieux;
Et, dans ce bruissement indécis de l'espace,
Les doux propos d'amour échangés à voix basse
Se confondent avec le murmure des eaux,
Le souffle de la brise et le chant des oiseaux.
Bientôt même la voix sur leurs lèvres expire;
Et, la main dans la main, ne sachant plus que dire,
Longuement, en silence, ils regardent les cieux.

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