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LES NIVERNAIS DANS L'AFFAIRE LA MOLE ET COCONAS

d'après les dépositions

I

uoique approuvée par le pape Grégoire XIII, quoique fêtée par Philippe II, roi d'Espagne, la Saint-Barthélemy, cette épouvantable nuit de sang, avait arraché à l'opinion publique un cri vengeur dont l'écho se fit entendre jusque sur les marches du trône. Les rangs des huguenots se décuplèrent. Dans la crainte d'une levée de boucliers, le roi fit publier un édit d'après lequel tous ceux de la religion pourront aller et venir en toute liberté de conscience... sans plus grande assemblée que dix seulement fors et excepté dix lieus à l'entour de la prévôté et vicomté de Paris... C'était peu et cependant cela paraissait trop à Catherine de Médicis qui, voyant Charles IX descendre rapidement vers la tombe, surveillait, d'un œil attentif, les intérêts de son fils favori, Henri, roi de Pologne, et retenoit de court son autre fils, le duc d'Alençon, et son gendre, le roi de Navarre.

François, duc d'Alençon, craintif mais avide de liberté et de gloire, poussé par son favori, Joseph de Boniface, sieur de La Môle, et l'astucieux italien, Annibal de Coconas, flattait le parti huguenot et tous les malcontents de la Saint-Barthélemy, comme le duc de Montmorency, le maréchal de Cossé, Henri de la Tour d'Auvergne, prince de Bullion, Pierre de Grandrye, seigneur de Besne, Guillaume de Grandrye, seigneur de la Montagne, Jacques de la Fin, seigneur de la Nocle, et autres de moindre importance, comme François de Tourtay, Laurens des Bois, etc. Il aspirait à épouser la reine d'Angleterre, mais, à cause de cette alliance qui semblait contraire aux intérêts de la religion catholique, il craignait d'être victime de quelque guet-apens autorisé par le Pape. C'est alors qu'il aurait été question, pendant que la cour était à Saint-Germain, d'enlever le duc d'Alençon et le roi de Navarre, de les conduire dans une province où les huguenots avaient des villes fortes et de placer le duc d'Alençon sur le trône après la mort de Charles IX. La troupe armée, qui devait favoriser cet enlèvement, arriva

quelques jours avant l'époque convenue et tout le monde perdit la tête. Au lieu de profiter de l'émotion générale pour partir vivement, le duc d'Alençon s'amuse à consulter ceux-ci et ceux-là, et La Môle, dit-on, s'en alla raconter l'intrigue à la Reine (samedi, veille des Brandons). Catherine de Médicis ordonne aussitôt la rentrée de la cour. Trop habile pour ne pas profiter d'une circonstance si favorable à ses projets, elle fait d'abord garder au bois de Vincennes le duc d'Alençon et le roi de Navarre, puis enfermer à la Bastille le duc de Montmorency et le maréchal de Cossé, et enfin arrêter La Môle, Coconas, Pierre de Grandrye, Laurens des Bois et François de Tourtay. Henri de la Tour d'Auvergne, Guillaume de Grandrye et Jacques de la Fin avaient disparu à temps.

J'ai parlé, dans ma Notice sur Saint-Honoré-les-Bains, des frères Pierre et Guillaume de Grandrye. Ils étaient fils d'Albert de Grandrye, grenetier au grenier à sel de Moulins-Engilbert, et de Marguerite de Laubespine (1). Ils héritèrent de leur oncle, Charles de Grandrye, receveur général pour le roi en Nivernais, qui n'avait pas eu d'enfants de son union avec Jeanne Bolacre.

Pierre de Grandrye, seigneur de Besne et de Grandrye, ambassadeur aux Grisons, chevalier de l'Ordre du Roi, se jeta dans les curiosités de la chimie et crut avoir trouvé le secret d'affiner les métaux. Attiré auprès du duc d'Alençon, dont il devint chambellan, il ne sortit sain et sauf de l'intrigue de La Môle et de Coconas que grâce au crédit de Sébastien de Laubespine, évêque de Limoges, son oncle. D'après ses interrogatoires, il semble qu'il était parfaitement au courant de cette petite et cependant si grave affaire dont M. Guizot ne parle pas dans son Histoire de France.

Guillaume de Grandrye, son frère, seigneur de la Montagne, chevalier de l'Ordre du Roi, fut destiné à l'état ecclésiastique et obtint l'abbaye de Grandchamp, dont il garda le nom. Il ne tarda pas à prendre le parti des armes où il tint une place brillante. Il fut ensuite ambassadeur à Constantinople (1566-1570). On le trouve à la Montagne en 1571 et 1573. Huguenot, comme la plus grande partie des seigneurs du Nivernais, il avait une horreur profonde de la journée de la Saint-Barthélemy qu'il appelait journée de la trahison et paraît s'être engagé à fond dans le complot de Saint-Germain. Il eut l'habileté de fuir à temps et resta l'irréconciliable ennemi de Catherine de Médicis. Sed defendat quod quisque sentit : sunt enim judicia libera (2).

II

Le projet seul d'enlever les princes de la cour ne devait pas être un délit bien grave aux yeux du public. Aussi Catherine de Médicis ne craignit pas de faire des victimes. pour laisser croire à une conjuration contre le roi. « Le procès de la Molle et de « Coconas fut instruit avec toutes les adresses dont on se peut servir dans un pouvoir

(1) Marguerite de Laubespine était la sœur de Sébastien de Laubespine, évêque de Limoges, ambassadeur en Espagne, et la nièce de Claude de Laubespine, secrétaire d'Etat, tous deux très écoutés de Catherine de Médicis.

(2) CICERON, Tusculanes, livre IV.

<< absolu comme étoit celui de la Reine, et comme on avoit besoing de sang pour << persuader le peuple, il ne fut pas impossible de sacrifier à un si grand intérêt deux « favoris d'un prince qui avoit tant de sujets de mécontentement, qui étoit persuadé qu'on le vouloit faire mourir, qui scavoit l'histoire terrible de l'infortuné don Charle « d'Espagne (1) et qui croyoit avoir des preuves certaines que le Roy catholique avoit « été consulté pour emprunter de lui les mêmes prétextes et, de plus, que le Pape en << avoit levé le scrupule pour l'intérêt de la religion, en haine du mariage qu'on traitoit « entre lui et la reine d'Angleterre (2). » Et cependant de toutes les dépositions tant pratiquées qu'extorquées à la torture, on ne peut conclure qu'une chose, c'est que le duc d'Alençon et le roi de Navarre voulaient quitter la cour dans la crainte d'être assassinés.

Joseph de Boniface, sieur de La Mole, fut le premier interrogé, le jour de Pâques, 11 avril 1574, par Christophe de Thou, premier président, sur vingt-un articles qu'il nia tous. Il était fils d'Antoine de Boniface et de Marguerite de Pontevez. Jeune, beau, bien fait, orgueilleux, favori du duc d'Alençon, et amant de la licencieuse Marguerite, sœur de son maître et femme du roi de Navarre, il avait tout ce qu'il fallait pour être sacrifié. Annibal de Coconas fut mené au bois de Vincennes devant le roi. Il crut qu'on lui faisait une faveur, entrevit sa grâce et, comptant sur la fortune qui n'abandonne pas les audacieux, il répondit aux dix-sept questions qui lui furent posées en chargeant un peu tout le monde. Il était venu du Piémont se faire une place à la cour où, prétend-on, il obtint les faveurs de notre duchesse, Henriette de Clèves.

Le 13 avril, le duc d'Alençon et le roi de Navarre donnèrent leur déclaration parce que leur qualité les exemptait de répondre en justice dans les formes ordinaires. L'abbé Le Laboureur dit que le duc d'Alençon répondit «< comme un enfant bien obéissant qui fait une confession générale « et tout prest de fournir à sa mère tout ce qu'il luy plairoit de crimes pour faire périr tous ses serviteurs et ses amis, » et le roi de Navarre «< comme un roy captif en sa personne, mais toujours libre en sa dignité et qu'on peut dire avoir fait le procès à cette Reine envers la postérité. »

Tout cela n'était pas suffisant à Catherine de Médicis, aussi porta-t-elle un coup décisif en faisant entendre, le 14 avril, Yves de Brinon, àgé de 40 ans (3). La déposition policière de ce témoin mérite d'être retenue. La voilà tout entière :

« Yves de Brinon, âgé de 40 ans ou environ, après serment par luy fait, a dit qu'il

(1) Don Carlos, fils de Philippe II, roi d'Espagne, et de Marie de Portugal, sa première femme, voulait épouser Elisabeth de France, fille d'Henri II, et c'est son père, ce fanatique plus catholique que le Pape, qui l'emporta sur lui, 1559. Déclaré incapable de prétendre à la couronne en 1563, il fut mêlé aux intrigues des Pays-Bas révoltés, puis accusé d'avoir voulu attenter à la vie de son oncle, don Juan d'Autriche, et même à celle de son père. Il fut arrêté en 1568, condamné par le Grand Inquisiteur et mourut empoisonné.

(2) Additions aux Mémoires de Michel de Castelnau, t. II, p. 352 et 353.

(3) La famille de Brinon se trouve en Bourbonnais et en Nivernais. En 1524, Jean Brinon, conseiller du roi et maître des comptes à Paris, seigneur de Pontillault, au nom et comme curateur de Jeanne Brinon, dame du Plessis aux Tournelles, sa nièce, fille de feu Claude et de Germaine Balue, depuis femme du bâtard d'Alençon, donne procuration pour faire hommage de divers biens. (Inventaire des Titres de Nevers, 378, La Ferté-Chauderon). Le Laboureur écrit que toutes les procédures roulèrent sur la déposition de Brinon qui pouvait être suspecte dès ce temps-là comme elle le sera sans doute à la postérité.

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