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aversion pour le schisme (1). Il mourut saintement en 1138, dans un âge fort avancé. Suivant son désir, sa dépouille mortelle fut transportée à Igny, et inhumée dans l'église, sur le côté méridional de l'autel, avec cette simple inscription:

EGO RAYNALDUS A PRATIS

QUONDAM ARCHIEPISCOPUS REMENSIS,
PRESBYTER,

CREDO QUOD REDEMPTOR MEUS VIVIT

ET IN NOVISSIMO DIE

DE TERRA SURRECTURUS SUM,

ET IN CARNE MEA VIDEBO DEUM SALVATOREM MEUM.

OBIIT MCXXXVII (VIII), XIX KALEND. JANUARII (2).

Une autre inscription rapportée par D. Marlot, mentionnait plus exactement le jour de sa mort:

ANNO MILLESIMO CENTENO TER QUOQUE DENO OCTAVOQUE SIMUL, CUM JANI DICITUR IDUS, REMENSIS PRÆSUL MEMORANDUS OBIT RAYNALDUS (3).

Sa mort fut l'occasion de nouveaux troubles dans la cité de Reims. Louis VII avait accordé au peuple l'établissement d'une commune, sauf le droit des églises et de l'archevêque. Mais les Rémois ne se firent pas faute d'admettre dans leur commune les serfs des églises, ni d'empêcher l'exercice des privilèges ecclésiastiques, ni surtout de s'opposer à la perception des droits habituels. La mort de Renauld ne fit que les enhardir. Le roi, aux

(1) Gallia Christiana. IX. col. 84.

(2) Manrique, Annales Cisterc., anno Cistercii XXXIX. Il place par erreur la mort de Renauld en 1136. Henriquez, Fasciculus Sanctorum, t. I, dist. XIII,

C. I.

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(3) Gall, Christ., IX, col. 84.

mains de qui les revenus de l'archevêché étaient tombés durant la vacance du siège, prétendit faire respecter les droits des églises vains efforts. Il écrivit plusieurs lettres, tout à la fois paternelles et sévères; mais sans plus de succès (1). Le mal ne fit que s'aggraver pendant les deux ans que se prolongea la vacance. « Hélas! lui écrivait Saint Bernard, la vierge de Reims, l'Eglise, est tombée, et il n'est personne qui la relève (2). » Le clergé, laissé libre d'élire son archevêque, porta ses suffrages sur Saint Bernard lui-même; mais rien ne put vaincre la résistance de l'humble abbé. Enfin, après de longues contestations, il parvint à faire élire à sa place un digne pasteur, Sanson de Mauvoisin, neveu par sa mère de Renauld de Martigny. Ce choix rendit à l'Église de Reims la paix tant désirée (3).

Par un bonheur singulier, toutes les vertus de Renauld revivaient en Sanson; même douceur, même affabilité, même générosité, surtout même piété et même zèle pour le salut des âmes. Comme son oncle, il aimait tendrement les religieux d'Igny. Durant son pontificat, il alla souvent se retremper au milieu d'eux, dans la retraite. et la méditation. Aussi Saint Bernard reporta-t-il sur lui toute l'affection qu'il avait eue pour Renauld (4); Sanson, de son côté, s'attacha étroitement au saint abbé, et dans ses lettres il se plaisait à l'appeler son ami le plus cher, « l'ami du cœur » (5). Lorsque Bernard venait visiter Igny, Sanson l'accompagnait lui-même, et il le

(1) Nouvelle collection des Historiens de France, xv, 394; XVI, 5. (2) Epist. S. Bernard, 318.

(3) Hist. générale de l'Ordre de Citeaux, ms. biblioth. de l'Archevêché de Reims, t. I, 625. Gallia Christiana, IX, 84.— Histoire littéraire de la France,

XII-49.

(4) Manrique, Annal. Cisterc. 1146, c. vi, 7.

(5) Epistol. S. Bernardi, 435. Edit. Mabillon, t. I, p. 383. « Carissimo et præcordiali amico, »

conduisait dans son diocèse avec un respect de sa personne qui approchait de la dévotion. Il usait de ses lumières pour le bon gouvernement de son Eglise, et lorsque le pape Eugène III vint à Reims en 1148 pour y tenir un nouveau concile, Bernard y fut encore présent, et combattit avec énergie les abus toujours renaissants et les erreurs des nouveaux sectaires. Ce fut dans ce concile que l'on condamna Eon de l'Etoile, cet insensé qui se donnait pour le Fils de Dieu, et qui se prétendait désigné dans la formule d'exorcisme: per Eum qui venturus est; ce fut là aussi que l'on confondit l'évêque de Poitiers, Gilbert de la Poirée, qui répandait sur la Trinité des doctrines erronées. Saint Bernard se posa en adversaire résolu de ses nouveautés, et il obtint de Gilbert un acte de rétractation.

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Un jour il reçut des Prémontrés une plainte contre les frères d'Igny, parce qu'un convers avait mis le feu à une petite maison qui appartenait à leurs frères de Braisne. D'un mot il les mit à la raison, en leur faisant sentir l'exagération de leur plainte. Vous vous plaignez, dit-il, qu'un convers d'Igny a mis le feu à une petite maison de vos frères de Braisne. Belle maison en effet! un abri fait de branches, pour protéger le frère chargé de garder les moissons encore sur pied! S'il l'a brûlée, ce n'est point, je le sais de bonne source, par méchanceté, mais parce qu'elle se trouvait dans un champ des frères d'Igny, qu'il fallait cultiver. Et puis, à peine valait-elle un méchant écu! Je crois même que l'abbé de Braisne en a déjà été indemnisé, pour lui ôter tout sujet de plainte. S'il en était autrement, je suis prêt, dès que vous me l'aurez fait savoir, à vous donner satisfaction (1).

D

(1) Mabillon, Epistolæ S. Bernardi, 243, t. I, p. 252.

Un autre jour qu'il allait visiter Igny, il plut à Dieu de manifester la sainteté de son serviteur par un de ces miracles qu'il semait sous ses pas. Il traversait, dit Geoffroi, l'un de ses historiens, le village de Reuil, tout proche de la Marne. L'archevêque Sanson l'accompagnait avec sa vénération accoutumée. Or il y avait sur le bord de la route un vieux mendiant boiteux, auquel un frère donna l'aumône. Le saint abbé, qui marchait derrière, allait passer outre, lorsqu'il détourne les yeux et les arrête un instant sur ce pauvre vieillard. Il s'informe de la nature de son infirmité, puis demande qu'on le lui amène. Ceux qui l'entourent, pensant qu'il veut lui donner davantage, lui disent: Seigneur abbé, il est boiteux et ne peut se mouvoir; nous lui porterons ce que vous lui voulez donner. Prenez-le et amenezle-moi, dit le Saint. Tous les assistants se regardent avec surprise, se demandant ce qu'il veut faire. Puis soudain, reconnaissant ses traits, ils se mettent à crier « C'est l'abbé de Clairvaux! il va le guérir!» - Saint Bernard en effet s'entourait de précautions pour n'être pas reconnu, et ceux de sa suite avaient ordre de ne le jamais nommer. En un clin d'œil ils enlèvent le vieillard et le lui apportent. Le Saint lui impose les mains sur la tête, lève les yeux au ciel, et après une courte prière, il le fait mettre à terre et lui commande de marcher. Je ne le puis, dit en s'excusant le vieillard.- Et moi, reprend Bernard, je te l'ordonne au nom du Seigneur et par sa puissance! sois guéri à partir de ce moment! Et à l'instant le vieillard marche librement, stupéfait et ravi de ce qui vient de lui arriver. La foule aussitôt remplit l'air de cris joyeux et remercie Dieu d'un tel prodige. Longtemps après, ajoute l'historien, on montrait encore la place où s'était accompli ce miracle de la

puissance divine, qui avait rendu à ce vieillard l'usage de toute la partie inférieure de son corps, dont il était perclus depuis de longues années.

Ce fut le dernier voyage de Saint Bernard dans le pays de Reims. L'année suivante il quittait la terre pour aller recevoir au ciel la récompense de ses admirables vertus (1153). Mais son souvenir ne cessa d'être vivant à Igny. Peu de temps après sa mort, il y eut son autel, et jusqu'aujourd'hui une fontaine du jardin porte son nom vénérable.

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