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DE CHARLES VI.

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LIVRE DIX-HUITIÈME.

3 année du règne des souverains pontifes,

des empereurs',
du roi de France,
du roi d'Angleterre,
du roi de Sicile.

An du Seigneur 1397'. 18

20e 13.

CHAPITRE I".

Traité conclu entre les rois de France et de Navarre.

1397.

L'ILLUSTRE roi de Navarre Charles, regrettant vivement de se voir An du Seigueur privé par la forfaiture de son père des vastes domaines qui lui appartenaient en France, négociait depuis trois ans auprès du roi pour en obtenir la restitution, et le priait de rendre justice à son innocence ainsi qu'au dévouement et à la fidélité irréprochables dont il lui avait donné des preuves dès sa jeunesse. Il avait plusieurs fois envoyé l'évêque de Pampelune avec d'autres ambassadeurs aux ducs de Berri et de Bourgogne, ses oncles bien aimés. Ce prélat, qui était un personnage habile, un orateur éloquent, et un fameux docteur ès lois, avait déterminé les ducs à écrire au roi son maître, pour le prier de se rendre auprès d'eux, et lui promettre qu'ils appuieraient de tout leur pouvoir ses justes réclamations. On attendait le prince vers le commencement du mois de juillet. Afin de lui faire un accueil plus honorable, le duc de Berri alla à sa rencontre, par ordre du roi, jusqu'aux frontières

L'année 1397 commença le 22 avril.

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19° année du règne de Wenceslas.

receptus est. Cognatum dilectissimum rex incolumis effectus excepit comi fronte, rogans ut cum eo aliquandiu manens, propinquos et flores aureorum liliorum defferentes visitaret domestice. Et hii omnes, post splendida reiterata convivia, non siue fluxu munerum, consenserunt ut super petendis audiencia daretur in regis presencia.

Causam istam perorandam prefatus Pampilonensis suscipiens, et attendens in genealogia antiqua hujus regis regulam processus directricem et peticionum suarum fundamentum consistere, hujuscemodi veritatem in hystoriis ecclesie exquisivit, sicque de illis edocens, die dicta ad consistorium regis et suorum illustrium admissus est. Relacione illorum qui secretis colloquiis ex officio assistunt, primum verbum sic incepisse comperio :

<«< Celsitudini regie ceterisque principibus de regio sanguine procreatis dominus meus inclitus rex Navarre se dulciter recommendans, supplicat ut peticionibus suis nuper trans<«< missis in scriptis et nunc vive vocis oraculo explicandis beni<<< gnas aures accommodent. » Et cum multis racionibus et exemplis, non sine juris canonici et civilis regulis interjectis, quas tediosum esset enarrare ad longum, naturali conjunctos federe alternis disceptacionibus diu contendere indignum deduxisset, et precipue ubi de successione parentum, que favorabilis debet esse, res agitur, subjunxit : « Et id, sub correctione, continuan<< dum est in eum cujus legacione fungor, si standum sit anna<< libus approbatis. Nam a genealogia patris ejus sumens inicium << et ad inclitum regem Francie Ludovicum, filium Philippi Pulcri, qui materno jure regem Navarre se dicebat et comitem

Campanie, alcius retrocedens, hiis famosis dominiis jure

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— LIV. XVIII. 539 du royaume, l'amena à Paris, et l'introduisit dans cette capitale au milieu d'un brillant cortège de nobles et de bourgeois. Le roi, qui était alors en bonne santé, accueillit avec courtoisie son bien aimé cousin; il le pria de séjourner quelque temps à sa cour, et de visiter familièrement ses proches et les princes des fleurs de lis. Chacun s'empressa de le traiter avec magnificence et de le combler de présents. Il fut ensuite convenu que le roi lui donnerait audience pour entendre ses récla

mations.

L'évêque de Pampelune se chargea de porter la parole. Considérant que, dans la cause qu'il avait à plaider, la généalogie du roi devait lui servir de point de départ et qu'elle était le fondement des prétentions de son maître, il eut soin de s'en bien instruire, et d'en rechercher les preuves dans les annales de notre abbaye. Au jour dit, il se présenta devant le roi et les seigneurs de sa cour. Je tiens de ceux à qui leurs fonctions donnent le droit d'assister aux conseils qu'il commença ainsi son discours :

<< Monseigneur l'illustre roi de Navarre se recommande affectueu<< sement à votre royale majesté et à tous les princes du sang, et vous « supplie de vouloir bien prêter une oreille favorable aux récla«<mations qu'il a naguère transmises par écrit, et que je vais exposer <«< aujourd'hui de vive voix. » Il démontra ensuite par beaucoup de raisons et d'exemples, et par de nombreuses citations du droit canon et du droit civil, qu'il serait trop long d'insérer ici, qu'il ne convient pas à des princes unis par les liens du sang d'avoir entre eux des contestations, surtout quand il s'agit d'une succession de famille, qui doit se régler à l'amiable. « Avec votre permission, ajouta-t-il, <«< c'est ici le cas d'appliquer ce principe en faveur du prince pour qui « je parle, s'il faut s'en rapporter au texte des annales. Car en repre<< nant la généalogie de son père, et en remontant jusqu'à l'illustre roi «< de France Louis, fils de Philippe-le-Bel, qui s'intitulait du chef de «< sa mère roi de Navarre et comte de Champagne, on voit que la fille « de ce prince, aïeule maternelle du roi mon maître, a succédé par droit « d'héritage à ces importants domaines. Vos sérénissimes prédécesseurs

<«< hereditario successit ejus genita, genitrix hujus patris. Cui <«<< et si illustres Philippus, Johannes, Karolus quoque reges suc<<< cedentes pro comitatu predicto promiserint decem milium << librarum parisiensium assignari, id tamen filio non comple<< tum est, ut nostis, quamvis hoc, reiteratis vicibus, nunciis et apicibus requisierit instanter. Egrius, nec immerito, domi<«< nus meus sustinet se privatum Normanie parte uberrima, a

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<< rege Johanne matri in connubio concessa; eo potissime cum

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ipsa existens fidelis francigena, regnum semper cordialiter « dilexerit, et ad hoc semper temptaverit maritum inclinare.

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Fidelissime matris vestigiis filium cordialiter adhesisse omnes sciunt, nec unquam ab obediencia regie majestatis declinasse; << quam et ideo postulat ut, complendo progenitorum promissa, << nec deneget que justissime repetuntur, et que, circumspecto<< rum judicio, eciam barbarus princeps minime denegaret.

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Hiis prolixiori sermone peroratis, inde multis feriis successivis argumentosa consilia sequuta sunt; et nonnulli, paternas prodiciones in regnum et regiam majestatem perpetratas attendentes, propter quas et meruerat vitam perdere cum bonis, filium repulsa dignum ob iniquitates patris judicabant. In hanc sentenciam ibant eciam Biturie atque Burgundie duces ejus avunculi; sed dilectissime sororis fidelitatem ad memoriam reducentes, tandem hoc consuluerunt medium, ut loco possessionis materne dominus Petrus Navarre, frater ejus, comitatum de Mortaing in Normania dono regio perpetuo possideret; frater vero, resditus decem milium librarum parisiensium in regno assignarentur, et oppidum principale Normanie Cesaris Burgi resignaret.

Philippe, Jean et Charles, promirent ensuite au roi de Navarre son

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père de lui payer, en échange dudit comté de Champagne, une << somme de dix mille livres parisis. Mais la promesse faite au père n'a été accomplie à l'égard du fils, comme vous savez, quoiqu'il l'ait « demandé instamment à plusieurs reprises par messages et par lettres. << Il a donc droit de se plaindre d'être privé de la partie la plus fertile << de la Normandie', que le roi Jean avait donnée pour dot à sa mère; «< d'autant plus que cette princesse a toujours été une fidèle française,

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qu'elle a montré une affection constante pour le royaume et tra<< vaillé sans relâche à inspirer les mêmes sentiments à son mari. Chacun <<< sait que le roi mon maître a suivi sincèrement les traces de sa loyale « mère, et que jamais il ne s'est soustrait à l'obéissance du roi. Il « demande donc à votre royale majesté de tenir les promesses de vos « prédécesseurs, et de ne point rejeter ses justes réclamations, aux<«< quelles un prince barbare même ne pourrait, de l'avis des gens «sages, refuser de faire droit. »

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Telles furent les raisons que l'évêque de Pampelune exposa dans un long discours. Les débats durèrent plusieurs jours. Quelques conseillers, se rappelant les trahisons dont le roi de Navarre s'était rendu coupable envers le royaume et le roi, et pour lesquelles il aurait mérité de perdre la vie avec ses biens, étaient d'avis que les iniquités du père devaient faire repousser les prétentions du fils. Les ducs de Berri et de Bourgogne, ses oncles, partageaient eux-mêmes ce sentiment. Mais, en souvenir de la fidélité de leur soeur bien aimée, ils adoptèrent un moyen moins rigoureux monseigneur Pierre de Navarre, frère da roi, devait, au lieu de l'héritage de sa mère, recevoir du roi, à titre de donation perpétuelle, le comté de Mortain en Normandie. Quant à son frère, un revenu de dix mille livres parisis lui était assigné dans le royaume, à condition qu'il céderait Cherbourg, la principale place forte de Normandie '.

:

'Le Cotentin et le comté d'Évreux.

« En Gastinois et Champagne, dit Ju

vénal des Ursins, luy furent baillées terres

et seigneuries jusques à dix mille livres tournois de revenu. »>

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