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LES PREMIERS ANTEPENDIUMS

AU PAYS DE LIÉGE

Une leçon au cours de critique historique de M. Kurth

Deux sources historiques d'une égale autorité nous révèlent l'existence, à une époque bien ancienne, de deux monuments de l'art religieux, au pays de Liége. Ces sources sont le Miracula Sancti Remacli, œuvre du IXe siècle, et la chronique de l'abbaye de Saint-Hubert en Ardenne, dite Cantatorium, œuvre du commencement du XIIe siècle.

Voici ce que nous lisons, au second livre des Miracles (1). « Par les soins de l'abbé de Stavelot et de >> ses moines, on rassembla une forte quantité d'ar» gent, dans le commun projet d'en revêtir le devant

d'un des autels. Vite on se met à l'œuvre. Les » orfèvres battent le précieux métal. On déploie une >> activité extrême. Et bientôt les plaques dorées qu'on >> devait appliquer sur le panneau sont ornées de des>> sins formant relief et de sculptures variées; sont >>> achevées enfin... >>

(1) Acta Sanctorum, 3 septembris, vol. XL, pp. 711-726.

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Notre second texte, le Cantatorium, nous apprend (1) que l'illustre abbé de Saint-Hubert Thierry Ier (2), « acheva une table d'or devant le maître-autel, qui est dédié au prince des apôtres, saint Pierre. Ce » travail avait été jadis entrepris par l'abbé Albert (3) » avec la matière d'un calice pesant vingt livres d'or, » brisé après de bons et longs services, puisqu'il avait » été donné à l'abbaye par Louis le Pieux, fils de Charlemagne. »

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Ce précieux parement d'autel fut l'un des objets que l'évêque de Liége, Otbert, enleva à l'abbaye de Saint-Hubert, quand il demanda au pillage des communautés de son diocèse le prix du château de Bouillon (4).

Les textes qui précèdent nous apprennent-ils la nature de ces objets artistiques dont ils établissent l'existence en notre pays, l'un au xie, l'autre dès le IXe siècle? Nous le pensons. Les termes qu'ils emploient ne peuvent s'entendre que de deux palliums ou antependiums, de deux parements d'autel.

De bonne heure, chez les chrétiens, le génie de l'artiste, l'habileté de l'orfèvre se proposèrent, à l'envi, l'ornementation de l'autel. Au-dessus de l'autel, comme un riche dossier contre lequel il s'appuie, se dresse le retable. Au-dessous de l'autel, comme un vêtement recouvrant le devant et les côtés du meuble sacré, se déploie l'antependium. Au début, par raison symbolique, l'antependium est un drap, un drap brodé d'argent et d'or. Et, comme sur l'autel, suivant les jours de l'année et suivant les vicissitudes de la vie, l'Eglise célèbre l'unique et divin Sacrifice dans la joie ou dans

(1) Cantatorium, § 19 (Pertz, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, t. VIII, p. 579).

(2) Thierry Ier, abbé de 1055 à 1086.

(3) Albert, abbé de 1027 à 1033.

(4) Cantatorium, § 83 (PERTZ, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, t. VIII, p. 615).

les larmes, dans l'austérité ou dans la pompe, l'entependium, vrai vêtement de ce corps mystique qu'est l'autel, règle ses couleurs sur la fête, sur l'office du jour. Mais peu à peu se répand l'usage de confectionner l'antependium en bois, en pierre ou en métal. Puis, l'exigence artistique croissant toujours, l'antependium est lui-même recouvert, enrichi de peintures, de sculptures représentant d'ordinaire quelque sujet biblique. Tel est l'antependium: un parement en drap, pierre, bois ou métal, dont on garnit le dessous de l'autel.

Que l'on reprenne maintenant les textes cités plus haut. L'un et l'autre parlent de panneau se trouvant devant l'autel : « Tabula ante quandam aram, » « Ta>> bula aurea ante majus altare. » Les Miracles parlent, en outre, détail significatif, d'un revêtement : << Tabula vestienda. » Il ne peut s'agir de retable. Il ne peut s'agir que d'antependium.

Ces antependiums, nos sources en signalent la précieuse substance. Ils sont d'or ou d'argent doré. Et nous avons, en outre, de sérieuses raisons d'y voir des œuvres véritablement artistiques. Le métal est soigneusement ouvré, nous dit le Miracula. Le panneau est recouvert de fines plaques dorées sur lesquelles se détachent, formant relief, dessins et sculptures variés.

Donc, dans notre pays de Liége, à Saint-Hubert, à Stavelot, là au XIe siècle, ici dès le Ixe, nous découvrons deux parements d'autel d'or et d'argent. Nous relevons, à cette époque lointaine et presque entièrement fermée aux investigations de l'archéologie, la préoccupation artistique, l'effort artistique. Nous saluons l'œuvre d'art.

KARL HANQUET.

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