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ces dimes en son propre nom, à charge d'entretenir les couvertures des bâtiments de l'abbaye (1).

Depuis l'établissement de la commende, tous les bâtiments étaient fort négligés. C'était le fruit naturel de la séparation des menses, qui nourrissait entre les abbés et les religieux un esprit de perpétuelle hostilité, tantôt latente et tantôt déclarée. Les ouvriers, témoins de ces tiraillements, se mettaient si peu en peine d'y faire les réparations nécessaires, que les religieux durent en appeler à l'autorité du bailli de Château-Thierry pour les y contraindre (2).

Les fermes ou censes n'étaient guère mieux entretenues, le peu de ressources des religieux ne leur permettant pas d'en tenir les constructions en bon état. Que résultait-il de cet abandon? Quelques-unes ne trouvant plus de preneurs, les terres restaient en friche; les autres, louées à des fermiers pour quarante, soixante et même cent ans, n'étant plus que d'un faible rapport, ne fournissaient point aux religieux de quoi les entretenir. Quelques extraits des baux de cette époque suffiront pour donner une idée de la quantité et de la nature de leurs revenus.

La cense de Bailleul est louée par emphytéose, en 1550, moyennant une redevance annuelle de trois setiers de froment, six pichets d'avoine et l'entretien des bâtiments; en 1597, moyennant une redevance de neuf setiers et demi de blé, autant d'avoine, deux livres de cire, deux chapons, quarante sols et le tiers d'un mouton; en 1649, moyennant trente-six setiers de blé, trente-six d'avoine, un mouton, quatre livres de cire, trois chapons et six livres d'argent. Cette ferme s'était

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sensiblement améliorée pendant l'espace d'un siècle. La cense de la Grange, située près de l'abbaye, est louée, en 1607, pour huit muids de grain, deux livres de cire et trois chapons; en 1615, pour huit muids six setiers de blé, deux livres de cire, deux chapons et soixante sols; - en 1632, pour douze muids de blé, trois livres de cire, trois chapons et soixante sols.

La Porte de l'hôtellerie du monastère est louée en 1608, et plusieurs fois ensuite, au prix de douze livres d'argent, deux livres de cire et deux chapons. La cense des Pétréaux, sur Vezilly, est louée, en 1612, pour le prix annuel de seize sols tournois par arpent, de deux livres de cire et de quatre chapons (1).

Les autres fermes du monastère étaient louées à peu près aux mêmes conditions, le plus souvent à vie, quelquefois pour deux vies, et quelques-unes pour cent ans. La part de bénéfices qui revenait aux religieux, déduction faite des frais et des non-valeurs, ne leur permettait pas de soutenir honorablement l'héritage qui leur avait été légué. Et encore, ne jouissaient-ils pas toujours de leurs revenus sans conteste; plus d'une fois il fallait recourir à la justice pour faire payer les débiteurs. Les habitants de Fismes les obligèrent, en 1629, à ce moyen extrême. Ils devaient au monastère une redevance annuelle de trois muids de vin. Pour éteindre cette dette, ils offrirent, en 1612, de remplacer le vin pendant quarante-six ans par une somme de soixante-six sols. Les religieux acceptèrent la proposition. Mais, en 1629, les titres qui établissaient la dette avaient disparu, et les habitants de Fismes paraissaient disposés à ne la plus reconnaître. Les religieux en appelèrent à la justice

(1) Châlons, Inventaire de 1683, fol. 22, 23, 25, 34, elc.

de Reims, qui fit une descente sur les lieux, et constata la permanence de la dette, en dépit de l'opposition des habitants (1).

Vers le même temps éclata une grande division entre les religieux d'Igny et ceux de Saint-Thibault, au sujet des dîmes de Party et de Morfontaine que ces derniers voulaient faire payer à ceux d'Igny. Il y eut à cette occasion conflit de juridiction entre le Parlement et le grand Conseil. Le débat, porté au Conseil privé du roi, fut renvoyé définitivement au grand Conseil, qui prononça en faveur d'Igny et obligea les religieux de Saint-Thibault à renoncer à leurs prétentions (2).

Cela se passait en 1624. L'année suivante, Alexandre de La Marck mourait, laissant ses deux abbayes à son neveu, Louis de La Marck.

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(1) Châlons, Inventaire de 1683, f. 67, 68, année 1631. (2) Ibidem, fol. 105.

CHAPITRE XVII

L'Abbaye d'Igny au XVII Siècle.

1625-1709

Louis de La Marck, quatrième abbé commendataire (1625-1662). L'abbaye jouit de tous les droits paroissiaux. Diverses Réformes dans l'Ordre. Dom Denis l'Argentier établit l'Etroite Observance (1615). Le cardinal de la Rochefoucault, légat apostolique, la propage. Lutte entre les deux Observances. Réforme de l'abbé de Rancé. Igny garde la commune Observance. Pillage de l'abbaye par les Espagnols (1650). Paul de Godet des Marais, cinquième abbé commendataire (1662-1709). Ordonnance des Eaux et Forêts de 1669. Incendie de la ferme de Rosoy (1681). Inventaire du chartrier (1683). Concordat de 1687. Evaluation du revenu de l'abbaye. Administration temporelle.

L

DOUIS de La Marck, le quatrième abbé commendataire d'Igny, neveu du précédent, était fils naturel de Louis de La Marck, marquis de Mouy, capitaine des gardes et chevalier des Ordres du roi (1). Successeur de son oncle dans ses deux abbayes, il les conserva toutes deux durant trente-sept ans, de 1625 à 1662. Il fixa sa résidence au château de Montaon, et durant sa longue prélature, il vécut en paix avec les religieux, et ne fit rien qui mérita d'attirer l'attention de la postérité.

(1) Stanislas Prioux, Histoire de Braisne, p. 164. Le Gallia Christiana, en le supposant fils d'Elisabeth Salviati, le confond avec Alexandre de La Marck.

Dès son entrée en charge, il trouva le personnel de l'abbaye déjà bien réduit; car il ne se composait plus que de onze profès, tous prêtres. S'il ne fit rien pour l'accroître, il ne fit rien non plus pour le diminuer. Durant tout le dix-septième siècle, ce nombre resta stationnaire (1).

Depuis longtemps déjà, les religieux de l'abbaye étaient dans l'usage d'administrer les sacrements à leurs serviteurs et aux quelques familles fixées dans leur voisinage, et ils remplissaient à leur égard les fonctions attachées de droit commun au titre curial. Ils célébraient le service divin dans une chapelle placée à la porte de l'abbaye, c'est-à-dire, selon toute apparence, dans la ferme de la Grange (2). Ils comptaient autour du monastère, au commencement du dix-septième siècle, quinze feux et soixante-huit habitants (3). Ce ministère extérieur, acceptable tant qu'il ne s'agissait que de rendre service, devenait abusif dès qu'il entreprenait sur la juridiction des curés voisins; et pourtant, il était utile de pourvoir aux besoins spirituels de ce petit groupe de fidèles, établis à une grande distance de toute église paroissiale.

Pour régulariser cette situation, l'archevêque de Reims, Guillaume de Gifford, accorda au sous-prieur, dom Nicolas Hocquigny, le droit d'administrer les sacrements, et au prieur, la faculté de déléguer un autre

(1) Voici les noms des profès qui formaient la communauté en 1627 : « Dom Laurent Forzy, prieur « claustral» de l'église et abbaye N.-D. d'Igny, Didier Cauldra, Thibault Maignant, Nicolle Matthieu, Colard Lothaux, sous-prieur, Antoine Mallaite, cellerier, Philippe Priou, Nicolas Hocquigny, Nicolas Ternant, Louis Desfourneaux, Jehan Coutumier, tous religieux, prêtres et profès de la dite abbaye, présents et y résidant. Châlons, Igny, bail de la Cense des Pé

tréaux.

(2) Châlons, Inventaire de 1683, f. 30, 27 novembre 1645.

(3) Expilly, Dictionn. Géographique.

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