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ALBÉRON IER

ÉVÊQUE DE LIÉGE (1)

(1123-1128)

Le 27 mai 1121 (2), mourait saint Frédéric, évêque de Liége et peu de temps après, Alexandre de Juliers posa, pour la seconde fois, sa candidature au trône épiscopal (3); il était surtout soutenu par le comte de Louvain, Godefroid Ier le Barbu, qui ne tarda pas à faire réunir le chapitre et procéder à l'élection (4) malgré Frédéric de Schwartzembourg, archevêque de Cologne, métropolitain de l'évêque de Liége, qui avait écrit aux Liégeois de différer la nomination d'un nouvel évêque jusqu'à son arrivée dans la ville (3);

(1) Travail présenté au cours de critique historique fait par M. le professeur Kurth, à l'Université de Liége, année académique 1892-1893.

(2) Les Gesta abbatum Trudonensium, ap. Pertz, Monumenta germaniæ historica, SS., t. X, p. 302 et Fisen, Historia Leodiensis, pars I, p. 221, donnent 6 kal. junii; les Annales sancti Jacobi minores, ap. Pertz, Monumenta germaniæ historica, SS., t. XVI, p. 632, donnent 5 kal. junii; Gilles d'Orval, Ibidem, t. XXV, p. 96, donne le 2 des calendes de juin; cf. la note de Heller, Ibidem.

(3) Il avait fait opposition à la politique de Frédéric et on accusa même ses partisans d'avoir fait mourir cet évêque.

(4) Gesta abbatum Trudonensium, l. c.; Gilles d'Orval, 1. c.; Fisen, Historia Leodiensis, pars I, p. 222.

(5) Lettre de Frédéric au clergé de Liége. Delvaux, Mémoire pour servir à l'histoire ecclésiastique du pays de Liége, t. II, p. 541; manuscrit de la Bibliothèque de l'Université de Liége.

Alexandre et Godefroid ne tinrent pas compte de cette demande et l'ancien prévôt de Saint-Martin et de SaintBarthélemy fut nommé évêque par le chapitre qui était loin d'être au complet : quelques chanoines s'étaient retirés à Eysden, d'autres, comme André de Cuyck, avaient refusé d'assister à cette réunion et même, parmi les présents, il y eut encore beaucoup d'abstentions. Cette élection ne pouvait pas être considérée comme canonique et valable, puisqu'il y manquait la sanction du métropolitain; Alexandre crut pouvoir s'en passer s'il faisait approuver sa nomination par l'abbé de Saint-Trond, Rodolphe, qui à cette occasion vint à Liége; mais ce dernier s'y refusa et se retira dans l'abbaye de Saint-Laurent dont l'abbé n'était pas non plus favorable au nouvel élu. N'ayant pas réussi, Alexandre recourut aux bons offices de Godefroid, qui proposa à l'archevêque de Cologne une entrevue à Maestricht; mais Frédéric n'y vint pas. Les choses ne pouvaient rester dans cet état: aussi les deux partis envoyèrent-ils des députations à l'archevêque Frédéric pour qu'il voulût bien se prononcer; le métropolitain fixa comme lieu d'entrevue Corneli-Munster où, après une courte discussion, Alexandre de Juliers promit obéissance à son supérieur et, à la demande de ce dernier, retira sa candidature au trône épiscopal de Liége; une nouvelle élection fut décidée (1).

Dans l'entre-temps, Liége reçut la visite de l'empereur d'Allemagne Henri V, qui, le 26 mars 1122, célébrait les fêtes de Pâques à Aix-la-Chapelle; de là, il vint à Liége en avril ou en mai; ce fut alors que les chanoines de l'église Saint-Servais de Maestricht se plaignirent à lui des exactions commises par Goswin, seigneur de Fauquemont. Henri V chargea Godefroid

(1) Gesta abbatum Trudonensium, ap. Pertz, Monumenta germaniæ historica, SS., t. X, pp. 302-304. Ces faits, auxquels fut mêlé l'abbé de Saint-Trond, sont racontés dans cette chronique avec beaucoup de détails.

le Barbu de le mettre à la raison et son château fut

détruit (1).

Enfin, en 1123, après un interrègne de deux ans, le chapitre cathédral nomma évêque de Liége, Albéron, chanoine primicier de l'église Saint-Etienne de Metz (2).

Albéron était fils de Henri II, comte de Louvain et d'Adèle de Thuringe; il avait pour frères: Henri III le Jeune, qui fut comte de Louvain (1078-1096) et Godefroid Ier le Barbu, qui, d'abord comte de Louvain, devint duc de Basse Lorraine et marquis d'Anvers (3); né de famille princière, Albéron se consacra tout jeune à l'état ecclésiastique et il ne tarda guère à être élevé à la plus haute dignité du chapitre de l'église

(1) D'après Anselme, Continuatio chronographia Sigeberti Gemblacensis, ap. Pertz, Monumenta germaniæ historica, SS., t.VI, p. 378, le château de Fauquemont fut détruit entre le 26 mars et le 23 septembre 1122; mais il ne mentionne pas l'intervention d'Albéron, qui ne fut d'ailleurs élu évêque que l'année suivante; il n'est donc pour rien dans la destruction de ce nid de brigands, comme le disent Fisen, op. cit., p. 223: « quod quidem Alberoni datum a Cæsare » et de Ram, Albéron Ier, dans la Revue catholique du 15 mars 1854, p. 4 et dans la Biographie nationale, t. I, col. 179. Nous ne parlerons pas de Jean d'Outremeuse qui place la nomination d'Albéron en 1118.

(2) Les sources les plus anciennes ne sont pas d'accord sur la date de la nomination d'Albéron Ier au trône épiscopal : les Annales sancti Jacobi minores (Pertz, Monumenta germaniæ historica, SS., t. XVI, p. 632) donnent 1122, tandis que Anselme (Ibidem, t. VI, p. 378), les Annales Laubienses et les Annales Fossenses (Ibidem, t. IV, pp. 22 et 30) donnent 1123. Deux chartes nous renseignent plus exactement: l'une du 2 août 1123, à laquelle l'évêque Albéron est témoin (Bondam, Charterbæk der hertogen van Gelderland, p. 171); l'autre du 30 mars 1125 émanant d'Albéron et donnée «< anno episcopatus domni Adelberonis secundo » qui prouve que la première année de son épiscopat ne peut avoir commencé qu'après le 30 mars 1123 (Regeste, no 8; L. Lahaye, Etude sur l'abbaye de Waulsort, dans le Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liége, t. V, p. 454). M. Daris (Histoire de la principauté de Liége jusqu'au XIIIe siècle, p. 477) se basant sur un texte à nous inconnu, dit qu'Albéron aurait reçu la consécration épiscopale de l'archevêque de Cologne, avant le 19 mai 1123.

(3) Voir ci-après l'épitaphe de cet évêque.

Saint-Etienne de Metz, celle de chanoine primicier (1). Nommé à l'évêché de Liége, ayant reçu de l'empereur les insignes du pouvoir temporel et consacré, à Cologne, par l'archevêque Frédéric de Schwartzembourg, son métropolitain (2), Albéron Ier s'attacha à faire renaître dans son diocèse la paix et la concorde troublées sous l'épiscopat d'Otbert par la querelle des investitures et pendant l'interrègne par les intrigues d'Alexandre de Juliers. Presque chaque année de son épiscopat, il tint un synode ou réunion générale de tout le clergé du diocèse et des nobles de la principauté; ces synodes avaient pour but de ranimer la foi de tous et de mettre en communication plus directe le chef spirituel du diocèse avec ses ouailles. Ces réunions, peu fréquentes sous Otbert et Frédéric, se tinrent sous Albéron Ier à Liége, en 1124, 1125, 1126 et 1127. Les établissements ecclésiastiques en profitèrent pour y faire approuver leurs dotations et les garantir ainsi contre les déprédations des grands; c'est là aussi que nous voyons Albéron confirmer la donation de Fouron à l'abbaye de Munster (3); les donations de Godefroid à l'abbaye de Floreffe (4); la donation de Bertrée à l'abbaye de Cluny (5); celle de Petit-Avernas à l'abbaye de Saint-Laurent (6); celle de Sart-les-Moines à l'abbaye

(1) Le primicier devait diriger le jeune clergé dans le chant, la discipline et la science ecclésiastiques ; pendant la vacance du siège épiscopal, il prenait part à l'administration du diocèse avec l'archidiacre et l'archiprêtre. Albéron occupait déjà ces fonctions en 1075. Gallia Christiana, t. XIII, pars II, col. 402.

(2) Gesta abbatum Trudonensium, liber XI, 12, ap. Pertz, Monumenta germaniæ historica, t. X, p. 304.

(3) Regeste, no 3.

(4) Ibidem, no 4.

(5) Ibidem, no 6. Sainte-Marie de Bertrée fut un des cinq prieurés possédés par l'abbaye de Cluny dans l'ancien diocèse de Liége. Voir notre Etude sur le prieuré de Saint-Séverin-en-Condroz, dans les Bulletins de la Commission royale d'histoire, 5a série, t. IV, p. 165. Albéron demanda par deux lettres à l'abbé de Cluny d'envoyer à Bertrée des moines de son monastère. Regeste, no 21 et 25; Documents, nos 8 et 9. (6) Ibidem, no 7, cf. aussi no 14.

de Liessies (1); les chartes de fondation de l'abbaye de Solières (2) et du prieuré de Géronsart (3). Ces synodes produisirent l'effet voulu et la paix refleurit dans le diocèse de Liége; le règne d'Albéron Ier fut un des plus beaux et des plus tranquilles.

Albéron s'attacha aussi à exciter la dévotion des fidèles et à multiplier les établissements religieux vers 1121, saint Norbert, fondateur de l'ordre des Prémontrés, passa par Namur; le comte Godefroid touché de sa piété, lui donna son château de Floreffe pour y fonder un monastère (4). Au synode tenu à Liége, le 20 mai 1124 et les jours suivants, Albéron approuve de nouvelles donations faites à l'abbaye de Floreffe par le comte de Namur (s) et accorde des privilèges à ce monastère il exempte leur église de tout droit et de toute exigence de la part de l'évêque, de l'archidiacre et du doyen, ne se réservant que l'ordination des frères, leur sujétion filiale et la bénédiction de l'abbé nommé par une élection libre et canonique des religieux; de plus, la cure de Floreffe sera à la collation de l'abbé. C'est sans doute de cette abbaye que vinrent les Prémontrés qui furent placés par Albéron lui-même dans la nouvelle abbaye de Cornillon lez-Liége (6), là où l'évêque Otbert avait construit un oratoire dédié

(1) Regeste, n° 12; Dom U. Berlière, L'ancien prieuré de Sart-lesMoines, à Gosselies, dans les Documents de la Société paléontologique et archéologique de Charleroi, t. XVII, p. 291.

(2) Regeste, no 23.

(3) Ibidem, no 24.

(4) Cette donation fait l'objet d'une charte de Godefroid, en date du 27 novembre 1121. Miræus et Foppens, Opera diplomatica, t. IV, P. 194.

(5) Regeste, no 4; Barbier, Histoire de l'abbaye de Floreffe, t. I, p. 22. Le pape Honorius confirma aussi à l'abbaye des privilèges par une bulle du 4 novembre 1128. Hugo, Annales præmonstratenses, t. I, preuves, p. 211.

(6) Regeste, no 5; Daris, Notice historique sur l'abbaye de Beaurepart à Liége, dans le Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. IX, P. 331.

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