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une précieuse copie des chartes de Philippe-Auguste, concernant nos pays. Je terminerai en citant enfin la Bibliothèque impériale où il nous a été permis de copier d'excellents documents, dans les Cartulaires de l'archevêché de Sens, de Crisenon et de Vauluisant, et la bibliothèque de Tonnerre où nous avons pu emprunter des chartes aux Cartulaires de Saint-Michel et de Quincy.

Les membres de la commission du Cartulaire, et spécialement M. Bazot et M. l'abbé Roguier nous ont singulièrement aidé dans la révision et la correction des pièces. Je prie ces Messieurs d'agréer ici tous mes remerciements de leur concours à une œuvre toute d'intérêt public.

Auxerre, 12 avril 1860.

INTRODUCTION.

CHAPITRE I.

GÉOGRAPHIE DES PAGUS.

§ I. GÉNÉRALITÉS.

J'ai annoncé, dans l'introduction du tome I du Cartulaire général de l'Yonne, mis au jour en 1853 par la Société des sciences historiques de l'Yonne, que je publierais un mémoire détaillé sur la géographie de nos pagus. Je crois opportun de placer ce travail, fruit de longues années de recherches, en tête du deuxième volume de cet ouvrage. Les éléments en sont déjà connus tant par les anciens auteurs que par la table géographique du tome I du Cartulaire. La coordination en est donc devenue facile.

Chacun de ces pays a eu une existence distincte et a fait partie d'une cité différente. Mais il me serait difficile d'étendre mon cadre jusqu'à comprendre chacune des cités dont ils ressortissaient respectivement (1).

(4) M. Guérard, malgré les grandes ressources dont il disposait, déclare à plusieurs reprises n'avoir pu déterminer exactement les limites des divers pagus qu'il passe en revue dans son important ouvrage du Polyptique d'Irminon. Voyez t. I, 63, 65.

Une seule cité, celle d'Auxerre, ne formait qu'une même circonscription avec le pagus. Celle de Sens était subdivisée en plusieurs pagus. Le pagus d'Avallon dépendait, sous les Romains et postérieurement, de la cité d'Autun; le pagus de Tonnerre était dans la cité de Langres (1).

Les travaux publiés par M. Guérard sur ces questions de géographie franque (2) ont éclairé ce sujet, et l'on a maintenant des bases généralement admises par les

savants.

Rappelons en quelques mots les règles posées par ce maître éminent dans la connaissance de la géographie et de l'histoire de la France au moyen-âge. Les peuples de la Gaule celtique, dont faisaient partie les pays que nous étudions, soumis à l'administration romaine, formèrent des cités. La cité, peuplade ou tribu dans les premiers auteurs romains, change peu à peu de nature. Elle devient sous l'empire une subdivision importante de la province ayant une ville marquante pour capitale. Le territoire auquel elle commandait était divisé en pagus ou pays, sorte de circonscription moins étendue. C'était probablement là le dernier terme des divisions de la Gaule sous les Romains (3).

Sous les Francs des deux races Mérovingienne et Carlovingienne, la cité subsiste et survit au naufrage de l'administration provinciale romaine. Elle se soutient surtout par la création d'un évêché dans son sein. Chaque cité dans l'ordre civil forma un diocèse dans l'ordre ecclésiastique, et se subdivisa quelquefois en plusieurs archidiaconés qui avaient ordinairement l'étendue d'un pagus. C'est là un fait important dont on doit tenir compte dans l'étude de la géographie franque.

Le pagus représente à cette même époque tantôt la cité tout entière, tantôt et surtout une subdivision de la cité. Ces fractionnements des cités en plusieurs

(1) La géographie du pagus de Tonnerre a été faite par M. Le Maistre. — Voyez Annuaire de l'Yonne de 1845. Celle du pagus d'Avallon n'est pas suffisamment étudiée pour être publiée. Nous réunirons plus tard ces deux pays dans un travail spécial.

(2) Guérard, Essai sur le système des divisions territoriales de la Gaule depuis l'âge romain jusqu'à la fin de la dynastie Carlovingienne.

(5) Guérard, ibid., 55.

pagus deviennent ordinaires, quoiqu'on ait des exemples de cités où il n'y ait eu qu'un seul pagus qui avait reçu le nom de la cité elle-même.

Le pagus se subdivise dans nos contrées en fines. La finis est le territoire moderne et plus ou moins étendu de la commune, avec tous les hameaux qui en dépendent.

La villa est le lieu spécial avec son territoire plus ou moins vaste. L'ager, territoire en général, se précise le plus ordinairement et s'applique dans des cas analogues à ceux où l'on emploie la villa. Le villaris est le hameau avec les terres qui en dépendent. Le vicus est un lieu plus important que la villa, et ordinairement le chef-lieu d'une vicairie.

L'administration de la Gaule nécessita l'établissement des divisions dynastiques. Au-dessous des duchés on trouve les comtés qui se substituent aux pagus. Le comte était gouverneur du pagus. Le comté était divisé en centaines ou en vicairies qui formaient de petits cantons à la tête desquels étaient placés des juges inférieurs au comte, et appelés centenarii et vicarii. Cet ordre de divisions territoriales n'existait pas dans les deux premiers siècles de la monarchie.

§ II. DE L'ORTHOGRAPHE DES NOMS DE LIEUX DANS LES CHARTES ET les

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Quand on parcourt une liste de noms de lieux écrits en latin, et plus particulièrement ceux de nos contrées (1), on remarque tout d'abord que le plus grand nombre se termine en us ou en um, d'autres ont des finales féminines. Cette catégorie se subdivise en deux classes: 1° les lieux auxquels une simple désinence finale a été ajoutée au vieux fonds gaulois :

Alientus, Arcea, Baione, Ebrola, Tilium, Vogradum, Valens, etc.

2o Les lieux latins de forme et de fonds:

(1) Voyez ci-après lesTables géographiques.

Alta-Ripa, Castanetum, Fontana, Fraxinum, Piscatoria, Pons, Sexta, Saliniacus, Silviacus, Staticus, Villa, Villare, Vallis.

D'autres noms de lieux sont restés indéclinables et il semble que les désinences latines n'ont pas eu de prise dessus.

Tels sont: Bassau, Briennom, Bringa, Ternante, Tremonte, Veron, etc. Un document fort curieux pour étudier la disposition orthographique des noms de lieux, et où brille surtout la vieille langue populaire, c'est la liste des paroisses du pagus Senonicus tirée du Liber sacramentorum de la bibliothèque de Stockolm, monument du Ixe siècle. En parcourant cette série de noms du Sénonais, on rencontre à chaque ligne des mots tout gaulois (1). Les désinences latines n'y sont guères en usage, et les intonations rudes du k, de l'h et du g s'y font sentir. Il semble voir le Ministerius recueillant les noms des paroisses qu'il visite et les traçant sur son registre en respectant les dures inflexions de ses interlo

cuteurs.

Voyez Bradenas, Bodhillei, Dummaz, Mitgana, Kainei, Tohirei, Nahillei, Tanotra, Kimerei, Kravedonum, etc.

Des noms de cette liste se sont transmis jusqu'à nous intacts et sans être entamés, tels sont: Dimon, Gisei, Bassau, Nuellei, Dracei, Venisei.

Mais quel fruit peut-on tirer de l'examen de ces diverses listes?

Ce qui nous parait bien reconnu, c'est d'abord la présence d'une langue indigène dans laquelle sont écrits tous ces noms de pays dont la désinence latine déguise à peine l'origine, ou qui sont même totalement dépourvus de cette finale comme nous l'avons vu précédemment. L'aspect barbare de ces noms de lieux annonce leur haute antiquité; ils sont dus aux vieux Gaulois. Lorsque les premiers habitants d'un pays arrivaient pour s'y établir, ils choisissaient un emplacement à leur gré sur le bord d'un ruisseau ou d'une rivière, sur une montagne, au bord d'un étang, dans une plaine, etc. Chaque lieu, suivant son aspect, a dû recevoir un nom particulier et caractéristique. C'est encore ce qui se fait de nos jours. Ce

(1) Voyez cette liste ci-après, au § du Pagus Senonicus .

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