Imágenes de páginas
PDF
EPUB

les novices eux-mêmes prennent feu sous sa conduite et préfèrent aux délices mondaines les rigueurs de l'Ordre, les veilles, l'abstinence, le travail corporel et tout ce qu'ils regardaient auparavant comme insupportable (1).

D

« Pour moi, ajoute-t-il, j'admire dans ses écrits une simplicité qui n'ôte rien à la vigueur du style, une élégance qui dissimule complètement l'art, et surtout une sincérité de cœur qui permet de lui appliquer ce que Saint Grégoire disait de Saint Benoît, que ses écrits prouvent avec évidence qu'il a vécu comme il a écrit, et qu'il n'eût jamais écrit ainsi s'il eût vécu autrement (2). »

Il faut avouer cependant que tous ses sermons ne sont point d'un égal mérite, et que quelques-uns sont obscurs, abstraits et presque sans ordre. Mais il n'en est pas moins vrai que Guerric est, de tous les disciples de Saint Bernard, celui dont le style approche le plus de la manière du maître (3).

S'inspirant sans cesse des divines Ecritures, il fait peu d'usage des ouvrages des saints Pères; à peine y trouve-t-on quelques citations de saint Jérôme, de Saint Augustin et de Gennade. Mais on voit qu'il avait pratiqué les auteurs profanes, car on y rencontre quelques sentences de Térence, de Virgile, d'Horace et de Senèque. Il en use toutefois sobrement, à la manière de Saint Paul.

De ses cinquante-sept discours, il y en a cinq sur l'Avent; cinq sur la Nativité du Sauveur, où le Bienheureux excite ses religieux à la dévotion envers Jésus-Enfant; quatre sur l'Epiphanie, qui sont surtout allégoriques;

(1) Manrique, Annales Cisterc., ann. 1138.

(2) Ibidem, ann. 1157, III, 5.

(3) Hist. littér., t. XII, p. 454.

six sur la Purification de Marie; Horstius doute de l'authenticité du cinquième, qui n'est point dans le manuscrit de Cologne; deux sur le Carême; quatre pour la fête de Saint Benoît; trois pour l'Incarnation; trois pour les Rameaux; trois sur la Résurrection de JésusChrist; un pour les Rogations; un pour l'Ascension; deux pour la Pentecôte; quatre sur la Nativité du Précurseur; trois pour la fête des saints Pierre et Paul; quatre sur l'Assomption de Marie, et deux sur sa Nativité; enfin un pour la Toussaint, et le dernier sur ces paroles du Cantique des Cantiques: Vous qui habitez dans les jardins, où il loue ses religieux de leur amour pour l'Ecriture Sainte, et de leur assiduité à la lire et à la méditer (1).

Echappés au feu, grâce aux copies que ses disciples en avaient tirées, les sermons de Guerric se multiplièrent dans la suite, en raison de la haute estime que l'on en avait. L'imprimerie les a depuis répandus en tous lieux. On en compte plusieurs éditions, dont la première fut donnée à Paris, in-8°, en 1539, chez Gervais Chevallon, par Jean de Gaignée, Chancelier de l'Eglise de Paris. Il prévient le public, dans l'Avertissement, qu'il a donné cette édition par ordre du roi François I", sur un'exemplaire de l'abbaye de Vauluisant. L'édition fut renouvelée huit ans plus tard chez Nicolas le Riche, et Jean de Gaignée la fit suivre d'une traduction française (2).

La deuxième édition, corrigée sur d'anciens manuscrits par Jean Coster, parut en 1546 à Anvers, chez Philippe Mutius. Une troisième, encore in-8°, sortit des

(1) Histoire littéraire de la France, XII, 453.

(2) Fabricius, Biblioth. latin. m. et inf., 1. VII, p. 368.

presses de Gabriel Buon, en 1563, à Paris. Une quatrième, dans le même format, fut donnée à Lyon en 1630, sous la direction de Dom Maur Raynaud, bénédictin. Celle d'Anvers fut la mieux accueillie du public, et passa dans les grandes Bibliothèques des Pères, de Cologne et de Lyon, et dans la Bibliothèque des Prédicateurs du Père Combéfis, où les sermons de Guerric se trouvent dispersés et mêlés à d'autres suivant l'ordre des matières. On les rencontre encore à la suite des Euvres de Saint Bernard, recueillies et publiées successivement par Merlon, Horstius et Dom Mabillon (1). Plusieurs copies manuscrites de ces sermons sont conservées dans les bibliothèques publiques, particulièrement à Troyes, à Laon et à Montpellier (2).

Les sermons sont les seules productions littéraires de Guerric qui aient vu le jour. On lui attribue cependant encore un traité De Languore animæ, commençant

(1) Histoire Littér. de la France, t. XII, 451-452. Catalogue Général des Manuscrits des Bibliothèques des Départements, t. II, p. 341.

(2) Bibliothèque de Troyes, n° 644, sur vélin, (Recueil) 1° Domni Gerrici Abbatis Igniacensis Sermones provenant de Clairvaux, no 47. — No 821, Domini Gerrici, Iniacensis ecclesiæ abbatis, quondam canonici et lectoris scolarum ecclesiæ Sæ Mariæ Tornacensis sermones (numero LXI), XII-XIII° siècle; provenant de Clairvaux, no 53. C'est un manuscrit de 87 feuillets, en minuscules tirant un peu sur la gothique à longues lignes avec initiales en couleur. —N° 1715, in-8° sur parchemin. (Recueil) 1° Guerrici abbatis Igniaci Sermones (de Tempore, et de Sanctis), provenant de Clairvaux, no 58, XIII* siècle. Le manuscrit complet est de 142 feuillets en minuscules tirant sur la gothique, à longues lignes avec titres et initiales.

Bibliothèque de Laon, n° 287, in-8° sur vélin, Guerrici Igniacensis Sermones, XII siècle; provenant de Vauclair. On ne trouve pas dans ce manuscrit le cinquième sermon sur la Purification.

Bibliothèque de l'école de médecine de Montpellier, n° 423, in-4° sur papier, Sermons de Gerricus translatez de latin en françois, par Jehan de Gaigny, docteur et premier aulmosnier du roy, xvIe siècle. Exemplaire du connétable de Montmorency avec ses armes et sa devise (άnλavý) sur la couverture historiée qui est de l'époque. Consulter le Catalogue Général des manuscrits des bibliothèques publiques des Départements.

par ces mots du Cantique des Cantiques: Vulnerasti cor meum; des Apostilles sur les psaumes, sous ce titre : Postille fratris Guerrici super Psalterium; un Commentaire sur Saint Matthieu; un Commentaire sur les épîtres de Saint Paul; un autre Commentaire sur les épîtres Canoniques; et enfin Trithème lui attribue un volume de Lettres. De ces divers ouvrages, aucun n'a été publié; quelques-uns se conservaient au dernier siècle dans les bibliothèques monastiques.

La réputation de science et de sainteté du Bienheureux Guerric fut si grande au moyen-âge, que l'illustre Cardinal Bellarmin crut pouvoir le ranger au mombre des Pères de l'Eglise (1).

Les vénérables restes de ce saint abbé furent conservés avec soin, comme un précieux trésor, dans le monastère d'Igny. Après avoir longtemps reposé dans la grande église de l'abbaye, ils furent transportés, sur la fin du siècle dernier, dans la nouvelle chapelle, et déposés en avant de l'autel principal, sous une plaque de marbre où ils demeurèrent jusqu'en 1876. Le 21 septembre de cette année, jour de la dédicace du monastère ressuscité, Monseigneur Langénieux, archevêque de Reims, assisté de plusieurs évêques et de plusieurs abbés de l'Ordre de Citeaux réformé, en fit la reconnaissance authentique et l'élévation solennelle, et les fit dépo ser dans une modeste châsse de verre sous le maîtreautel. C'est là qu'ils reçoivent chaque jour les hommages des religieux et qu'ils les excitent à se détacher de plus en plus des choses périssables, et à n'aspirer que vers les biens célestes, les seuls vrais, les seuls durables.

Sous la prélature du B. Guerric l'abbaye avait donné la

(1) Bellarmin, De Scriptoribus Ecclesiasticis.

sépulture aux restes vénérables de l'abbé Valeran, l'un des plus célèbres personnages de l'Ordre en son temps. Valeran était le quatrième fils d'André de Baudemont et d'Agnès, dame de Braisne, fille de Thibault le Grand, comte de Champagne. Il s'était d'abord destiné à l'état ecclésiastique, et avait été fait, dès son jeune âge, abbé de Saint-Martin d'Epernay. Mais il avait abdiqué pour prendre l'habit cistercien à Clairvaux. Saint Bernard le choisit pour fonder, avec douze religieux, l'abbaye d'Ourscamp, près de Noyon. Dès qu'il en eut élevé l'église, elle fut consacrée solennellement par l'archevêque Renauld, assisté de plusieurs de ses suffragants. Son père, fatigué du monde, se retira lui-même à l'abbaye de Clairvaux, où il mourut en odeur de sainteté; et sa mère consacra pareillement ses derniers jours à Dieu dans l'abbaye de Fontenille. L'abbé Valeran revenait du Chapitre Général quand il tomba gravement malade à Igny, et il y mourut le 27 juin 1142. Ses obsèques eurent lieu avec une grande pompe, et ses restes mortels furent déposés dans le chapitre. Il jouissait au moment de sa mort d'une haute réputation de sagesse et de vertu, et il s'était élevé dans la science spirituelle au rang des maîtres de son siècle (1).

(1) Marlot, Métrop. Rem. Hist. t. II, append. 869; Stanislas Prioux, Histoire

de Braine, p. 80. Paris, Dumoulin, in-8°, 1846.

« AnteriorContinuar »