Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ruines nommé Lélinghen, entre Calais et Boulogne. Une partie de cette chapelle se trouvait, disait-on, sur le territoire du comté de Guines, l'autre sur celui du comté de Boulogne, avec une porte de part et d'autre. Chaque ambassade devait entrer de son côté, afin de prévenir les mécontentements et les contestations que pouvait faire naître une question d'étiquette ou de préséance. Pour éviter aussi l'ennui de l'attente, on avait dressé en forme de camp, dans la plaine voisine, des pavillons très spacieux, dont l'intérieur était orné de tentures de laine et de riches étoffes de soie qui charmaient les yeux des assistants.

La tente du duc de Bourgogne surtout était d'une grandeur extraordinaire, et telle qu'on n'en avait pas encore vu. La construction en était si riche et si élégante, qu'elle captivait tous les regards. On ne pouvait se lasser d'admirer ce travail exquis et nouveau. C'était un pavillon en forme de ville, environné de tourelles de bois et de murs crénelés. A l'entrée se trouvaient deux grosses tours entre lesquelles s'abaissait une herse. Au milieu de la tente était la salle principale de laquelle partaient en tous sens, comme d'un centre commun, un grand nombre d'appartements séparés par des espèces de rues, et où l'on pouvait loger, disait-on, jusqu'à trois mille hommes.

Je reviens à mon sujet. Toutes les fois que les ducs s'abouchaient dans ladite chapelle, on observait scrupuleusement le cérémonial des cours, comme je vais en rendre compte par ordre de monseigneur le duc de Berri. Ce prince et le duc de Lancaster avaient un siége plus élevé et plus richement décoré que les autres. Les ducs de Bourgogne et de Glocester occupaient la seconde place. Autour de la salle étaient rangés de chaque côté les comtes, les chevaliers et les évêques. Pour cacher l'état de vétusté des murs de la chapelle, le duc de Berri avait fait tendre tout autour des tapisseries de laine qui représentaient divers sujets de batailles anciennes. Mais dès la première entrevue, le

usque

cuitum affixi fuerant; quos tamen dux Lencastrie amoveri primo ingressu mutuo fecit, dicens qui pacem querebant minime debere prelia et destructiones urbium ante oculos habere. Loco igitur istorum alii reponuntur, in quibus insignia Passionis Domini Nostri Jhesu Christi erant per totum auro contexta. Quod cum dux Lencastrie plurimum collaudaret, tunc insignis dux Biturie, ad ymaginem crucifixi se convertens, flexis genibus oravit ut Christus, pacis et concordie amator, cunctis graciam conferret componendi quod in amborum regnorum utilitatem et honorem verteretur. Quod cum flexis genibus eciam dux Lencastrie exorasset, tunc tractatus propositum inceperunt: Ab ebdomada ad diem martis post Pasche quoque Jubilate super hoc secreta colloquia habuerunt. Et tunc, antequam procederetur ulterius, quod tactum fuerat inter eos defferendum ambobus regibus decreverunt. Ad peragendum nuncium usque ad diem vicesimum mensis maii mutuum spacium concessum est. Ad quem diem cum duces Anglie redire festinarent, subito ventorum feda tempestas, cum grandine ac tonitribus celo dejecta, mare superbum effecit, fluctusque in montes elevans, huc illucque navem dejiciens, repetere coegit littora anglicana cum tanta violencia, quod omnes tunc desperaverint de vita. Ex procellosa tempestate sequutum fuisset extremum naufragium, ut ipsi Anglici retulerunt. Sed Deus, amator pacis, et qui pro pace laborantes protegendos susceperat, sub quo eciam titulo clemenciam ipsius devotissime exorabant, non solum portum peroptatum, ymo, eodem favente, die sequenti, aura concomitante serena, Calesium sani et incolumes attinge

runt.

duc de Lancaster les fit ôter en disant que ceux qui cherchaient la paix ne devaient pas avoir sous les yeux des images de combats et de destruction de villes. On remplaça donc ces tapisseries par d'autres brodées en or, qui représentaient les principaux traits de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, et le duc de Lancaster approuva fort ce changement. L'illustre duc de Berri se tourna alors vers un crucifix, se mit à genoux et pria Notre Seigneur Jésus-Christ, le Dieu de la paix et de la concorde, de daigner leur faire à tous la grâce de conclure un traité également avantageux et honorable aux deux royaumes. Le duc de Lancaster s'agenouilla aussi et adressa au ciel la même prière. Puis on entra en pourparlers.

Les ducs eurent des conférences secrètes depuis la semaine de Pâques jusqu'au mardi qui suit le dimanche Jubilate. Avant de passer outre, ils

résolurent de faire connaître aux deux rois le résultat de leurs délibérations, et suspendirent leurs réunions jusqu'au 20 mai pour s'acquitter de ce soin. Au jour marqué, les oncles du roi d'Angleterre se disposaient à revenir; mais ils furent assaillis par des coups de vent furieux mêlés de grêle et de tonnerre, qui bouleversèrent la mer, soulevèrent des montagnes de flots, et repoussèrent leur vaisseau avec tant de violence contre les côtes de l'Angleterre, qu'ils désespérèrent de leur vie. En effet, sans l'assistance divine, ils auraient infailliblement fait naufrage au milieu de cette horrible tempête, ainsi qu'ils le racontèrent eux-mêmes. Mais le Seigneur, qui aime la paix, avait pris sous sa protection ceux qui avaient à accomplir une mission pacifique, et qui imploraient à ce titre sa miséricorde; non seulement il les sauva du naufrage, mais il leur envoya un vent favorable, à l'aide duquel ils abordèrent le lendemain sains et saufs à Calais.

AR

CAPITULUM III.

De cardinali de Luna, qui pro parte Clementis loquutus est cum Anglicis.

Tunc cardinalis de Luna, qui diu Parisius degens non faventes Clementi pape conatus fuerat confirmare, cum francigenis ducibus convenerat; occasione cujus nil egerunt cum . Anglicis, sed tantum eos rogaverunt ut in favorem unionis. Ecclesie cardinali audienciam prestarent. Quamvis ipsis displiceret, victi tamen precibus, quod petebatur annuerunt, diemque vicesimam octavam hujus mensis cardinali assignantes, cum in tentoriis eorum se conspectibus obtulisset, canonicam electionem Clementis elegantissime perorans, supplicavit ut eamdem approbantes, super hoc regi Anglie favorabiliter scriberent, et antequam regnum introiret, ejus et principum mentes pretemptarent quidnam de suo ingressu sentirent.

[ocr errors]

Verba grata non fuerunt. Et quamvis regno Anglie in beneficiis conferendis vel subsidiis colligendis Bonifacius nil commoditatis perciperet vel honoris, sed sibi obediretur solo verbo, in favorem tamen ejus dux Lencastrie tale intulit responsum : << Dominum Bonifacium hucusque asseruimus verum papam, ipsique cum domino rege in cunctis spiritualibus, sicut vero << Christi vicario, obtemperare intendimus; contra quem si vobis placet in regno predicare, licenciam transfretandi concedi«< mus. Quicquid autem de pestifero scismate intulistis, vos, <«< cardinales Avinionenses, huic introitum prebuistis, hoc <<< fovistis de die in diem et augetis. Unde ve vobis merito, quo<< niam, si michi crederetur, pace in regnis peracta, aut huic << finem daretis, aut periretis de terra ».

[ocr errors]

CHAPITRE III.

Le cardinal de Luna parle aux Anglais en faveur du pape Clément.

Le cardinal de Luna, qui était depuis long-temps à Paris, et qui avait essayé de raffermir dans l'obédience du pape Clément ceux qui commençaient à s'en détacher, vint trouver les ducs de Berri et de Bourgogne à la conférence. Mais ces princes ne firent aucune démarche en sa faveur auprès des Anglais; ils se bornèrent seulement à les prier de donner audience au cardinal dans l'intérêt de l'union de l'Église. Cela déplaisait fort aux Anglais; néanmoins ils cédèrent aux instances qui leur étaient faites, et accordèrent une entrevue au cardinal pour le 28 du mois. Le prélat fut reçu par eux dans leurs tentes. Il soutint dans un discours éloquent que l'élection de Clément était canonique, et supplia les ducs de Lancaster et de Glocester de l'approuver, et d'en écrire favorablement au roi d'Angleterre, afin de pressentir ses dispositions et celles des grands du royaume, avant qu'il passât la mer.

Ces propositions furent mal accueillies. Ce n'était pas que Boniface trouvât une source abondante de revenus dans la collation des béné– fices ou dans la levée des subsides en Angleterre, ni qu'il fût bien honoré dans ce royaume, car on ne lui prêtait qu'une obéissance nominale. Cependant le duc de Lancaster fit une réponse tout en sa faveur: « Nous << avons toujours reconnu jusqu'à présent, dit-il, monseigneur Boniface << pour le seul pape légitime, et nous voulons, ainsi que le roi notre « sire, lui obéir dans toutes les choses spirituelles, comme au véritable « vicaire de Jésus-Christ. S'il vous plaît d'aller prêcher contre lui dans «<le royaume, nous vous laissons la liberté de traverser le détroit'. Mais << puisque vous avez parlé de ce schisme funeste, sachez que c'est «< vous, cardinaux d'Avignon, qui y avez donné naissance, vous qui l'en<< tretenez, vous qui l'augmentez chaque jour. Aussi malheur à vous! si

Suivant Froissart, le duc de Lancaster montra moins de condescendance; il ne voulut pas même voir le cardinal.

[merged small][ocr errors]
« AnteriorContinuar »