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au feu du canon. On prévit que le système de défense serait bientôt changé et qu'une révolution allait s'introduire dans l'art de la guerre; alors, on dut attacher beaucoup moins d'importance à ce qui avait fait auparavant la force des places et des maisons féodales (1). Le château de Modave conserva cependant son caractère de forteresse. Nous lisons dans les convenances de mariage de Jean de Modave et de Marie de Sorinnes, conclues le 2 juillet 1469: « Fut conditionné que toutes » les artilleries de treit, de poudre et autres pour def>> fendre la ditte forteresse de Modaule demeurent et >> deuront demoreir au dit Jehan (2). » Nos ancêtres, accoutumés à attacher l'idée de la grandeur et de la puissance aux châteaux qui déployaient un appareil militaire, voulaient que leurs habitations offrissent au moins l'apparence d'une maison forte. L'entrée était défendue par des tours, des herses et des ponts-levis; les murs étaient garnis de tours et de mâchicoulis. L'ensemble de la construction affectait la forme carrée. Parfois les bâtiments n'occupaient que trois côtés du carré; c'était le cas à Modave. Le quatrième côté y était, de même qu'aujourd'hui, fermé par un mur peu élevé, appuyé sur le rocher comme toute la construction.

Peu à peu le château de Modave se transforma davantage encore en habitation moderne. Il resta cependant toujours entouré de certains travaux de défense. Il fut incendié par les troupes lorraines en 1651, et le comte Jean-Gaspard-Ferdinand de Marchin le fit rebâtir dans l'état actuel.

Un document, écrit vers 1680, nous retrace la description du château, tel qu'il existait à cette époque. « L'entrée du château, » y lisons-nous, « est défendue » d'un grand fossé qui environne la basse court et le » château. La porte est flancquée de deux boulevards

(1) Voir A. de Caumont, Architectures civile et militaire.
(2) Lefort, 3a partie, vol. XXX, aux archives de l'Etat à Liége.

>> cassematés et terrassés en hault. Ayant passé la porte, » à main droite sont des remises de carosses, à gauche » les écuries du château contenantes les places d'un grand nombre de chevaux, au bout desquels il

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y a un appartement pour y loger separement soit ecuyers » ou officiers des ecuries dix personnes. Vous trouvez >> ensuitte une grande court au milieu de laquelle est un tres beau bassin et une fontaine qui distribue les >>eawes soit dans le château, soit dans la basse courte, a main droite est une muraille, à main gauche est une terrasse garnie de deux balustrades à laquelle >> l'on vat par un des plus magnificques perons qui se puisse veoir et de là au jardin (1). »

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Les fortifications dont il s'agit devaient être d'une certaine importance; car nous voyons, dans les guerres suivantes, les populations effrayées chercher un abri sous les murs du château. Au temps du cardinal de Furstenberg, on ajouta encore à ces moyens de défense. En effet, l'historien Bouille nous raconte qu'en 1689, les Français, après avoir pillé et brûlé la ville de Huy, << démolirent les fortifications qu'on avoit commencé >> au château de Modave (2). » Aujourd'hui toute trace de fortifications a disparu; le propriétaire actuel a également supprimé la terrasse qui bornait la cour du côté gauche; le terrain est nivelé, et l'entrée du château n'en présente qu'un meilleur aspect. Le bassin qui se trouvait au milieu de la cour était probablement élevé au-dessus du sol, car on a dû faire jouer la mine pour creuser, au milieu du roc, le bassin qui existe actuellement au même endroit.

Le document que nous avons cité ne nous décrit point l'intérieur du château. En examinant la disposition des bâtiments, tels qu'ils existent aujourd'hui, on y retrouve la marque de trois constructions successives. La partie la plus ancienne est celle qui occupe l'extrême

(1) Archives du château de Modave, no 104 de l'Inventaire général. (2) Histoire de la ville et pays de Liége, t. III, p. 493.

pointe du rocher. Cette aile du château est complètement indépendante. On y a sans doute ajouté plus tard les deux ailes qui forment avec la première les trois côtés du carré intérieur et qui ont aussi leur escalier indépendant. La porte par laquelle on pénètre dans cette partie du château est encadrée de pierre et semble, par la solidité de sa construction, avoir été la porte extérieure, la porte d'entrée de cette demeure princière, à la seconde époque de son existence. Le comte de Marchin a vraisemblablement reconstruit ces deux parties plus anciennes du château, en y adaptant les bâtiments qui en forment aujourd'hui la façade. La partie la plus remarquable de ceux-ci est le hall grandiose par lequel on pénètre dans cette vaste habitation. Il est surtout enrichi par la généalogie de Jean-GaspardFerdinand, sculptée et peinte sur le plafond et conduite jusqu'au quatrième aïeul, de sorte qu'à la dernière ligne se voient trente-deux blasons différents avec leurs cimiers. L'ensemble de ces blasons étale ainsi, sur une seule mais immense page, l'histoire héraldique de la famille de Marchin. Nous discuterons plus loin la valeur historique de cette généalogie.

En franchissant l'ancienne porte dont nous avons parlé, on passe dans un second vestibule plus petit et qui a dû être l'ancien vestibule du château avant la dernière reconstruction. Ce second vestibule nous présente la généalogie des Balzac d'Entragues, dont était née la femme du comte de Marchin. On trouve à droite la vaste salle dite d'Hercule, à cause de son plafond orné de la représentation en relief des travaux du demidieu, et un joli salon orné de splendides Gobelins; à gauche la salle à manger, la chambre dite du duc, avec son ancien mobilier, son lit aux riches tentures, enfin le boudoir du duc d'où l'on découvre sur le parc une vue magnifique. Ces dernières pièces sont décorées de tableaux de fleurs des peintres liégeois Coclers et Morel.

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Modave portait, au témoignage de Lefort: «< D'ar» gent au lion d'azur couronné, armé et lampassé d'or, >> aiant sur le timbre une couronne fleuronnée, pour cymier un lion naissant et pour tenants deux hommes » sauvages, couronnés et centurés de branches et feuil» lages au naturel. »

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Ces armes sont représentées, à peu près de la même manière, sur la tombe de Jean de Modave, et de son épouse, Jeanne de Spontin, en l'église de Modave.

Lefort a consacré ses recherches à rattacher à cette ancienne famille la branche encore existante des Modave de Masogne. Il entreprit probablement ce travail sur une demande qu'on lui en fit. Parmi les documents qui servirent à faciliter ses recherches, nous trouvons, écrite d'une main étrangère, une pièce intitulée Mémoire ou modèle. C'était sans doute un projet de rédaction que l'on soumit au héraut d'armes. dans le désir que les louanges qu'il contient fussent confirmées de son autorité. « Comme il est venu à ma >> connaissance, lisons-nous dans ce document, qu'il >> subsistoit encore une branche de la très noble et très >> ancienne famille de Modave, qui a donné quantité >> de chevaliers au pays de Liége dans son quartier de >> Condroz depuis l'an 1200, comme aussi des grands >> baillifs, des gentilshommes de l'Etat noble et un grand mareschal de l'evecque dudit Liége es ans 1275

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» et 1276 (1), lesquels ont aussi possédé des grandes » et belles terres telles que sont les deux Modaves, Reppe, Frandeux, Sorinne, Gramptinne, Skeufve, » Wanzenne, Wignée, Freyr, les tours de Longne, » Froidfontaine, Hallizoul et d'autres biens, métairies, maisons, cens, rentes considerables à Bouvigne, Namur, Diepenbeeck, Vance, Masogne, Harchies, Clockier, Corioulle, etc..., j'ai souhaité >> d'examiner si cette branche étoit véritablement de » cette famille (2). :

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Le personnage le plus ancien que nous trouvons signalé sous le nom de Modave est Jean de Modave, cité par Hemricourt (3) et par Jean d'Outremeuse (4). Ces deux auteurs s'accordent à nous dire qu'il épousa Marguerite, fille de Louis de Surlet et de la fille du comte de Hozémont. Il eut pour enfants: 1° Pierre; 2o Jehan; 3° Louis, mort sans hoirs; 4° Gilles, marié à Maheal de Meffe, dont issurent: A. Henri, vesti de Fleurus; B. Guillaume, vesti de Clermont, près de Beaumont; C. Marguerite; 5o Catherine.

Jean d'Outremeuse nous dit en outre que le père de Jean de Modave était Conrard de Visé (5).

Une charte du 14 janvier 1325 (1326, nouveau style) fait mention d'une accense, faite par le chapitre de Saint-Martin à Liége, des dimes et de la justice de Breust, du moulin de Cawester, situé au même village, etc... Les preneurs, qui étaient Renard d'Argenteau et Rennechon, fils de Libert de Visé, avaient, outre l'acquittement du fermage, à défendre les droits du chapitre contre les prétentions des héritiers de Jean de Modave: « Et devons defendre les demes devan

(1) Voir plus loin, p. 44

(2) Lefort, 3° partie, vol. XXX.

(3) Hemricourt, Miroir des nobles de Hesbaye, p. 233.

(4) Jean d'Outremeuse, Ly Myreur des histoires, Ed. Borgnet, t. IV, pp. 428 et 430.

(5) Ibidem, p. 426.

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