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de leurs fabriques; les manufactures de France les supplantèrent bientôt dans ce commerce lucratif (1). Les vieilles lois de Charles-Quint prohibaient à tous les navires étrangers l'entrée des colonies espagnoles; non-seulement Louis XIV fit occuper par ses flottes les stations principales des Indes espagnoles, mais un traité conclu le 17 août 1704 ouvrit au commerce de la France une porte qui restait fermée aux autres puissances maritimes de l'Europe, et octroya à la compagnie de Guinée l'assiento ou privilége pour l'introduction et la vente des esclaves nègres dans Amérique du Sud (2). Une escadre française occupa le port de Cadix. C'était déjà beaucoup que cette lésion des intérêts commerciaux, il n'y fallait pas joindre des actes d'hostilité politique et des manifestations inquiétantes pour le maintien de l'équilibre européen.

Jacques II étant mort à Saint-Germain, le 16 hovembre 1701, Louis XIV reconnut incontinent le prince de Galles, son fils, pour Roi d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande. Guillaume III, considérant cette reconnaissance comme une injure directe et une rétractation de la reconnaissance qu'il avait obtenue à Ryswick de Louis XIV lui-même, rappela de Paris son ministre, le comte de Manchester. La nation anglaise se montra irritée, et Louis XIV, qui avait cru seulement imposer à Guillaume III, par une menace,

(1) Voy. un très-curieux livre, publié en Hollande, sous le titre suivant : Raisons qu'a eues le roy très-chrétien de préférer le testament de Charles II au partage de là succession d'Espagne, les avantages qui lui en reviennent, avec les intérêts des princes de l'Europe dans un si grand événement. A Pampelune (Hollande), 1701, pet. in-12.

(2) Voy. Dumont, loc. cit., pag. 83.

communiqua aux cours étrangères une note explicative de sa conduite (1). M. de Torcy exprime des regrets à l'occasion de cette reconnaissance compromettante.

Vers ce même temps, Louis XIV faisait sonder la cour de Madrid sur la proposition de céder à la France les Pays-Bas (2), et cette démarche ayant été infructueuse, il fit occuper par les troupes françaises, à l'improviste et le même jour, toutes les places des Pays-Bas dont les Hollandais avaient la garde, en vertu du traité de Ryswick, à titre de barrière. Les Hollandais évacuèrent les Pays-Bas; mais cette invasion soudaine, qui n'était motivée que sur leur inimitié future et présumée, fit imputer à Louis XIV un nouveau projet de réunion de ces provinces à la France.

Enfin, par des lettres patentes du mois de décembre 4700, Louis XIV avait déclaré formellement conserver à son petit-fils le droit de succéder, à son degré, à la couronne de France (3). C'était violer le testament de Charles II lui-même, réunir les deux monarchies sur une même tête et menacer l'équilibre de l'Europe. Le Roi disait, quelques jours avant, au connétable de Castille « Les nations française et » espagnole seront tellement unies, que les deux dé»sormais n'en formeront plus qu'une (4). » On pouvait craindre que ces paroles magnanimes et affectueuses ne prissent un jour une signification trop littérale. Il était difficile de justifier les lettres patentes de

(1) Voy. Flassan, loc. cit., tom. IV, pag. 210 et suiv.

(2) Voy. Flassan, loc. cit., pag. 226.

(3) Voy. Dumont, tom. VII, part. 2, et tom. VIII, part. 1. pag. 325. Lamberty, tom. I, pag. 388.

(4) Flassan, loc. cit., pag. 209.

décembre 1700; mais l'agression de Louis XIV en Hollande pouvait s'expliquer par une précaution prudente et même nécessaire, motivée par les armements et par les alliances défensives de plusieurs puissances étrangères, qui, quoique hésitant encore, se mettaient pourtant en mesure de résister ou d'attaquer. Quelques négociations furent ouvertes pour conjurer la guerre qui était près d'éclater; mais elles furent inutiles. L'irritation de la maison d'Autriche, déçue de ses espérances; le ressentiment de Guillaume III, et la rancune des États de Hollande, humiliés naguère par Louis XIV, préparèrent une coalition menaçante.

Le 20 janvier 1701, l'Angleterre, les ProvincesUnies et le Danemark signèrent un pacte d'alliance défensive, motivé sur les changements que les affaires de l'Europe ont éprouvés par la mort du Roi catholique (1). En septembre 1701, un autre traité fut conclu entre l'Autriche, l'Angleterre et les Provinces-Unies, 1° pour procurer à l'Autriche satisfactionem æquam et rationabilem, à l'occasion de la succession d'Espagne ; 2° ad removendam Galliam a Belgio fœderato ; 3° ad commercia favenda (2). Un article séparé était relatif à la reconnaissance du prince de Galles par le Roi de France, qui gravem injuriam et indignam universæ nationi (britannica) intulit.

Dès le mois de juin 1701, la maison d'Autriche avait publié un manifeste, dans lequel elle argumentait des renonciations d'Anne d'Autriche et de MarieThérèse pour établir l'inhabileté d'hériter qui frappait

(1) Voy. Dumont, tom. VIII, part. 1, pag. 1.
(2) Voy. cet acte dans Dumont, loc. cit., pag. 89.

le duc d'Anjou (1). Elle prétendait, à son tour, recueillir l'héritage de la couronne espagnole et le réunir à la couronne impériale. Elle refusait à Charles II le droit de soulever une incapacité de succéder, que selon elle Philippe IV aurait eu l'autorité d'établir, et concluait à l'annulation du testament qui donnait la couronne à Philippe V, ainsi qu'à l'exclusion de tout le sang de France (2) de la succession universelle d'Espagne. C'était encore le système d'antagonisme de famille que la ligue de 1689 avait embrassé un mo– ment, mais dont, après l'apaisement des colères politiques, le bon sens des cabinets fit justice à Ryswick.

Les prétentions exagérées de la maison de Hapsbourg ne pouvaient mieux convenir à l'Europe que les desseins supposés de Louis XIV. Elles suspendirent, pendant quelque temps, la conclusion d'une ligue offensive. L'Autriche se prépara à la lutte par de grands sacrifices. Pour avoir des troupes, elle reconnut le Roi de Prusse; et pour avoir de l'argent, elle donna pied dans l'empire à la maison de Hanovre, en faveur de laquelle on créa un neuvième électorat (3).

Les cercles et les princes de l'Empire accédèrent à l'alliance de septembre 1701 par des actes postérieurs, à partir du 22 mars 1702 seulement (4). La Prusse avait promis des troupes, en janvier et décembre précédents (5). Le Portugal ne se joignit aux coalisés que le 16 mai 1703 (6), le duc de Savoie, plus tard

(1) Voy. cet acte dans Dumont, tom. VIII. part. 1, pag. 10 et suiv. (2) Voy. Dumont, loc. cit., pag. 24.

(3) Voy. Dumont et Flassan, loc. cit.

(4) Voy. Dumont, loc. cit., pag. 114, 116, 121, etc.

(5) Ibid.. pag. 96.

(6) Ibid., pag. 127.

encore, du moins ostensiblement, vers la fin de la même année 1703 (1).

Le manifeste des Provinces-Unies et leur déclaration de guerre furent publiés au mois de mai 1702 (2). Leurs griefs exprimés sont : une sorte d'incorporation des Pays-Bas espagnols à la monarchie française et les prétentions de Louis XIV à la monarchie universelle. La déclaration de guerre de l'Angleterre ne fut pas retardée par la mort de Guillaume III. Celle de l'Empereur Léopold parut peu de jours après, le 25 mai 1702. Louis XIV y répondit par une déclaration datée du 3 juillet, qui fut suivie de celle des cercles de l'Empire, le 28 septembre (3). La Bavière était restée fidèle à Louis XIV, son ancien allié ; l'Electeur fut mis plus tard, pour ce fait, au ban de l'Empire (4).

La guerre avec l'Autriche a commencé, en Italie, dès 1701. Elle se poursuivit mollement en Flandre et sur le Rhin, en 1702. La coalition avait un but bien décidé pour empêcher, mais elle n'avait pas un motif déterminé pour agir. Les coalisés n'avaient, à ce moment, en projet que d'empêcher la réunion des couronnes de France et d'Espagne et de démembrer ce qu'ils pourraient de cette dernière monarchie; mais leur dessein ne portait pas jusqu'à détrôner Philippe V, qui, reconnu et soutenu par les Espagnols, semblait avoir une position inexpugnable. Les confédérés n'avaient pas même encore, à vrai dire, de candidat sérieux à la royauté d'Espagne. Le but de la coalition est exactement défini par l'article 8 de la grande alliance ainsi conçu :

(1) Voy. Dumont, loc. cit., pag. 135.

(2) Ibid., pag. 112 et suiv.

(3) Ibid., pag. 115, 118 et 120.

(4) Ibid., pag. 127 et 193,

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