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en même temps, que toutes les persécutions ont immolé des chrétiens à Saragosse, il compare cette ville, pour la fécondité du martyre, à Carthage 1, l'une des cités du monde romain les plus riches en martyrs authentiques, à Rome, a dont le sol est tout fleuri de tombes sacrées, Rome pleine de saints cachés, dont on ne peut dire les noms, tant fut grande la multitude des justes massacrés par une fureur impie 3 ! » La pensée du poète paraît donc flottante, ou trahie par l'expression. De ses vers on pourrait tirer, en ce qui concerne l'Espagne, aussi bien la thèse du petit nombre des martyrs que celle, beaucoup plus appuyée, de leur grand nombre, ou plutôt un esprit vraiment critique n'en fera sortir aucun système. Prudence connaît peu de chose de l'histoire chrétienne de son pays avant la dernière moitié du troisième siècle, bien que cette histoire (nous l'avons montré) remonte beaucoup plus haut. De là l'incertitude de son langage, et des contradictions apparentes. Même pour l'époque qu'il connaît le mieux, car une génération seulement l'en sépare, l'époque de Dioclétien, il est loin d'être complet ainsi, il nomme quatre martyrs de Cordoue 3, mais il ne parle pas du célèbre évêque de cette ville, Osius, qui joua un si grand rôle au quatrième siècle, et avait confessé la foi dans la dernière persécution. Ne demandons au poète que ce qu'il peut donner recueillons avec empressement les renseignements contenus dans les hymnes

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4 « Ce n'est qu'à partir du troisième siècle que se forme la tradition de l'Eglise espagnole. Aucun chrétien d'Espagne n'a écrit quelque chose avant la fin du quatrième siècle, » dit Döllinger, d'une manière un peu trop absolue. Le Christianisme et l'Eglise, p. 105, note.

5 Peri Steph., vi, 19, 20.

par lui consacrées à la mémoire de quelques martyrs', mais confessons notre impuissance à en tirer un système historique, et, pour les origines religieuses de l'Espagne comme pour celles de plusieurs contrées de l'Occident, résignons-nous à beaucoup ignorer.

PAUL ALLARD.

1 Les martyrologes d'Adon et d'Usuard citent des martyrs dont Prudence ne parle pas: ainsi. sainte Léocadie à Tolède, sainte Victoire à Cordoue, saints Servand et Germain à Cadix, saints Oronce et Victor à Girone.

LA RÉCONCILIATION DE HENRI III

ET DU DUC DE GUISE

D'APRÈS LES DOCUMENTS DES ARCHIVES DU VATICAN

Mai-Juillet 1588.

Nous avons exposé ici même quelle fut la politique de Sixte Quint en France dans les premiers mois de l'année 1588'; nous voudrions faire voir aujourd'hui aux lecteurs de la Revue à quels résultats elle aboutit en cette même année.

La journée des Barricades avait donné la puissance au duc de Guise. Désormais il y avait dans le Gouvernement deux chefs et entre eux un abime.

La retraite d'Henri III avait-elle augmenté ou amoindri sa fortune? on l'a discuté 2. Le Roi vaincu devait-il se venger ou pardonner? Les deux opinions se produisirent. Henri III parut incliner vers la dernière et, pour désarmer ses adversaires, il affirma ses sentiments catholiques.

Ayant rencontré près de Chartres quatre gentilshommes huguenots venus pour lui offrir leurs services : « Allez-vous en, « leur dit-il,et n'était la confiance que vous avez montrée de venir « me parler,je vous ferais voir quel compte je fais de tous ceux de « votre hérésie. » Cette parole parut aux catholiques un témoignage non équivoque de la volonté royale 3.

1 Voir la Revue, t. XV, p. 387. - Les savants articles publiés, à diverses reprises, dans nos colonnes et ailleurs, par notre ami le comte de l'Épinois vont être fondusdans un livre sur La Ligue et les Papes, qui paraîtra prochainement (Note de la Direction).

2 « Henri III avait par sa retraite déjoué le plan des princes lorrains, écrit M. le comte d'Haussonville, Histoire de la réunion de la Lorraine, t. I, p. 46.

3 Arch. du Vatican, Lettere del Nunzio di Francia, t. XXVII, fo 80.

Henri III dénonça au Pape le duc de Guise comme principal auteur de la conspiration dont il avait été victime ',et il signala à Philippe II la complicité de son ambassadeur Mendoza comme celle de son lieutenant le duc de Parme 2.

Le 18 mai, il pria le nonce d'assurer au Souverain Pontife qu'il ferait son possible pour réunir autour de lui ses sujets catholiques et pour apaiser le dernier trouble; il demandait seulement, comme c'était justice, à conserver son autorité. Ce serait pour lui un grand chagrin et déplaisir s'il était forcé de prendre une autre voie. Il remerciait avec effusion Morosini des services qu'il avait rendus et le priait de les continuer, car il avait pleine confiance en son zèle et en son dévouement pour l'Église et le royaume 3. Enfin, dans une lettre au marquis de Pisany son ambassadeur à Rome, Henri III écrivait: « Je persiste à mettre de l'eau sur le feu pour l'éteindre par douceur ; » mais il regrettait de voir le Pape « ajouter foi aux inventions de ses ennemis » et les favoriser en leurs dessins.

Une circulaire (16 mai) sur le « tumulte » de Paris était adressée aux gouverneurs des villes et des commissaires envoyés dans les provinces, afin de parler « des choses advenues >> devaient rallier les gens de bien du royaume, car « déjà ils en portaient beaucoup d'ennui en leur cœur 5. » Le Roi se plaignait « qu'aucuns aient eu le pouvoir d'imprimer au cœur des habitants qu'il ait voulu faire entrer dans Paris des soldats étrangers et douter de la fidélité des bourgeois, chose qui n'entra jamais en sa pensée. » Il avait fait son possible pour réunir à lui les catholiques et il avait même été jusqu'à leur accorder ce qui était contraire à sa dignité.

Pendant que le Roi proclamait ainsi la loyauté de sa conduite. et manifestait ses dispositions bienveillantes en un langage jugé

Mémoires de la Ligue, t. II, p. 324.

2 Revue rétrospective, t. VI, p. 52.

3 Arch. du Vatican, l. c., t. XXVII, fo 543. Monosini était le nonce.

4 M. de Hübner, Sixte-Quint, t. II, p. 197, 23 mai 1588. Le roi adressa au dac de Nevers une longue justification de sa conduite. « Je ne pensais qu'à faire cesser toutes jalousies, etc. » quand le duc de Guise arriva. « Je voulus faire rechercher des étrangers et advisai de renforcer certains corps de garde... d'abord les habitants reçurent bien la chose, puis, par induction, d'aucuns dirent que je veux établir une garnison étrangère et faire pis. »

5 Mémoires de la Ligue, t. II, p. 329, 16 mai 1588.

par beaucoup « tenir trop de la douceur et comme tendant à crainte et timidité,» le duc de Guise lui fit remettre, le 17 mai, par le capitaine Saint-Paul, une lettre hardie où il rejetait la responsabilité des événements sur ses ennemis les vrais perturbateurs du repos public 1. » Son seul rôle en cette circonstance s'était borné à se défendre et à contenir, au prix des plus grands efforts, la fureur du peuple armé pour la défense de ses privilèges.

Si le duc avait été seul en cause, il eût peut-être pu donner ainsi le change, mais avec ses lieutenants, si ardents à appeler le peuple aux armes, la justification était moins facile. Qui les avait envoyés ? Qui les avait soutenus? Qui les justifiait? Le duc n'en parla pas: il tenait à se montrer sujet fidèle, et, dans une autre lettre adressée aux villes catholiques il se félicita d'avoir gardé le respect dù au souverain 2.

Le duc de Guise inspira également le langage des nouveaux échevins de Paris, tous ligueurs exaltés, nommés pour remplacer l'ancienne municipalité royaliste. Or ceux-ci désignèrent comme les coupables le duc d'Épernon et « autres partisans du roi de Navarre. Dans leur folle ambition, disaient-ils, ces hommes avaient voulu s'emparer de la ville, sous prétexte de se défendre contre le duc de Guise, et le peuple avait élevé des barricades pour conserver ses droits, recouvrer sa liberté et sauver sa religion. Il fallait désormais réserver l'union de toutes les villes catholiques et les échevins demandaient à leurs collègues de leur envoyer des députés pour agir de concert, car « l'heure était venue ou de conserver la religion catholique, en brisant la servitude imposée par d'Épernon, ou de mourir ensemble. » Les échevins répondirent: ceux d'Abbeville entre autres remercièrent les magistrats de Paris « du bon zèle qu'ils apportaient à la religion chrétienne apostolique et romaine, au service du Roi et de l'utilité publique » car tous, disaient-ils en donnant une leçon

1 Mémoires de la Ligue, t. II, p. 331. Une traduction en italien était envoyée par le nonce à Rome. Arch. du Vatican, l. c., t. XXVIII, fo 327.

2 Mémoires de la Ligue, t. II, p. 337. Les habitants d'Amiens s'unirent le 25 juin avec les habitants de la ville de Paris « en requeste qu'ils entendent présenter à Sa Majesté, tendans à la conservation de nostre religion catholique, apostolique et romaine, le service et fidélité que nous devons à nostre roy très chrétien, le bien public et soulagement du paouvre peuple. » La Ligue à Abbeville, par Prarond, t. I, p. 368.

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