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mais, dans l'intérieur de leurs propres états, leur autorité avait été diminuée, dès la fin du onzième siècle, par l'influence toujours grandissante prise par une lignée de premiers conseillers, sortes de maires du palais héréditaires, qui étaient issus de la famille Kao. Eu 1252, le roi de Ta-li était Touan Hing-tche, mais la réalité du pouvoir était entre les mains du premier conseiller Kao T'ai-siang 高泰祥.

Le neuvième mois de l'année 1252 ), Koubilaï entra en campagne, le douzième mois il traversa le Houang ho; il dut le passer près de Ning-hia, car nous le trouvons aussitôt après à Yen

2), au Sud-Est de la préfecture secondaire actuelle de Ling, dans le Kan-sou. De Yen, Koubilaï descendit sur la passe Siao qu'il franchit en été, le quatrième mois; cette passe, qui est déjà mentionnée par Sseu-ma Ts'ien3), est au Sud de la préfecture secondaire de Kou-yuan. Koubilaï s'arrêta ensuite dans les monts Lieou-panqui forment la ligne de partage des eaux entre le Ts'ing-chouei ho qui coule vers le Nord, la rivière King

qui se dirige vers l'Est, et la rivière K'ou-chouei #

qui va droit au Sud pour se jeter dans la rivière Wei; c'est dans une vallée de ces montagnes que Tchinghiz khan était mort en 12274). Dans le huitième mois de l'année 1253, Koubilaï

1) Je raconte l'expédition de Koubilaï dans le Yun-nan d'après l'inscription de 1304

sur la conquête du Fun-nan composée par Tch'eng Wen-hai T

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Ce texte se trouve dans le Tun-nan t'ong tche, chap. XXIX, p. 31 ro et suiv.,

et dans le Tien hi, chap. VIII, partie 1, p. 31 vo et suiv.

2) La plupart des noms de lieu cités dans le récit des campagnes de Koubilaï sont inscrits dans la carte chinoise A, gravée en 1137, que j'ai publiée dans le Bulletin de l'Ecole Française d'Extrême-Orient, t. III, p. 214.

3) Trad. fr., t. III, p. 590.

4) Le lieu exact de la mort de Tchinghiz khan est appelé, dans le Yuan che lei pien

(chap. I, p. 9 vo), l'ordo de Ha-lao-t'ou-tche✯ 215 (le Yuan che, chap. I, p. 9 vo, éerit: 哈喇圖之行宮) dans la vallée Sa-li薩里川.

BRETSCHNEIDER (Mediaeval Researches, t. I, p. 157, n. 417) en conclut qu'il faut chercher

arriva avec son armée sur les bords de la rivière Tao, c'està-dire à Min-tcheou (au Sud-Ouest de la préfecture de Kongtch'ang, province de Kan-sou). De Min-tcheou, il traversa le territoire tibétain pour atteindre Song-p'an '), sur le haut cours de la rivière Min I, dans le Nord du Sseu-tch'ouan. Il divisa alors ses troupes en trois colonnes qui devaient suivre les routes de l'Ouest, du Centre et de l'Est; lui-même, à la tête de l'armée du Centre, descendit la rivière Min jusqu'à la hauteur de la préfecture secondaire de K'iong I, puis, obliquant vers l'Ouest, il franchit la rivière Ta-tou, dans le courant du dixième mois; il se rendit à Yue-hi, et atteignit la rivière Lou, affluent de gauche du Ya-long kiang; après avoir traversé la rivière Lou, au onzième mois, il arriva sur les rives du Kin cha kiang et opéra le passage de son armée sur des outres et sur des radeaux à la hauteur de Li-kiang fou I *). Enfin, le douzième mois, Koubilaï était sous les murs de Ta-li.

Le roi de Ta-li, Touan Hing-tche, et son conseiller Kao T'ai-siang tentèrent de livrer bataille, mais ils furent complètemeut vaincus. Kao

cette localité en Mongolie au Sud de la rivière Onon, où se trouvait en effet une rivière appelée Sari gol. Mais il est à remarquer que Raschid ed-din, aussi bien que le Tong kien kang mou, disent que Tchinghiz khan mourut dans les monts Licou-p'an; si en effet on relit le texte du Yuan che (chap. I, p. 9 v°), on voit que Tchinghiz se rendit dans les monts Lieou-pan pour éviter la chaleur pendant le mois intercalaire placé après le cinquième mois; pendant le sixième mois, il s'arrêta près du fleuve occidental de Ts'ingchouei hien ; cette indication ne nous écarte pas des monts Lieoup'an, car cette chaîne étend au Sud ses ramifications jusqu'à la sous-préfecture actuelle de Ts'ing-chouei; comme Tchinghiz khan mourut aussitôt après, dans le courant du septième mois, il faut que le lieu de sa mort se trouve dans les monts Licou-p'an ou dans leur voisinage immédiat; de ce que les noms de Sari gol et de Ha-lao-tou-tche (Karatouski?) soient mongols, il ne s'ensuit pas que les localités qu'ils désignent se soient trouvées en Mongolie, et on peut supposer comme le fait D'OHSSON (Hist. des Mongols, t. I, p. 378, n. 2) que ces noms mongols «ont été donnés par les troupes de Tchinghiz-khan aux localités chinoises où le souverain venait de terminer ses jours».

1) Cf. Tong kien tsi lan, année 1253, dernier paragraphe.
2) Cf. Yuan che, chap. LXI, p. 4 v3.

T'ai-siang, poursuivi par les Mongols, fut fait prisonnier à Yao tcheou

; on le décapita pour que son exemple servît de leçon. Cependant Touan Hing-tehe, plus heureux, avait réussi à se réfugier dans sa seconde capitale, la ville de Chan-chan, qui devait se trouver au SudOuest du lac de Tien1). Koubilaï chargea son général Ouriangkadaï de terminer la pacification et quitta le Yun-nan pour retourner dans le Nord. En 1254, Ouriangkadaï prit Chan-chan #H; il 善闡; assiégea ensuite avec vigueur Ya-tch'e, capitale des Man noirs (auj. Yun-nan fou), conquit cette ville, et s'empara peu après de Touan Hing-tche qu'il envoya captif à l'Empereur 2). La clémence du souverain pardonna au roi de Ta-li qui put rentrer dans son pays avec le titre de mahārāja3) et qui fut chargé de gouverner ses anciens états sous la surveillance de ses vainqueurs; les Mongols n'eurent pas désormais d'auxiliaire plus dévoué.

Ces événements avaient fort inquiété la dynastie chinoise des Song); elle redouta de se voir attaquée de flanc par l'Ouest, en même temps qu'elle aurait à tenir tête aux Mongols sur sa frontière du Nord; elle songea donc à se prémunir contre une attaque qui viendrait du Yun-nan; c'est pour cette raison que le gouverneur de Yi tcheou 宜州 reçut l'ordre de mettre en état de défense la ville dont

1) Pour Chan-chan, nous nous trouvons en présence de deux identifications: le Tien hi (chap. I, 1, p. 9 v° et 10 r°) l'identifie avec la ville même de Yun-nan fou; le Nan tchao ye che (trad. SAINSON, p. 17) place Chan-chan à Ping-ting hiang, au Nord de Kouen-yang tcheou. Cette seconde opinion me paraît préférable; il résulte en effet d'un passage de la biographie d'Ouriangkadaï (Yuan che, chap. CXXI) que Chan-chan est distinct de Ya-tchecar Ouriangkadaï commença par prendre Char-chan, et fit ensuite le siège de Ya-tch'e; or Ya-tch'e, le Pachi de Marco Polo, doit être Yun-nan fou, comme l'a établi YULE; il est donc nécessaire de placer Chan-chan ailleurs, et c'est ce que nous permet de faire le Nan tchao ye che qui met Chan-chan vers le Sud-Ouest du lac de Tien (cf. Toung pao, 1904, p. 472). D'après le Tien hi (chap. I, 1, p. 9 v°), le nom de Chan-chan remonterait à l'époque de Fong-yeou (roi du Nan-tchao, de 824 à 859) et signifierait «capitale secondaire». 2) Cf. Yuan che, chap. CXXI, p. 2 v°- 3 ro.

3) Cf. Nan tchao ye che, trad. SAINSON, p. 110, n. 5, et Toung pao, 1904, p. 470. 4) Le paragraphe qui suit est inspiré de l'inscription de 1256, traduite plus loin.

il avait la garde. Yi tcheou est aujourd'hui la ville préfectorale de K'ing-yuan qui est située, dans la province de Kouang-si, au Sud de la rivière Long, affluent de gauche du Si kiang

I. Le gouverneur, au lieu de réparer des remparts qu'il jugeait incapables d'offrir une résistance sérieuse, imagina d'organiser, dans un cirque de montagnes qui était au Nord de la rivière Long, un vaste camp retranché où toute la population de la ville pourrait se réfugier en cas d'alerte; en sept mois et demi, pendant l'été et l'automne de l'année 1255, il éleva un système de fortifications qui rendaient inexpugnable un emplacement dont la nature même protégeait déjà les abords. Il fit tailler dans le roc deux grandes inscriptions qui commémoraient l'achèvement de cette entreprise 1).

Les craintes des Song n'étaient point chimériques 2). En 1259, en effet, tandis que Koubilaï venait du Nord pour attaquer la ville de Ngo (auj. ville préfectorale de Wou-tch'ang, province de Hou-pei), Ouriangkadaï recevait l'ordre de partir du Yun-nan pour aller opérer sa jonction avec lui. Ce général quitta donc Yatch'e (aujourd'hui Yun-nan fou) où il était venu se reposer des fatigues qu'il avait endurées pendant son expédition au Tonkin en 1257 3); il passa par Yong) (auj., Nan-ning fou, prov.

1) Voir plus loin l'article de M. BEAUVAIS qui décrit fort exactement l'emplacement da cirque, les vestiges des fortifications et la situation des deux inscriptions rupestres. Je n'ai eu à ma disposition que l'estampage d'une seule des deux inscriptions.

2) Les renseignements sur la campagne d'Ouriangkadaï en 1259 sont tirés de la biographie de ce général (Yuan che, chap. CXXI, p. 3 v°).

3) Dans le Yuan che, chap. CXXI, p. 3 v°, nous lisons qu'Ouriangkadaï, après avoir fait la conquête du Tonkin en 1257, revint camper à Aia-tch'e tch'eng

je crois qu'il faut lire Fa-tch'e et voir dans cette ville le Yachi de Marco Polo, l'actuel Yun-nan fou. Si cette conjecture est exacte, c'est de Yun-nan fou, et non du Toukin, que Ouriangkadaï serait parti en 1259 pour traverser le Kouang-si et le Hou-nan.

4) Ce nom n'est pas cité dans la biographie d'Ouriangkadaï, mais il est mentionné dans le passage de l'inscription de 1325 qui fait allusion à l'expédition de Touan Hingtche dans le territoire des Song; comme nous croyons pouvoir admettre que Touan Hingtche accompagnait Ouriangkadaï, nous en concluons que ce capitaine dut passer par Nanning fou qui était bien en effet sur sa route.

de Kouang-si), puis par Heng, par Kouei et par Siang, qui portent maintenant encore ces mêmes noms; il atteignit Tsingkiang-fou, qui n'est autre que l'actuel Kouei-lin fou

, capitale du Kouang-si; de là, il se dirigea, à travers la province de Hou-nan, par les préfectures de Yuan-tcheout, de Tch'en-tcheou, et de Tch'ang-cha (qu'on appelait alors l'arrondissement de T'an), à la rencontre de Koubilaï. Si on suit cet itinéraire sur la carte, on voit que, dans le parcours de Koueià Siang puis à Kouei-lin, il laisse à l'Ouest la préfecture de K'ing-yuan (l'ancien Yi tcheou H l'armée d'Ouriangkadaï tourna donc la forteressa hâtivement aménagée par le gouverneur de Yi, mais elle en passa fort près et aurait pu être arrêtée dans sa marche si elle avait rencontré plus à l'Est des villes aussi bien défendues. L'histoire explique ainsi et justifie les plans stratégiques que l'inscription de 1256 publiée ci-après expose d'une manière précise et détaillée.

Au moment où Ouriaugkadaï était sur le point de rejoindre Koubilaï, celui-ci fut rappelé précipitamment vers le Nord par la nécessité de veiller à ses intérêts personnels. Dans le septième mois

de l'année 1259, en effet, l'Empereur Mangou était mort au siège de Ho tcheou (au Nord de la préfecture de Tch'ong-k'ing 合州

, dans la province de Sseu-tch'ouan); un parti s'était bientôt formé pour donner le trône au plus jeune de ses frères, Arikboga. Koubilaï, qui avait plus de droits à la succession impériale que son cadet, se hâta de signer un traité avec Kia Sseu-tao VI, conseiller de l'empereur Song, et fit toute diligence pour revenir à Yen-king(Péking); de là, il se rendit à K'ai-p'ing T (Chang-tou) et réussit à s'y faire proclamer Empereur dans le troisième mois de l'année 1260 1).

1) Yuan che lei pien, chap. II, p. 2 r° et v°.

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