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confédération fondée sur l'unité et la dépendance, en rattachant à son abbaye et en soumettant à son autorité abbatiale les maisons nouvelles qu'il fondait et les nombreux monastères dont il réformait l'observance.

A cette organisation rudimentaire Saint Etienne ajouta l'institution du Chapitre Général et la visite régulière des abbayes faites chaque année par l'abbé-père. Il regardait avec raison la surveillance mutuelle, le contrôle de l'administration, l'examen rigoureux de l'observation de la discipline et la répression immédiate des abus comme autant d'excellents moyens de conserver l'observance dans toute sa pureté.

Cependant quinze années s'étaient déjà écoulées, et Citeaux ne se recrutait point. La mort, qui enlevait de temps à autre quelqu'un des frères, menaçait d'ensevelir dans son berceau une œuvre établie au prix de tant de privations et de sacrifices. L'abbé Etienne, qui ne cessait de prier pour le succès de sa réforme, sentait presque sa confiance ébranlée, lorsqu'un jour trente jeunes seigneurs des plus nobles familles de Bourgogne vinrent frapper à la porte du couvent, et, se prosternant aux pieds d'Etienne, lui demandèrent avec instance de pouvoir échanger leurs manteaux de fourrure contre l'humble robe de moine. C'était Bernard, à la tête de ses frères et des compagnons que son ardente parole avait entraînés au désert (1113). Citeaux était sauvé. A partir de ce moment les novices accoururent en foule, et bientôt l'enceinte du monastère devenant trop étroite, il s'en détacha de nombreuses colonies, dont les quatre premières, La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond, remplirent à leur tour le monde des fruits de leur fécondité.

C'est à ce moment de prodigieuse expansion, tandis

que le doigt de Dieu se manifestait visiblement, que fut arrêté le statut fondamental de l'Ordre, la Charte de Charité, Carta Caritatis, ou Pacte d'amour.

Avant de l'écrire, Saint Etienne, qui en est incontestablement l'auteur, en avait déjà fait l'essai et l'avait déjà mis en pratique. Il s'était inspiré pour ses premières fondations des idées qu'il formula ensuite en termes précis. Ce fut dans le Chapitre Général de 1119 qu'il le présenta à ses frères, et que ceux-ci l'approuvèrent d'un commun accord. La même, année le pape Callixte II, qui se trouvait en France, l'approuva avec quelques autres Règlements connus sous le nom d'Instituta (1).

La Charte de Charité est un des plus beaux monuments d'intelligence, de sagesse et de sainteté que nous ait légué le Moyen-Age. Celui qui la conçut et ceux qui la votèrent étaient en effet tout à la fois des sages et des saints.

Cette Charte constitutive de l'Ordre des Citeaux, qui le fit prospérer et fleurir tant qu'elle fut fidèlement observée, et qui resta jusqu'aux derniers temps, en dépit des années et des hommes, la base de l'organisation cistercienne, traite brièvement de l'Autorité dans l'Ordre, des Rapports mutuels des abbés, du Chapitre Général, des Elections, des Démissions et des Dépositions (2). Elle n'a point d'autre but que de faire régner

(1) Les Constitutions primitives de Citeaux, c'est-à-dire la Charte de Charité, et avec elle les Instituts, furent approuvées par les papes Callixte II en 1119, Eugène III en 1152, Anastase IV en 1153, Adrien IV en 1156, et Alexandre III en 1165.

(2) Cette Charte a été publiée dans son texte primitif par M. Ph. Guignard, parmi les Monuments primitifs de la Règle Cistercienne, in-8°, p. 79 et sqq. Dijon, 1878, imprimerie Darantière.

Le manuscrit type du Statut n'existe plus. Celui dont M. Guignard a fait

la charité, de maintenir la paix entre les moines répandus dans toutes les nations et de prévenir les causes de discorde. Elle fut nommée Charte de Charité, ou Pacte d'amour,« pour écarter toute idée d'obéissance forcée, de pouvoir oppressif, et insinuer au contraire avec quelle humilité, quelle douceur cette constitution tend uniquement à la charité et ne veut que le salut de l'âme (1).

Aussi n'y voit-on nulle part ni gouvernants ni gouvernés, mais partout des pères et des fils, des maisonsmères et des maisons-filles, unis comme dans une famille par les liens de l'amour.

L'abbaye de Citeaux renonce à tout profit temporel sur les communautés que la bonté divine rangera sous sa discipline, et elle ne veut retenir que le soin des âmes.

La Charte prescrit l'observation complète de la règle de Saint Benoît: Volumus illisque præcipimus ut Regulam beati Benedicti per omnia observent, sicuti in novo monasterio observatur. La Règle est la suprême maîtresse de l'Ordre: Omnes Magistram sequantur Regulam. Personne n'a le droit de la changer.

Après la Règle, l'autorité suprême réside dans une assemblée annuelle, le Chapitre Général, d'où découlent tous les pouvoirs de l'Ordre. L'abbé de Citeaux en est le représentant et l'organe habituel; il est institué chef ordinaire de la société cistercienne. Il est donc l'autorité en permanence, le pouvoir exécutif, chargé de

usage ne remonte pas au-delà de la fin du XII° siècle, et appartient à la bibliothèque de Dijon. Quelque intéressant qu'en soit le texte, il nous semble qu'on peut encore préférer celui de la même charte publiée dans le grand Bullaire Romain (t. I, p. 57-58), à la suite de la bulle du pape Eugène III, qui la confirma de son autorité.

(1) Exordium Cisterc., dist, I. c. 21.- Ph. Guignard, Monuments primitifs, etc, préface, XLIV.

veiller à tous les intérêts généraux. En conséquence, il est investi de toute la puissance nécessaire à sa haute mission.

Au-dessous du Chapitre Général et de l'abbé de Citeaux, viennent les Pères immédiats, qui ont la supériorité sur les maisons qu'ils ont fondées; enfin, les simples abbés, dont chacun préside à un monastère.

Une fois par an, l'abbé d'une abbaye-mère fera par lui-même, ou par un autre abbé qu'il déléguera, la visite de tous les monastères sortis de sa maison; il pourra même la faire plus souvent. De concert avec l'abbé du lieu, il corrigera les abus qui pourraient s'y être glissés, et il y laissera par écrit sa carte de visite. En vertu de cet article du Statut, les pères immédiats prenaient dans la surveillance la place des évêques; et désormais ceux-ci, avant d'obtenir dans leurs diocèses une fondation de l'Ordre, durent accepter le Statut fondamental (1).

L'abbaye de Citeaux, dont l'abbé n'a d'autre supérieur quele Chapitre Général, sera visitée, au nom du Chapitre, par les abbés réunis de ses quatre premières filles, c'est-à-dire, La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond. Ils prendront jour en dehors du Chapitre Général, et ne feront la visite qu'une fois l'an. Ils la feront en personnes et non par délégués, parce que leur visite n'est point comme celle des Pères immédiats, un acte de juridiction ordinaire, mais l'accomplissement d'une simple délégation.

Tout religieux d'un monastère quelconque pouvant

(1) Domnus Stephanus et fratres sui ordinaverunt ut nullo modo abbacie in alicujus antistitis diocesi fundarentur antequam ipse decretum inter cisterciense eenobium et cetera ex eo nata ratum haberet et confirmatum: propter scandalum inter pontifices et monachos devitandum. Carta Caritatis, apud Guignard.

être admis dans un autre, et le devoir de la visite obligeant les supérieurs à aller de maison en maison, la Charte veut qu'il y ait partout mêmes usages, mêmes chants, mêmes livres liturgiques qu'à Citeaux, afin de prévenir toute cause de division.

Chaque année tous les abbés de l'ordre assiteront au Chapitre Général qui se tiendra à Citeaux. Il n'y aura d'exception que pour les infirmes, qui devront toutefois faire connaître leur empêchement par un messager, et pour ceux qui habiteront des pays lointains, auxquels le Chapitre fixera l'époque où ils devront se rendre à l'assemblée.

Dans le Chapitre, les Pères traiteront du salut de leurs âmes, de l'observation de la règle, du maintien de la paix et de la charité entre les frères, et des réformes et améliorations qui seraient jugées nécessaires ou utiles. S'il arrive qu'un abbé ait mérité d'être déposé, le Chapitre statuera sans appel. En cas de partage des voix, l'affaire sera dévolue à l'abbé de Citeaux, qui prendra conseil de ceux qu'il jugera les plus prudents.

Quand un monastère n'a plus d'abbé, c'est à l'abbé majeur, c'est-à-dire à l'abbé de la maison qui a donné naissance à l'abbaye vacante, qu'est dévolu le soin de l'administration jusqu'à l'élection du nouvel abbé. Au jour fixé, l'abbé-père, les abbés des abbayes-filles, et les moines de l'abbaye à pourvoir procèdent à l'élection. En cas de vacance de Citeaux, l'administration appartient aux quatre premiers abbés de l'Ordre; et l'élection est faite par eux, par les abbés des maisons-filles et par les moines du monastère, qui peuvent s'adjoindre, s'ils le jugent bon, des abbés d'autres filiations. Une abbaye peut choisir à son gré, pour le placer à sa tête, un

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