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guedoc le 23 mars 1526; et jusqu'à sa disgrâce en 1541, il eut véritablement le rang et les attributions de premier ministre.

L'auteur le suit pas à pas durant toute cette période, dans son ambassade à Londres, dans ses négociations pour la délivrance des enfants de France, dans ses brillantes campagnes en Savoie, en Provence, en Piémont, couronnées par son élévation à la dignité de connétable, le 10 février 1538. Il développe avec beaucoup de clarté la politique personnelle de Montmorency, aboutissant à un rapprochement intime avec l'empereur, à l'entrevue de Nice, et d'Aigues-Mortes, et à ce voyage triomphal de Charles Quint en France, accompagné depuis la frontière du midi jusqu'à celle du nord par le cortège des partisans du connétable (1539). L'empereur ayant manqué à tous ses engagements, et le roi d'Angleterre ainsi que le Pape s'étant tournés contre Montmorency, ses ennemis en profitèrent pour obte nir du roi sa disgrâce complète ; et le connétable dut rentrer dans la vie privée, jusqu'à l'avènement de son ami fidèle le dauphin (1547), Sous Henri II, il devait reprendre le pouvoir et ne l'abandonner qu'avec lavie. Mais ce nouveau ministère de vingt années est réservé par M. Decrue pour une seconde partie, qui sans doute ne se fera pas longtemps attendre.

A voir l'effrayante énumération des pièces inédites que l'auteur a recueillies dans tant de bibliothèques et d'archives, on est pleinement rassuré sur l'importance des matériaux qui servent de base au monument définitif qu'il a entrepris d'éléver à la mémoire du connétable de Montmorency. Il nous en

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Il ne nous reste qu'à soumettre à l'auteur quelques mesquines chicanes. Les mêmes idées et les mêmes termes se reproduisent dans des chapitres voisins. Le style, souvent solennel, devient parfois presque trivial,comme lorsqu'il parle des lettres de Montmorency < pleines de cœur et de fautes d'orthographe (p. 63). ► Observation d'autant plus oiseuse qu'à cette époque ce que nous appelons l'orthographe était inconnu même des lettrés. Ajoutons sans retard que les sources sont bien présentées, donnant aux travailleurs plus d'une indication précieuse, et qu'une table analytique très complète permet de retrouver ou de suivre les faits historiques si consciencieusement étudiés dans ce volume.

G. BAGUENAULT DE PUCHESSE.

Journal des guerres civiles de Dubuisson-Aubenay,16481652, publié par Gustave SAIGE. Tome II. Paris, H. Champion, 1885, in-8° de vi-415 p.

Nous avons dit ici tout le bien que nous pensions du tome I de l'important ouvrage publié par M. Saige pour la Société de l'histoire de Paris et de I'lle-de-France. Nous n'avons pas moins de bien à dire du second volume, qui renferme la chronique des années 1651 et 1652, chronique

où, à côté de plusieurs choses nouvelles (notamment une lettre de Madame Cornuel au sujet de la dévas tation de ses biens dans l'Orléanais, la seconde lettre connue de cette femme célèbre), on trouvera les renseignemeuts les plus précis sur divers événements dont le récit insuffisant nous a été laissé par les contemporains de Dubuisson-Aubenay. A la suite du Journal, dont l'auteur a poussé la rédaction jusqu'à l'avantveille de sa mort (28 septembre 1652), s'étend un Appendice d'une grande richesse (p. 295-368). Les documents inédits qui le forment sont : 10 des lettres de Dubuison Aubenay à d'Hozier et à Godefroy (1634-1647), lettres qui abondent en renseignements curieux ; 20 un Etat des commissaires désignés par le Parlement pour le logement des gens de guerre dans les faubourgs pendant le blocus de Paris (janvier 1649); 3o un Etat des conseillers au Parlement, commissaires dans les quartiers pour la levée des taxes pendant le blocus de Paris en janvier 1649 : 40 la division de la ville de Paris en quartiers (janvier 1649); 5o les Roles des taxes levées par ordre du Parlement pour l'ornement et l'entretien des troupes chargées de la défense de Paris pendant le blocus (janvier-mars 1649); 6o le Rôle des compagnies de la garde bourgeoise de Paris au 10 octobre 1649; 7° les correspondances relatives aux événements de 1651-1652,extraites des Archives du palais de Monaco, et où figurent d'intéressantes lettres de la reine Anne d'Autriche et du cardinal Mazarin au maréchal d'Aumont.

Des éloges particuliers sont dùs à la Table des noms de personnes et de lieux (p. 369-475). M. Saige déclare (Avant-propos, p. vII) qu'il y a rap

porté les soins les plus attentifs. Complétons son assertion en ajoutant qu'il y a apporté autant de sagacité que d'érudition.

L'éditeur du Journal des guerres civiles a d'autant plus tenu à rendre sa table très ample et très exacte, qu'il s'était presque abstenu d'annoter le texte, et qu'il se regardait comme obligé d'accorder à ses lecteurs une large compensation, en faisant entrer dans cette table tous les éclaircissements nécessaires sur les personnages cités. M. Saige, dans un grand nombre d'occasions, a pu corriger les fautes des historiens et des commentateurs, ses devanciers, et son travail acquiert par là une importance très considérable. Les lecteurs des mémoires et des lettres de la premières moitié du XVIIe siècle, et surtout les lecteurs des Historiettes de Tallemant des Réaux et des lettres de Guy Patin, trouveront dans les deux cents colonnes de cette table vraiment exceptionnelle les plus intéressantes identifications et rectifications.

T. DE L.

Madame de Sévigné historien. Le siècle et la cour de Louis XIV, d'après Mme de Sévigné, par F. COMBES, professeur d'histoire à la Faculté des Lettres de Bordeaux Paris, E. Perrin, 1885, in-8° de 378 p.

Ce livre n'est point un livre d'érudition; il ne fera pas avancer la science historique; il ne nous apprend rien que nous ne sachions : cependant c'est un bon ouvrage et agréable à lire. Il a été sans doute pour l'auteur une aimable distraction au milieu de travaax plus grands et plus pénibles; de même il amuse et repose les lecteurs.

Mille traits épars dans les lettres

de Mme de Sévigné sont ici rassemblés, et nous avons bien véritablement le siècle de Louis XIV, peint par un Saint-Simon féminin, plus spirituel et moins rude que l'autre, plus malicieux et moins méchant, informé avec autant d'exactitude et plus juste. Une succession de tableaux variés nous présente tantôt des personnages isolés, le cardinal de Retz, le duc de la Rochefoucauld, Fouquet, le prince de Condé, Turenne; tantôt des ensembles, « les femmes ridicules,» les « femmes criminelles," les femmes écrivains » du grand siècle, « les princesses allemandes de la cour de Louis XIV, » les « amies du Roi, et enfin le Roi lui-même. Un lien peut-être trop ténu joint ces tableaux les uns aux autres; les transitions d'un chapitre au suivant sont parfois très forcées ; certains traits sont quelque peu faciles et superficiels; des événements connus sont racontés trop longuement; il y a même çà et là de petites inexactitudes; enfin, des personnages intéressants, surtout parmi les écrivains, sont laissés de côté. Mais tout cela ne nous em. pêche pas de faire, grâce à M. Combes, une charmante promenade à travers le XVIIe siècle, en excellente compagnie, et sous la conduite d'un guide plein d'entrain.

ALFRED BAUDRILLART.

Lettres d'un soldat.Neuf années de campagnes en Afrique. Cor. respondance inédite du colonel DE MONTAGNAC, publiée par son neveu. Paris, Plon, Nourrit et Ce, 1885, gr. in-8" de xx11-502 p.

Chacun aujourd'hui veut savoir ce quenous a coûté cette belle Algérie enfin pacifiée; chacun demande aux historiens de la conquête les récits

de ces glorieux combats qui rem. plirent les années du règne de Louis Philippe. Quelle bonne fortune lorsqu'on peut lire ces récits écrits par ceux-là même qui prenaient part à l'action, qui la dirigeaient parfois. Né dans les Ardennes, sorti de SaintCyr en 1821, Lucien de Montagnac fit la campagne d'Espagne, puis servit en Afrique de 1836 à 1845. C'est lui qui commandait la petite colonne glorieusement massacrée, par suite de circonstances désastreuses, au marabout de Sidi Brahim, le 22 septembre 1845. C'est là que le colonel de Montagnac, âgé seulement de quarante-deux ans, tomba blessé mortellement, et mourut en criant une dernière fois à ses hom. mes,les yeux déjà fermés : « Courage, mes enfants, courage!» Sa vie tout entière est retracée dans sa correspondance; son entrain et sa vigueur de soldat s'y retrouvent à chaque ligne,en même temps que les détails les plus précis et les plus palpitants d'intérêt sur les faits de chaque jour. De tels exemples sont faits pour retremper les caractères et ranimer la souffle guerrier dans l'âme de la jeunesse française. La correspondance du colonel de Montagnac devrait être dans toutes les mains. ED. D'A.

Les populations agricoles de la France, par H. BAUDRILLART, membre de l'institut. Normandie et Bretagne. Paris, Hachette, 1885, in-8° de v-638 p.

M. Baudrillart poursuit le cours de ses graves et intéressantes études sur la situation morale et économique de nos populations agricoles. En examinant les côtés consolants ou fâcheux que présente leur physionomie actuelle, il s'efforce de

soulever le voile qui nous cache leur avenir. En même temps il est amené à s'occuper de leur passé, à tracer les diverses vicissitudes qu'elles ont eu à tra verser et qui, dans une mesure plus ou moins grande, ont contribué à les former telles qu'elles sont. Il y a donc,dans les importantes recherches du savant économiste, une part qui rentre largement dans le cercle des études historiques : c'est à ce titre que nous ne pouvons les passer sous silence.

Le présent volume se compose de deux parties bien distinctes. La première (p. 1-345) concerne spécialement la Normandie. C'est la reproduction exacte d'un livre publié par l'auteur en 1880 sous le titre de : La Normandie (passé et présent, in-8° de XII-428 pages). Plusieurs documents donnés en appendice à la fin de l'ouvrage et occupant environ quatre-vingts pages n'ont pas été compris dans cette réédition. La Revue des questions hisotriques ayant donné le compte-rendu de ce livre dans sa cinquante-sixième livraison (1er octobre 1880, t. XXVIII, p. 689691), nous ne pouvons que nous borner à y renvoyer le lecteur.

La Bretagne est le sujet de la seconde partie du volume (349-633). Le côté historique tient moins de place dans cette nouvelle étude que dans la première. Les renseignements si abondants et si curieux sur l'état ancien des campagnes normandes que M. Baudrillart avait glanés dans les livres de MM. Delisle et Charles de Beaurepaire, ainsi que dans le journal de Gilles de Gouberville, ne se sont point retrouvés pourvus du même intérêt dans les documents propres à la péninsule bretonne. Ce n'est pas que les recherches de l'au teur soient restées en défaut. Il a

consciencieusement suivi les discus. sions soutenues depuis quelques années sur la part plus ou moins grande que l'immigration des peuples de la Grande-Bretagne aurait prise dans la formation de nos Bretons armoricains. Il a profité des renseignements que donnent les légendes des saints de Bretagne et n'a pas oublié le précieux cartulaire de Redon. L'influence désastreuse de la guerre de Cent ans, celle des troubles de la Ligue, ne sont point restées pour lui inaperçues.

M. Baudrillart fait un assez triste tableau de l'état de l'instruction primaire en Bretagne jusque dans ces derniers temps. Nul doute que le mal signalé par lui n'ait une existence réelle. Ce dont on pourrait se plaindre, c'est qu'il n'en indique pas assez une des principales causes. Nous voulons parler de la guerre implacable qu'on n'a cessé de faire à tout enseignement donné aux enfants bas-bretons dans leur langue maternelle. S'est-on assez rendu compte des difficultés que comporte l'instruction primaire quand elle est distribuée dans une langue incomprise et sans analogie avec l'idiome seul en usage chez les élèves de la plupart des écoles? Quels motifs invoque cet exclusivisme ombrageux et mesquin? Un prétendu intérêt national? C'est se montrer bien esclave d'un préjugé et profiter bien peu des leçons de l'expérience. Faire des sentiments les plus naturels, les plus chers aux populations bretonnantes, l'objet d'incessantes tracasseries, c'est assurément le plus mauvais moyen de développer leur amour pour notre commune patrie. Que ne voit-on l'Angleterre, après avoir réussi à faire tomber en complète désuétude la langue erse dans

la presque totalité du peuple irlandais, n'en rencontrer pas moins chez lui la haine la plus acharnée, tandis que les Gallois plus fidèles que jamais à leur vieille langue celtique, se montrent pourtant une des populations les plus progressives et les plus patriotiques de l'empire britannique. C'est une habitude malheureusement trop invétérée en France que celle de ne pas vouloir profiter de l'expérience des autres et de se borner à envisager les plus graves questions par leur côté le plus étroit. M. Baudrillart est un esprit trop large et trop éclairé pour être accessible à de vulgaires préjugés : nous aurions aimé à le voir en signaler sans pitié les décevantes conséquences. Il y a toujours beaucoup à apprendre dans. ses ouvrages, et c'est justement pour cela qu'on serait enclin à réclamer de lui de nouvelles, et plus amples leçons. L. DE N.

Le Trésor de Chartres, 13101793, par F. DE MÉLY. Paris, Alph. Picard, 1885, gr. in-8° de XLIX

136 p.

Ce qu'était autrefois le trésor d'une de nos grandes cathédrales, ce qu'il contenait de richesses hagiologiques, lapidaires, archéologiques et artistiques, c'est ce que nos contemporains ne peuvent aisément concevoir, à moins d'avoir sous les yeux l'état et la description détaillée des merveilles accumulées par la pieuse générosité des siècles passés. Entre les sanctuaires les plus vénérés Notre-Dame de Chartres était un de ceux que la dévotion du moyen âge mettait au plus haut rang et qu'elle aimait à orner des objets les plus précieux. Son trésor, dispersé et anéanti par le vandalisme révolutionnaire de 1793, englouti dans le gouffre du fisc conventionnel, non sans

avoir laissé plus d'une épave entre les mains de ses agents, ne subsiste plus à peu de chose près qu'à l'état de souvenir. En faire connaître les richesses, décrire les chefs d'œuvre d'orfévrerie, de ciselure, d'émaillerie que les différents siècles y avaient réunis, telle est la tâche qui a tenté un archéologue de Chartres, M. F. de Mély, dont la compétence artistique était déja bien connue. Guidé par de nombreux inventaires que conservent les Archives d'Eure et Loir et la bibliothèque de Chartres, il pouvait énumérer tant d'objets précieux, au risque de n'être pas en état d'en fournir une suffisante description. Mais, parmi ces catalogues, il a eu la bonne fortune d'en rencontrer un rédigé dans un esprit tout autre que celui qui préside le plus souvent à l'élaboration des documents de ce genre. Euvre d'un chanoine de Chartres nommé Estienne, il date de 1682; l'auteur ne s'est pas borné à spécifier la valeur matérielle des objets qu'il énumérait, il s'est plu à en décrire le caractère artistique et à réunir les indications d'origine que la tradition ou les titres pouvaient lui procurer. Ces renseignements ont été complétés et quelquefois rectifiés par l'étude d'autres documents analogues, dont M. de Mély place les citations en note au bas des pages, et par ses propres recherches dont il donne sous la forme la plus succincte un clair et substantiel résumé, intercalé dans le texte du chanoine Estienne, mais en plus petits caractères, de manière à rendre toute confusion impossible. Ce texte, ainsi commenté avec autant de sobriété que de précision, s'étend de la page 1 à la p. 98. Il est précédé d'une introduction où M. de Mély trace siècle par siècle l'histoire du trésor de Chartres, dé

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