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à les faire passer pour grossiers, indisciplinés et indisciplinables, afin de se disculper d'avoir violé à leur égard le droit des gens et celui de la nature.

Ce n'est pas que nous prétendions vanter la civilisation des Mexicains; nous y trouvons même quelque chose de triste et de sentencieux, qui annonce une nation décrépite : des prêtres voués au célibat et isolés du monde, des sacrifices exécrables, et partout des coutumes bien éloignées de la naïveté des peuples nouveaux. Nous disons seulement que c'était un énorme tort que de condamner comme barbare et insociable une pareille nation, et de la livrer à toute la cupidité inhumaine de conquérants ignorants, qui se répartirent entre eux les terres et les hommes. Obligés de travailler aux mines, les naturels jonchaient de leurs cadavres les routes qui y conduisaient; la moindre désobéissance de leur part était déclarée rébellion, et châtiée comme telle. Ce n'était pas assez, pour les opprimer, d'une arrogance brutale; les Espagnols eurent recours aux astuces fiscales. Il fut décrété que tous ceux qui s'enivreraient seraient condamnés aux travaux des mines, et l'on offrit des appâts à l'ivresse; la confiscation fut prononcée contre le colon négligent, et on l'empêcha de travailler en l'accablant de corvées, afin de se ménager un prétexte pour le dépouiller de son fonds. Puis il fut défendu de cultiver la vigne et l'olivier, et il fallut payer quatre réaux par tête pour entendre la messe.

Était-ce donc sans raison que les Mexicains exécraient leurs maîtres et refusaient d'approcher leurs femmes, pour ne pas engendrer des compagnons de tant de misères ?

Les choses ne tournèrent pas mieux pour la race dominatrice, chez laquelle se développèrent les vices les plus détestables, un égoïsme dégoûtant, une cupidité effrénée, la passion des femmes et du jeu. Ces vices ne tardèrent pas à se communiquer aux vaincus, qui, ne songeant plus qu'à leur avantage particulier, s'accusèrent les uns les autres pour se sauver, se livrèrent à l'espionnage, et se rendirent les complices des Espagnols pour se soustraire au péril, pour se venger, pour s'enrichir.

Cortès ne fut pas témoin de ces horreurs, auxquelles il n'avait que trop ouvert la voie. La cour d'Espagne, fidèle à son ancien système d'ingratitude et de défiance, s'étant mise à le harceler, il arriva inopinément à Tolède avec une suite magnifique. La

1534.

pompe dont il était entouré donna une haute idée du pays conquis, et Charles-Quint accueillit le héros avec les plus grandes démonstrations d'estime; mais il diminua son autorité, et donna le titre de vice-roi du Mexique à Antoine de Mendoza.

Il ne resta d'autre perspective à Cortès que celle de pouvoir exercer encore son génie entreprenant dans les découvertes. Charles-Quint lui avait recommandé d'explorer les côtes orientales et occidentales de la Nouvelle-Espagne, pour chercher le secret du détroit, destiné à abréger des deux tiers la navigation de Cadix aux Indes orientales. Cortès promit d'y réussir, et fit partir à ses frais Fernand de Grijalva, qui découvrit les côtes de la Californie, où il se rendit ensuite lui-même avec quatre cents Espagnols et trois cents esclaves nègres, pour y continuer les découvertes.

A mesure qu'apparaissait un nouveau ́ pays, l'imagination y transportait ses rêves on exaltait à Cumana et à Caracsa la richesse des pays situés entre l'Orénoque et le Rio-Negro; on ne parlait à Santa-Fé que des missions des Andalaquies, et à Quito, que des provinces de Macas et de Méaxa (1). La Californie était un pays très-malheureux, sous un très-beau ciel; mais il produisait les perles, dont la pêche attira un grand nombre de navigateurs; puis, lorsqu'elles furent épuisées, la péninsule redevint déserte, jusqu'au moment où les jésuites y firent quelques établissements, et nous donnèrent sur cette contrée les informations les plus complètes.

Cortès fit aussi reconnaître la Nouvelle-Galice, que Munez de Guzman avait aperçue au nord-ouest. Il expédia encore d'autres navires pour explorer des îles dans l'océan Pacifique, et dépensa dans ces expéditions jusqu'à trois cent mille couronnes. Il espérait ainsi que d'autres exploits étoufferaient l'envie que les premiers avaient excitée, et que Charles-Quint non-seulement lui rembourserait ses dépenses, mais le réintégrerait, pour de nouveaux services, dans l'autorité dont il avait été dépouillé ; mais à son retour en Espagne il n'y reçut qu'un froid accueil et des refus. Ses services étaient assez grands et assez nombreux pour qu'on pût désormais se montrer ingrat envers lui sans inconvénient.

Il suivit Charles-Quint dans son expédition d'Alger; mais dans un naufrage il perdit ses joyaux, et ne parvint à se sauver qu'à la nage;

(1) HUMBOLDT, Hist. de la Nouvelle-Espagne.

il eut ensuite son cheval tué sous lui dans une bataille et cependant l'empereur en vint jusqu'à lui refuser audience. Indigné de cette ingratitude brutale, il perça un jour la foule, et s'avança jusqu'au carrosse de l'empereur, qui lui demanda d'un ton sévère qui il était. Je suis, répondit Cortès, le conquérant du Mexique; je suis celui qui vous a donné plus de provinces que vos ancêtres ne vous avaient laissé de villes.

On ne reproche pas impunément aux rois leur ingratitude. Charles-Quint, qui n'avait contribué à cette grande entreprise ni par ses trésors ni par sa direction, laissa mourir obscurément à Séville celui qui l'avait accomplie : Cortès était âgé de soixantedeux ans (1).

Montezuma et Guatimozin étaient bien vengés; mais était-ce Charles-Quint qui devait se charger de pareille tâche ?

1547.

CHAPITRE VIII.

PÉROU.

L'heureux succès de Cortès ranima le goût des aventures, qui paraissait languir; et aucun espoir ne parut trop vaste, aucune entreprise trop audacieuse. Nous avons dit comment Balboa, après avoir traversé l'isthme de Darien, fut informé de l'existence d'un grand pays du sud, très-riche de ces métaux qui étaient l'unique désir des Européens : c'était le Pérou; mais il était très-difficile aux Espagnols établis à Panama de gagner cette contrée, à cause de la distance considérable, des pluies diluviennes sous un climat meurtrier, et des forêts impénétrables. Pedrarias Davila, venu en qualité de vice-roi dans le pays où il s'était souillé de l'assassinat de Balboa, n'y trouva, au lieu des trésors qu'il s'était promis, que des fatigues à supporter. Le manque des commodités les plus indispensables de la vie, et l'insalubrité de l'air, firent périr six cents de ces aventuriers; les autres, mal contenus, se donnaient des airs d'arrogance et menaçaient les caciques. Velasco était aussi trop

(1) Vargas Ponce nous a conservé la dernière lettre, empreinte de mélancolie, dans laquelle Cortès expose ses droits à l'empereur (ultima y sentidesima carta de Cortes). Un secrétaire écrivit en marge : « Rien à répondre : » Nay que responder.

T. XIII.

12

1524.

14 novembre.

lâche pour entreprendre par lui-même la découverte, trop envieux pour la laisser faire à d'autres. Quelques années s'écoulèrent donc sans qu'il en fût question davantage. Puis vint le moment où François Pizarre, Diègue d'Almagro et Fernand Luque se vouèrent avec obstination à la réussite de l'entreprise. Le premier, né d'une union illégitime, dans l'Estramadure, et réduit à garder les pourceaux, était étranger à tout sentiment de famille et d'humanité. Après s'être illustré par un courage farouche dans les guerres d'Italie, il était passé en Amérique, où il avait gagné de l'argent et acquis des terres. Almagro, à la valeur d'un vétéran, n'associait pas ce coup d'œil assuré qui donne le triomphe à de sages combinaisons. Luque, riche ecclésiastique et maître d'école, aurait volontiers trouvé un évêché là où d'autres allaient chercher une vice-royauté. Ces trois hommes mirent donc en commun, Pizarre, son audace, les deux autres, leurs fonds; et après s'être juré, sur une hostie qu'ils se partagèrent, de ne manquer mutuellement ni à la foi promise ni à la loyauté, ils prirent congé de Pizarre, qui mit à la voile, avec un bâtiment monté par cent dix hommes, pour une mer inconnue.

Il arriva dans la plus mauvaise saison: aussi ne trouva-t-il dans ses divers débarquements que des marécages et des forêts impénétrables. Malgré sa persistance indomptable, les fatigues et les maladies moissonnèrent ses compagnons ; et il lui fallut se résoudre à s'en retourner après trois ans de tâtonnements sans résultat, au milieu des railleries et des quolibets. On fit même à Panama, pour se moquer des associés, des chansons où Pizarre était traité de boucher; Almagro, qui fournissait les provisions, de marchand de bœufs; et le dernier, de fou. Le gouverneur Pedro de los Rios défendit toute levée d'hommes à cet effet, et envoya reprendre le petit nombre de ceux qui étaient revenus.

Mais Pizarre, loin de se décourager, traça avec son épée une ligne sur la terre, et exigea que tous ceux qui renonçaient aux trésors qu'il promettait franchissent cette ligne. Tous acceptèrent le parti proposé, à l'exception de douze, avec qui il endura dans l'île de la Gorgora les privations les plus rudes, au milieu desquelles son courage s'endurcit encore. A peine un bâtiment lui eut-il été expédié de Panama, qu'il s'embarqua de nouveau pour le Pérou, et l'atteiguit enfin après vingt jours de navigation.

En apercevant partout l'apparence de l'industrie, les commo

dités de la vie, des champs cultivés et des habitants policés, il comprit qu'il n'avait pas affaire à une horde de barbares, et qu'il ne pourrait s'y établir avec aussi peu de monde : il revint donc en rapportant ces heureuses nouvelles.

Il ne restait plus assez de fonds aux trois associés pour poursuivre leur entreprise; mais leur courage et leur obstination étaient loin d'être à bout. Pizarre passa en Espagne, où il promit monts et merveilles. On l'écouta, et il fut nommé gouverneur et capitaine général de tous les pays qu'il pourrait occuper, sur une étendue de deux cents lieues au sud du fleuve de Santiago. Cortès lui fournit de sa bourse quelques sommes d'argent, et plusieurs de ses parents en firent autant. L'évêché futur ayant été assigné à Luque, Almagro, à qui l'on ne réservait que le commandement d'une forteresse, en conçut un vif dépit; mais on parvint à l'apaiser, et l'alliance fut bientôt renouvelée entre les associés réconciliés (1). Des hommes de cette trempe inspiraient toutefois peu de confiance aussi se présenta-t-il peu de volontaires pour une expédition aussi hasardeuse, et l'on ne put réunir que trois petits bâtiments montés par cent vingt personnes, dont trente-six à cheval.

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Tandis qu'Almagro restait sur les lieux pour recruter des renforts, Pizarre partit; et en treize jours il était arrivé dans la baie de Saint-Matthieu, d'où, se dirigeant vers le midi, il atteignit une ville tellement riche en or et en argent, qu'il n'y avait pas à douter de l'heureux succès réservé à leur tentative. Il expédia aussitôt à Pa

(1) Indépendamment des histoires générales, et des recueils de RAMUSIO, HERRERA, GÓMARA, ACOSTA, etc., on peut consulter :

Verdadera relacion de la conquista del Perù y provincia del Cusco, llamada la Nueva Castilla... embiada a su magestad por FRANCISCO DE XERES... uno de los premieros conquistadores. Séville, 1535.

Chronica del Perù, que tracta la demarcacion de sus provincias, etc.; fecha por PEDRO DE CIEÇA DE LEON, 1553. On a raconté qu'il fit douze cents lieues à pied, pour ne pas dire des choses dont il ne fût pas certain. AUG. DE ZARATE, Historia del descubrimiento y conquista de la provincia del Perù. Anvers, 1555.

Comentarios reales escritos, por el Inca GARCILASSO DE LA VEGA, natural del Cusco, y capitan de su magestad.

La première partie, publiée à Lisbonne en 1609, traite de l'origine des Incas, de leur religion, de leurs lois, de leur gouvernement, de leurs mœurs, de leurs conquêtes, de tout ce qui les regarde avant l'arrivée des Espagnols. La seconde partie, publiée à Cordoue en 1616, traite de la découverte du pays, et successivement des guerres civiles qui l'agitèrent.

1527.

1531.

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