Imágenes de páginas
PDF
EPUB

religieux la paisible et légitime propriété de leurs acquisitions à Savigny, et il reçut en reconnaissance un présent de six livres provins (1).

Dans un grand mombre de villages de la vallée, Nicolas conclut aussi diverses affaires favorables à sa maison. A Courville, le chevalier Guillaume réconnut et ratifia l'aumône faite par son père à l'église d'Igny, de deux muids de vin et de deux sols de cens annuel auxquels il avait droit à Bury (2). Dans le bois de Malval, un chanoine de Châlons, Jean de Ville, fit valoir des prétentions contre l'abbaye, se plaignant d'être frustré des droits attachés à son héritage; mais après une enquête des commissaires du Chapitre de Reims, agissant comme délégués apostoliques, il renonça à toutes ses réclamations, et laissa au couvent la paisible possession de cette forèt (3). Elle s'accrut bientôt d'un quartier important, par l'adjonction de seize journaux, que l'abbé et le couvent de Compiègne donnèrent à Igny, sous un cens annuel de trois sols provins, et, ce qui peint bien les usages du temps, « d'une paire de bonnes bottes conventuelles (4).»

Entre Arcy et Brouillet, l'abbaye avait acquis un bois de Renauld de Prin, et elle en avait la libre propriété. Un jour pourtant que Nicolas, seigneur de Basoches, y trouva des ouvriers du monastère, il crut les surprendre en fraude, et saisit leurs outils et leurs chevaux. Mais l'affaire ayant été portée devant l'archevêque de Reims, Henri de Braisne, les religieux établirent victo

(1) Cart. d'Igny, f. 33. Charte d'Albéric, archev. de Reims, 1212. (2) In villa de Beuria, Cart. d'Igny, fol. 237; Reims, Archives, liasse Bury, ann. 1220.

(3) Châlons, Archives départ., fonds Igny, liasse Malval; Inventaire de 1683, f. 99, ann. 1206.

(4) Cartul. d'Igny, f. 216, ann. 1211.

rieusement leur droit, et le seigneur de Basoches, avouant son erreur, leur garantit de nouveau la libre possession de ce bois comme celle de tous les autres qu'ils possédaient dans sa gruerie (1).

A Prin, un chanoine de Saint-Jean de Laon leur abandonna toutes les dîmes qui lui revenaient (2). A Lagery, le chevalier Gaucher, sa femme Hersendis et son fils Gérard leur vendirent, au prix de cent livres, toutes celles qu'ils possédaient déjà ou qui devaient leur revenir par héritage (3); et ils approuvèrent pareille donation faite peu de temps après, dans des terres de leur mouvance par le clerc maître Nicolas de Meso (4).

A Faverolles, le prêtre du lieu, Robert, leur fit don de toutes ses terres arables, à l'exception de deux parcelles auxquelles il substitua deux vignes à Savigny (5). Le vicomte de Savigny, Pierre, que nous avons déjà vu si libéral envers les religieux, consentit encore à leur accorder la libre et perpétuelle possession, sur le terroir de Faverolles, d'une vigne donnée par Viard Charriner, d'une aulnaie donnée par Herbert, d'une terre donnée par René le Sauvage, et d'une autre terre donnée par Divard Claude de Faverolles, en n'y conservant que le cens et le vinage. Gaucher de Branscourt, dans le fief duquel se trouvaient l'aulnaie et la vigne, renonça à tous ses droits (6).

A Trélon, le comte de Champagne, Thibault IV, le gai poëte, l'imitateur des troubadours du Midi, échangea

(1) Cartul. d'Igny, f. 42-43, charte de Henri de Braisne, de 1230.

(2) Châlons, Inventaire de 1683, f. 107, ann. 1227.

(3) Cartul. d'Igny, fol. 212, ann. 1211.

(4) Cartul. d'Igny, fol. 213, ann. 1234.

(5) Cartul. d'Igny, fol. 36, v°, charte d'Albéric, ann. 1211.

(6) Cartul. d'Igny, f. 37, charte de l'Official d'Albéric, ann. 1225.

deux petits bois contre un autre que les religieux possédaient entre Val-Secret, Coincy, Fresnes et Chartreuve. Il leur donna quatre arpents de son bois contre cinq du leur; mais il le leur abandonna libre de tout usage et de toute servitude, hors la prohibition de l'essarter et de l'aliéner sans sa permission. Sa femme Agnès, comtesse de Champagne, approuva cet échange (1).

A Poilly, Guyot, seigneur du lieu, fit don au monastère de sept muids de vin, à prendre annuellement sur ses vignes, et d'un cens à prélever sur sa terre (2). A Sarcy, Perrart lui fit don de quatre sols de rente sur une maison (3); et Thibault de Bligny, de plusieurs pièces de de terre, de pré et de vigne (4).

A Nanteuil vivait une noble famille dont nous avons déjà eu occasion de louer la générosité. C'est sans doute contre l'un de ses membres que Thibault de Champagne se plaisait à rompre de poëtiques lances; car dans ses tensons, d'une verve beaucoup trop libre, on compte au nombre de ses joyeux compères, un Philippe de Nanteuil. Mais si la poésie légère avait ses heures au château, la vie sérieuse en restait l'hôte habituel. Déjà la veuve de Gaucher de Châtillon, Helvide, dame de Nanteuil, et son fils Gaucher, qui fut la tige de la branche de Nanteuil-la-Fosse, avaient donné à l'abbé Julien des marques non équivoques de leur piété et de leur dévouement. Gaucher et sa femme Alide voulurent en fournir une nouvelle preuve à l'abbé Nicolas.

Ils accordèrent à l'abbaye, pour le soulagement de

(1) Cartul. d'Igny, f. 139, 195. Reims, Archives, liasse Villardelle; Châlons, Inventaire de 1683, f. 126, ann. 1227-1228.

(2) Cartul. d'Igny, f. 43. Inventaire de 1683, f. 106, ann. 1231.

(3) Inventaire de 1683, f. 120, 1218, 1226.

(4) Cartul. d'Igny, f. 43, charte de l'Official de Reims, ann. 1226.

leurs âmes et de celles de leurs aïeux, une rente annuelle de trente livres, à prendre sur les charbons des bois de Nanteuil, le jour de l'Assomption de la Sainte Vierge. Cette rente toutefois n'était qu'un dépôt confié à l'abbé et au prieur d'Igny, car ils devaient en employer les deux tiers à acheter des pelisses pour les religieuses de Longueau, et l'autre tiers à procurer aux lépreux du drap pour tuniques. Gaucher et Alide s'engagèrent, par devant l'archevêque Guillaume de Joinville, à assurer le paiement régulier et perpétuel de cette somme, sous peine d'excommunication (1). Dom Marlot assure que par son testament de l'an 1224, Gaucher fit à l'abbaye d'autres libéralités, qui lui acquirent une place parmi les bienfaiteurs insignes, et la faveur d'être enterré dans le monastère même. Son corps fut déposé sous le cloître, et sur sa pierre sépulcrale on grava cette épitaphe:

GALCHERUS DE NANTOLIO LAPIDI QUI SUBJACET ISTI

IN CŒLI SOLIO REQUIESCAT MUNERE CHRISTI
IGNIACI CINERES, CŒLI SIT SPIRITUS HERES.

Alide, sa femme, jouit de la même faveur, comme l'indique cette simple inscription:

HIC JACET DOMINA AELIDIS DE NANTOLIO.

Sa mère Helvide, qui l'avait probablement précédé dans

(1) Reims, Archevêché, charte originale de Guillaume de Joinville; Cartul. d'Igny, f. 242, ann. 1222. - Châlons, Inventaire de 1683, f. 100.- Pièces Justificatives XV.

Le prieuré de Longueau, de l'Ordre de Fontevrault, situé à une petite lieue de Châtillon-sur-Marne, avait été fondé par le comte de Champagne, Thibault II.

la tombe, fut déposée à côté de ses enfants, avec cette épitaphe:

HIC JACET HELVIDIS DOMINA DE NANTOLIO

MATER AMBORUM (1).

Le chapelain de Nanteuil, Jean de Germanie, jaloux d'imiter la pieuse libéralité de ses seigneurs, légua à ses successeurs la maison qu'il avait bâtie de ses deniers, à charge de payer annuellement une rente de cinquante sols aux religieux d'Igny, et pareille somme aux religieuses de Longueau (2).

Plus près du monastère, dans la vallée de l'Orillon, et dans les vallons qui y aboutissent, Nicolas trouva des possessions plus homogènes et déjà mieux organisées. Il y fit donc peu d'acquisitions nouvelles; mais il s'attacha surtout à dégager de leurs servitudes les granges de Montaon, de Raray, de Bailleul, de Party et de Morfontaine. C'est ainsi qu'il obtint d'Herma de Soissons l'abandon de tous ses droits sur le territoire de Bailleul (3), d'Odoard, autrefois seigneur de Lagery, la cession d'un quart de ses dîmes à Arcy (4), et de l'archevêque de Reims, Henri de Braisne, seigneur de Courville, la renonciation des droits auxquels il prétendait sur douze arpents de bois situés entre Arcy et le monastère (5). Gérard d'Arcy et sa femme Richaude lui abandonnèrent tous leurs biens, meubles et immeubles et leurs acquêts, pour en jouir après leur décès (6).

(1) D. Marlot, Metropolis Remens. Historia, t. II, append. 869.

(2) Cartul, d'Igny, f. 235, ann. 1222. Châlons, Archives départ., liasse Igny; Inventaire de 1683, f. 100.

(3) Cartul. d'Igny, f. 236, ann. 1207.

(4) Cartul, d'Igny, fol. 128, ann. 1219.

(5) Reims, Archives, liasse Igny, ann. 1231.

(6) Cartul. d'Igny, fol. 126, ann. 1210.

« AnteriorContinuar »