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Le point principal est Aden, grand port qui n'est fortifié que depuis la conquête des Turcs à la moitié du dix-septième siècle. Il appartenait en dernier au sultan de Saïdja, lorsqu'un négociant anglais s'entendit avec lui pour amener le naufrage, sur ces côtes, d'un vaisseau qu'il avait eu soin de faire largement assurer. La fraude fut découverte ; et les Anglais, après avoir employé inutilement les négociations, s'emparèrent de ce poste, qu'ils conservent en payant seulement une somme annuelle à ce sultan. Ils l'ont aussitôt fortifié, sachant bien qu'il n'y en a aucun dans la mer Rouge à lui comparer comme situation militaire, indépendamment des avantages qu'il offre pour le commerce des cafés de Moka, et de la commodité qu'il présente pour les dépôts de charbon de terre.

CHAPITRE XXIII.

LES ANTILLES. LES FLIBUSTIERS.

Nous avons déjà vu que sur les anciennes mappemondes l'Antilia se trouvait indiquée dans l'Océan tantôt comme une seule île, tantôt comme un groupe d'îles, et que les uns la plaçaient vers les Canaries, d'autres dans le voisinage du Japon. Christophe Colomb, persuadé qu'il avait touché l'Inde, appliqua ce nom d'Antilles a l'archipel qui se déploie de l'extrémité méridionale de la Floride, à l'entrée du golfe du Mexique, jusqu'à l'embouchure de l'Orénoque, sur une courbe de six cents milles, à peu de distance de l'autre archipel des Lucayes, où Colomb aborda en premier.

Ces îles étaient probablement réunies autrefois aux deux continents, dont la mer les aura arrachées ; mais l'examen géologique porte à croire que plusieurs d'entre elles ont surgi postérieurement à celles de formation granitique et métallique, que l'on pourrait appeler primitives, comme Cuba, Haïti, la Jamaïque, Porto-Rico. De nombreux volcans brûlent encore dans ces parages, où de fré quents tremblements de terre abîment ou renversent les villes entières (1). Ils sont encore exposés à un autre fléau dans les oura

topher a trouvé un grand fleuve sur la côte orientale d'Afrique, au nord de l'équateur, et qu'il en a remonté le cours l'espace de cent trente milles.

(1) En 1691, Agira; en 1751 et 1752, Port-au-Prince et Léogana; en 1692, Port-Royal, furent presque détruites. Cuba reçut de rudes secousses en 1691. Le désastre de la Pointe-à-Pitre est encore récent.

1634.

1639.

1696.

gans qui se déchaînent de toutes parts avec une furie sans égale, emportent jusqu'à des blocs énormes, et, au milieu des éclats de la foudre, de pluies torrentielles, soulèvent des trombes marines, jettent à la côte les bâtiments du plus fort tonnage, et balayent dans la campagne les arbres et les édifices.

Sans cela le climat serait enchanteur: sous ce ciel constamment serein, jamais les arbres ne perdent leur verdure; la saison des pluies ne fait que raviver la végétation, qui déploie alors une vigueur luxuriante, rivalise de pompe avec celle des régions équatoriales, et alimente cette multitude d'insectes, tourment des pays tropicaux.

Les vents alizés qui soufflent invariablement de l'est ont fait distinguer les Antilles en îles du Vent à l'orient, et en îles sous le Vent le long des côtes de la Colombie. Les Européens y trouvèrent deux races principales d'habitants, bien distinctes pour les mœurs et pour l'aspect physique. L'une, dans les îles du midi, venue de la Guyane, d'où l'avaient chassée les robustes Arrowakis, s'appelait Caraïbe; c'étaient des hommes au teint cuivré, agiles, de haute taille, vigoureux, continuellement occupés à faire des incursions dans les autres Antilles et sur le continent, pour s'y procurer des prisonniers à manger. Ils opposèrent aux Européens une résistance si opiniâtre, qu'il fallut les exterminer; et il ne reste probablement rien de leur sang. Les autres habitants des Antilles étaient doux, efféminés même, et la plupart succombèrent aux rudes fatigues que leur imposèrent les conquérants.

Les Espagnols furent d'abord les seuls qui y prissent pied; et nous avons raconté précédemment ce qui advint dans les plus importantes de ces îles, où fut mis premièrement à exécution le farouche et absurde système des colonies. Par la suite il n'y eut point de puissance qui ne voulût y avoir un établissement (1), et faire cultiver la canne à sucre, qui réussissait là mieux que sur son sol natal. Les Hollandais eurent Curaçao, rocher avec un port excellent, d'où ils trafiquaient avec Venezuela; de plus, Saint-Eustache, bien fortifié, avec la fertile Saba; et ils disputèrent longuement aux Français Tabago, qui échut ensuite aux Anglais. Le Danemark acheta

(1) Époques des établissements : Saint-Christophe en 1625, Barbade en 1627, Antigoa en 1628, Nièves en 1628, Montserrat en 1634, l'île de l'Anguille en 1650. La Jamaïque fut enlevée aux Espagnols en 1655, la Tortola aux Hol landais en 1666. Les Antilles françaises furent prises en 1764.

à la compagnie des Indes Sainte-Croix et Saint-Thomas, où bientôt lui vinrent pour associés plusieurs négociants du Brandebourg. Enfin les Suédois occupèrent Saint-Barthélemy, qu'ils achetèrent à la France.

Le groupe des petites Antilles devint presque en entier la propriété des Français; mais la compagnie en fit si peu de cas, qu'elle les revendit en détail. Boisseret acheta pour soixante-treize mille francs la Guadeloupe, Marie-Galante et les Saintes; Duparquet, pour soixante mille, la Martinique, Saint-Louis, la Grenade et les Grenadines, dont il revendit deux pour quatre-vingt mille francs; l'ordre de Malte paya cinquante mille écus SaintChristophe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Sainte-Croix, et la Tortue.

Les acheteurs jouissaient d'une autorité absolue sur les terres comme sur les charges civiles et militaires, ainsi que du droit de grâce. L'intérêt privé contribua à l'amélioration de ces possessions, sauf que les Hollandais continuèrent d'y faire un commerce trèsactif de contrebande.

Saint-Domingue, premier établissement des Espagnols dans le nouveau monde, se trouva promptement dépeuplé, comme nous l'avons dit, et les nègres qu'on y avait transportés pour suppléer aux indigènes se soulevèrent; première réaction de cette race noire qui devait y dominer plus tard. Un tremblement de terre renversa la ville; puis l'amiral Drake ravagea l'île, par l'ordre d'Élisabeth. Les indigènes ayant péri, les spéculateurs se tournaient plus volontiers vers le Mexique, le Pérou, la Nouvelle-Grenade; et le peu de colons qui restaient, manquant de bras et de capitaux pour l'exploitation des mines, vivaient de piraterie. Ils s'y livrèrent bien plus encore du moment où le gouvernement, ayant défendu de commercer avec les étrangers, fit, dans ce but, détruire les travaux des ports: les habitants furent ainsi réduits aux ressources de l'intérieur, et il restait à peine quatorze mille créoles et douze cents nègres insurgés.

En conséquence, la principale occupation dans les Antilles fut toujours la contrebande: conspiration de la société contre le fisc, qui rétablit l'équilibre des échanges rompu par les lois prohibitives, et où celui qui sait risquer finit toujours par gagner; révolte du commerce, qui a sa partie dramatique et même héroïque. Sur tous ces rochers s'étaient embusqués une foule de hardis corsaires,

1671.

1795.

1625-1630.

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mélange de toutes nations, qui remplirent le monde de leurs prouesses téméraires, et qui, recherchant les côtes les plus périlleuses, conspirant avec les tempêtes contre le mauvais génie de la prohibition, et ses lois aussi raisonnées qu'impuissantes, méritèrent une place dans l'histoire.

L'ile magnifique de Cuba restait, on peut dire, dépeuplée; et comme elle abondait en gros gibier, ceux qui se mettaient à faire la course allaient s'y approvisionner. En conséquence, le commerce des vivres y devint extrêmement lucratif. Les Matadors, après avoir tué la venaison, la faisaient sécher, à la manière des Caraïbes, sur des grils, à la chaleur d'un brasier. Cette opération s'appelait boucan dans la langue du pays, d'où le nom de boucaniers donné à ceux qui la pratiquaient, Français pour la plupart, et qui, dans leur association, menaient le genre de vie dont les bandes de brigands offrirent souvent le spectacle. Le boucanier portait pour vêtement des peaux naturelles, telles qu'il les arrachait aux bêtes fauves et aux bœufs sauvages. Il était toujours accompagné d'une meute de vingt-cinq à trente chiens, et armé d'un fusil portant une balle d'une once, unique instrument de son art, et seul moyen qu'il connût pour vider ses différends avec ses compagnons. Il était passé en proverbe parmi eux que Dieu avait dit : « Tu tue<< ras des taureaux pendant six jours; le septième, tu porteras leurs « peaux au navire. » Quand le boucanier n'était pas à la chasse, il allait examiner les pistes et les sites, abattre des oranges en coupant la queue d'un coup de fusil; ou bien il s'occupait à former des élèves. C'est ainsi qu'il vivait dans une solitude de son choix, au milieu de ses chiens et de ses engagés, espèce de valets qui venaient d'Europe pour se mettre à son service, où ils s'engageaient à rester trois ans, avant de passer eux-mêmes boucaniers. Apercevait-il un bâtiment, il courait au rivage, où il entassait les peaux et la venaison. L'échange se faisait en peu de mots, et il retournait se mettre en quête de nouveaux approvisionnements. Les Espagnols prirent, pour les déloger, le parti de détruire les bœufs sauvages dans les Antilles; mais des pirates anglais s'étaient postés dans ces îles, où ils assuraient, les armes à la main, leurs opérations de contrebande; on les appelait, d'un mot indigène, feer-booters, et par corruption flibustiers. Une inimitié commune contre les Espagnols, et le désir de s'enrichir par le brigandage, réunirent ces écumeurs aux boucaniers; ils prirent alors le nom de frères

de la côte, et se donnèrent des règlements appropriés à des ennemis de la société.

Déjà un ramas de Français et d'Anglais avaient occupé l'île de Saint-Christophe, où ils cultivaient le tabac; mais, chassés par les Espagnols, ils s'étaient mis à faire la course; d'autres passèrent à la Tortue, îlot voisin de Saint-Domingue, dont ils firent leur entrepôt et le centre de leurs expéditions: comme ils couraient plus spécialement sur les Espagnols, ils étaient vus de bon œil par les ennemis de cette puissance, et en recevaient des lettres de marque.

Une parfaite égalité de droits régnait parmi les flibustiers. Ils n'avaient point de femmes, point d'enfants; tout était chez eux en commun, sauf que chacun tenait sous sa dépendance un engagé, dont il héritait. Sales et mal vêtus, un bon fusil était toute leur ambition; ils prenaient un nouveau nom après leur baptême, c'est-à-dire après l'aspersion qu'il est d'usage de donner aux marins la première fois qu'ils passent les tropiques. La liberté absolue et l'exercice journalier du courage étaient pour eux d'un attrait puissant; point de juges parmi eux, point de prêtres; celui qui est insulté tue l'offenseur, et va le dire à ses compagnons ; ceux-ci examinent l'affaire s'il s'est fait justice loyalement, ils ensevelissent le mort, et il n'en est plus question; au cas contraire, ils attachent le meurtrier à un arbre, et chacun lui tire un coup de fusil.

Entassés sur des barques découvertes, sans autre approvisionnement que du biscuit, de l'eau et des fusils, ils passaient des semaines entières étendus côte à côte faute d'espace, n'ayant pour se garantir d'un soleil perpendiculaire qu'un lambeau de voile, exposés souvent aux horreurs de la famine, mais s'obstinant à ne pas retourner les mains vides.

Tout leur espoir était d'apercevoir un bâtiment à l'horizon, et soudain ils couraient droit sur lui, quel qu'il fût. Plus d'une fois il leur arriva, forts de cette intrépidité farouche à qui rien ne résiste, de mettre à rançon ou même de prendre à l'abordage des navires de guerre, dont le simple choc aurait coulé bas leurs frêles embarcations. A peine s'étaient-ils approchés, que soixante ou quatre-vingt-dix hommes résolus s'élançaient à bord, armés jusqu'aux dents; puis leur première opération était d'occuper la sainte-barbe, disposés à se faire sauter avec tout l'équipage, en mettant le feu aux poudres. Il fallait bien de toute

1625.

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