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Jean Racine.

Grace par 1.Daulle Gr. du Roy 1752

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EXTRAIT

DES MEMOIRES

JE

SUR LA VIE

DE JEAN RACINE.

Journal des Savans, Février 1749.

EAN RACINE naquit le 21 Décembre 1639 à la Ferté-Milon, petite ville du Valois, dans laquelle fa famille paternelle étoit déjà connue depuis long-temps. Il étoit fils de Jean Racine, contrôleur du grenier à fel de cette ville, & de Jeanne Sconin. Après la mort de sa mere en 1641, & de fon pere en 1643, il fut fous la tutelle de fon grand - pere Jean Racine, qui mourut lui-même en 1650. Sa veuve Marie Desmoulins s'étant retirée à l'abbaye de Port-Royal des Champs, où elle avoit deux fœurs & une fille religieuses, le mit en penfion d'abord au collége de la ville de Beauvais, où il apprit le Latin, & ensuite aux Granges, maison voisine de l'abbaye de Port-Royal. Le célèbre Claude Lancelot, sacristain de cette abbaye, étant alors devenu son maître en Grec, le mit, en moins d'un an, en état d'entendre les tragédies de Sophocle & d'Euripide.

Le jeune Racine prit, dès fes premières années, tant de goût pour la poëfie, que fon plus grand plaifir étoit de s'aller enfoncer dans les bois de l'abbaye, avec ces deux poëtes, qu'il favoit presque par cœur. On cite de lui dans ce temps un trait fingulier, qui juftifie également & fon goût pour la poëfie, & les reffources que lui fourniffoit fa mémoire qu'il avoit fans doute bien cultivée. Ayant trouvé le roman Grec des amours de Théagene & de Cariclée, il le dévoroit, lorsque Claude Lancelot, fon maître, lui arracha ce livre & le jetta au feu. Un fecond exemplaire ayant eu le même fort, le jeune Racine en acheta un troifième, & prit la précaution de l'apprendre entièrement par cœur; après Tome I.

a

quoi il l'offrit à fon maître pour le brûler comme les autres. Il s'étoit exercé dès ce temps à la poëfie Latine & Françoise, mais ce fut d'abord avec peu de fuccès, fur-tout quant à la poëfie Françoise. Il paroît encore que dès le même temps, ou peu après, il avoit déjà traduit le commencement du Banquet de Platon, & fait, outre plufieurs remarques fur Pindare & fur Homère, des extraits Grecs de quelques Traités de S. Bafile.

Étant forti de la maison des Granges, il vint à Paris faire sa philosophie au collège d'Harcourt. A peine l'eut-il finie, qu'il fit connoître ses talens par l'ode intitulée la Nymphe de la Seine, qu'il donna en 1660 au sujet du mariage du Roi. Cette pièce fut jugée la meilleure de toutes celles que publièrent les poëtes du temps, qu'un fi grand sujet avoit excités à marquer à l'envi leur zèle. Chapelain qui préfidoit alors au Parnaffe, & que le jeune Racine avoit confulté fur fon ode, parla fi avantageusement à M. Colbert, & de l'ode & du poëte, que ce miniftre envoya au jeune Racine cent louis de la part du Roi, & le mit peu de temps après fur l'état pour une penfion de fix cens livres.

Ce premier fuccès n'ayant fervi qu'à l'attacher davantage à la poëfie, le rendit fourd à toutes les propositions qui lui furent faites pour l'engager d'abord dans la carrière du barreau, & enfuite dans l'état de chanoine régulier, où le pere Sconin, fon oncle maternel & ancien abbé de fainte Geneviève, cherchoit à l'attirer pour lui réfigner un bénéfice qu'il avoit dans le diocèfe d'Uzès. Quelque complaisance pour cet oncle avoit cependant fait commencer à Racine, auprès de lui à Uzès, l'étude de la théologie. Mais à la compagnie de cet oncle & de S. Thomas, il joignoit celle de Virgile & de l'Arioste : il étudioit la langue Françoise : il n'oublioit point les poëtes Grecs, & il prit dèslors dans Euripide le fujet de la Thébaïde, qu'il avança beaucoup, avant que d'avoir abandonné la théologie.

Étant revenu à Paris au plus tard en 1664, il y fit connoiffance avec Molière; il acheva la Thébaïde, & il fit paroître fon ode intitulée la Renommée aux Muses, qu'il porta à la cour, où le Roi le récompensa par une gratification de fix cens livres. Cette gratification qui lui fut enfuite continuée tous les ans, fous le titre de penfion d'homme de lettres, a été même portée par degrés jufqu'à deux mille livres, & fa

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