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de façon à blesser; le courtier qui cède une autre jeune fille spirituelle, au contraire, se loue de son esprit et de ses réponses (Alischar).

De tout quoi il semble bien résulter que nos contes ont une grande valeur littéraire. Mais ce n'est qu'assez tard qu'on s'en est aperçu et, avant Lane', Bacher 2, Nöldeke3, l'auteur anonyme d'un article de l'Edinburgh Review, et Oestrup, on ne s'était guère avisé de les louer. Probablement parce que la plupart de ces contes n'ont été connus d'abord que par la traduction de Hammer; or Hammer, on le sait, manquait tout à fait de goût et, toujours trivial dans ses expressions, n'avait pas assez de délicatesse pour faire valoir les finesses d'un texte ".

Comme on le voit, en examinant les contes du romancier égyptien, on peut, sans trop de peine, découvrir les qualités qui lui sont propres; mais il serait plus difficile d'y trouver quelques détails sur sa personne, sur le temps où il a vécu, etc.

1 LANE, 3, p. 679.

2 Zeitschrift der deutschen morgenländischen Gesellschaft, 34,

p. 610.

3 Même revue, 42, p. 69.

Edinburgh Review, 164, p. 197-199.

5 OESTRUP, p. 107.

La valeur littéraire de certaines œuvres de Hammer a été fort discutée; vo'r les auteurs cités dans la biographie autrichienne de WURZBACH, s. vo, p. 285 et DOZY, Glossaire des mots espagnols et portugais dérivés de l'arabe, 5.

Goethe, pour son Westöstlicher Divan, a montré qu'il avait plus de confiance dans Kosegarten que dans Hammer. Voir Kürschner, Deutsche National-Litteratur, 85, GOETHES Werke, 4, p. XIII et 362; cfr. p. 317 et suiv.

Qu'il soit égyptien, c'est ce qu'assez de savants ont reconnu pour qu'il semble utile d'insister encore; si l'on en voulait cependant une preuve nouvelle, rappelons que le conte de Qamar al zeman se termine par un éloge des femmes de l'Egypte ce trait, à lui seul, pourrait

suffire.

A-t-il publié une édition des Mille et une nuits en y insérant les nouvelles de sa composition ou s'est-il borné à écrire ces nouvelles? On ne le saura peut-être que quand on aura examiné de plus près encore les collections de manuscrits que recèle l'Orient.

Enfin, quand a-t-il vécu? Il ne faudra songer à l'établir d'une façon précise que quand on possédera son texte primitif on pourra en tirer des arguments valables, sans courir, comme maintenant, le risque de s'attacher à quelque détail qui pourrait fort bien n'être qu'une addition d'un éditeur postérieur. Tout ce que l'on peut, semble-t-il, affirmer avec certitude, c'est qu'il est antérieur à l'autre auteur égyptien, dont nous allons parler : ce dernier, en effet, a remanié deux contes au moins de l'autre, Abdallah, l'habitant de la mer et Delileh.

III

Le second auteur égyptien.

N'est-ce pas un juif

converti à l'islamisme?

A côté des contes dûs à l'auteur dont nous venons de nous occuper, il en est beaucoup d'autres dont l'origine égyptienne ne semble pas contestable, mais dont le caractère est absolument différent : la valeur littéraire, notamment, en est tout à fait inférieure.

Donc, il doit y avoir eu un second auteur égyptien.

Or, les romans de ce dernier présentent un contraste assez frappant; ils sont d'une orthodoxie musulmane inattaquable' et, en même temps, présentent de nombreuses traces d'influences juives.

Pour expliquer ce phénomène, il suffirait peut-être d'admettre que l'auteur est un juif converti à l'islamisme; car si un juif, imbu des idées et des contes de son peuple, a changé de religion et qu'il ait songé à faire un nouveau recueil des Mille et une nuits, rien d'étonnant à ce qu'il ait utilisé des récits qui avaient charmé son enfance.

Ce qui semble confirmer cette hypothèse, c'est qu'il y a, soit dans les anecdotes insérées dans les Mille et une nuits, soit dans les grands romans qui y figurent, de nombreuses histoires de conversions. Le fait s'explique tout naturellement si l'éditeur est lui-même un converti.

1 Cfr. OESTRUP, pp. 85-86.

Quand, et même pour des raisons qui lui paraissent absolument invincibles, un homme passe d'une religion à une autre, le seul fait de sa conversion ne peut le modifier de fond en comble et, plus d'une fois, il retombera sous l'influence des idées qui, dès son enfance, lui ont été inculquées, devenant ainsi partie intégrante de sa vie morale. Pourra-t-il n'avoir jamais de doutes ou de scrupules dans ces retours, surtout si les parents, les amis qu'il a abandonnés lui font quelque reproche ? Et alors, pour s'affermir dans sa foi nouvelle et se justifier à ses propres yeux, ne sera-t-il pas heureux de pouvoir énumérer un grand nombre de personnes qui ont fait comme lui?

Mais, à côté des grands récits, on n'ignore pas que les Mille et une nuits renferment plusieurs collections d'anecdotes. L'une de ces collections, qui se compose de dix-huit contes, est évidemment d'origine juive, comme on le verra plus loin. Et ce fait n'a pas manqué de frapper des savants israélites. Déjà en 1873, Perles a publié dans le Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judenthums un travail très érudit, où il donne sur ces contes des détails fort intéressants, sans toutefois rien. en conclure pour la composition des Mille et une nuits '.

Il est assez naturel de penser que c'est notre juif converti qui a inséré cette collection dans le grand recueil.

Et s'il l'a fait, il semble permis de conjecturer en outre

Rabbinische Agada's in 1001 Nacht. Ein Beitrag zur Geschichte der Wanderung orientalischer Märchen. Von Dr J. PERLES. Dans Monatsschrift, 22, p. 14-31, 61-85 et 116-126. Cfr. aussi l'article de BACHER, ibidem, p. 332-336.

que c'est à lui aussi qu'est due l'insertion, dans les Mille et une nuits, de toutes les collections d'anecdotes dont nous venons de parler.

Cela semble probable, par ex., pour un recueil d'anecdotes relatives surtout à la générosité et à l'amour. (Hammer, 3, 344 et suiv.).

Ce qui peut le faire croire, c'est que ce recueil contient une anecdote sur une conversion (no 39, Hammer, 3, 387-392), de même que la collection juive en contient deux également (no 13 et 14, Hammer, 3, 441 et 445).

Quant aux autres collections, elles mériteraient d'être étudiées aussi de près; nous nous permettons de renvoyer à notre prochain volume de la Bibliographie arabe, où l'on trouvera des détails sur ces contes et leur diffusion dans la littérature arabe.

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