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ches inédites, a soulevé cette question, et l'a résolue dans un sens qui étonne et surprend, il y aura lieu, je le reconnais, de l'étudier, et son livre très intéressant servira justement de base à la discussion.

. Deux ou trois remarques, seulement. Dire que M. de Praslin « revint bredouille à Bruxelles, » c'est employer une expression bien triviale; le château de Saint-Valery au prince de Condé est tout simplement Valery, aujourd'hui propriété de la marquise de la Rochejaquelein; Sébastien Zamet n'etait pas venu en France avec Marie de Médicis: il y était déjà sous Henri III, etc.

H. DE L'E.

L'Europe et la Révolution française. Les mœurs politiques et les traditions, par Albert SOREL. Paris, Plon, 18-5, in-80 de 562 p.

Nous sommes bien en retard avec M. Sorel; mais son livre n'est pas de ceux qui doivent leur succès à leur actualité il peut attendre parce qu'il durera, parce qu'il s'impose à l'attention et qu'il impose la méditation. L'ouvrage, qui aura quatre volumes, est intitulé: l'Europe et la Révolu tion française ; c'est l'histoire de la Révolution dans ses rapports avec l'Europe, et le premier volume, celui qui nous occupe aujourd'hui, a pour but d'établir la genèse de la Révolution et de bien préciser la situation respective de la France et de l'Europe au moment où elle s'ouvre; c'est le prologue du drame. Aux yeux de M. Sorel, la Révolution n'est ni une explosion subite, ni un événement fatal; c'est la conséquence naturelle des faits qui l'ont précédée,

du caractère du peuple français, de la politique suivie pendant plusieurs siècles; c'est l'effet logique, mais non inévitable, de causes qu'il est possible de déterminer. Tout est surprenant, a dit Bossuet, que M. Sorel cite souvent, à qui ne regarde que les causes particulières,et néanmoins tout s'enchaîne avec une suite réglée. » En d'autres termes, ce premier volume doit « montrer dans la Révolution francaise qui apparaît aux uns comme la subversion et aux autres comme la régénération du vieux monde européen, la suite naturelle et nécessaire de l'histoire de l'Europe, et faire voir que cette révolution n'a point porté de conséquence, même la plus singulière, qui ne découle de cette histoire et ne s'explique par les précédents de l'ancien régime.

«

Reprenant en partie la thèse de Tocqueville, M. Sorel s'attache à prouver que,sur la plupart des points, extérieurement, la Révolution n'a guère innové mais a suivi les traditions du régime qu'elle détruisait, que ses agissements diplomatiques procèdent des légistes royaux, que le droit public des monarchies européennes était, comme celui de la république française, fondé sur la convoitise et la force, témoins l'envahissement de la Silésie par Frédéric II et le démembrement de la Pologne.; que la raison d'État, bien plus que la notion de la justice ou la similitude des principes, déterminait les alliances, et que le roi de Prusse, en s'alliant à la Convention, ne faisait qu'imiter Mazarin s'alliant à Cromwell. La raison d'État, c'était le grand mobile et le grand argument; seule. ment, sous Louis XIV, l'Etat c'était le Roi; sous la Révolution l'État c'est le peuple, moins éclairé mais mille

fois plus despote que le Roi, en sa qualité d'être collectif.

L'auteur rend un magnifique hommage au génie de cette grande maison royale qui, par sa politique sage et persévérante, a fait la France, ayant toujours les yeux fixés sur l'objectif des frontières naturelles, mais n'agissant qu'avec lenteur pour agir avec certitude, ne conquérant, sauf un instant sous Louis XIV, que ce qu'elle pouvait garder, et fondant en un tout unique les diverses provinces qu'elle avait acquises, si bien qu'en 1789 la France était le pays le plus unifié de toute l'Europe,ce qui le rendait aussi le pays le mieux disposé à une révolution totale, du moment que le pouvoir central, qui était la clef de voûte d el'édifice, venait à manquer. Le peuple attendait les réformes de la royauté qui avait toujours été son guide, et la royauté étant trop indécise et trop faible pour les réaliser aussi promptement qu'il l'eût voulu, il la renversa. Le peuple était d'autant plus affamé d'égalité,. d'autant plus impatient des abus, qu'il se sentait plus fort et plus prospère, comme l'a si justement remarqué Tocqueville. Et cette force,cette prospérité, il la devait au règne réparateur de Louis XVI,qui avait rétabli en Europe le prestige de la France, bien déchu sous Louis XV, refait la nouvelle marine, donné une impulsion au commerce et à l'industrie, encouragé et raffiné les arts, adouci la condition des classes inférieures, mais qui, par malheur, manqua de fermeté et de netteté de vues pour compléter à l'intérieur l'œuvre de relèvement et de réforme qu'il avait si bien accomplie à l'extérieur. « Doué de toutes les qualités qui conviennent pour populariser les dynasties dans les époques prospères,

Louis XVI ne possédait aucune de celles qu'il faut pour les fonder dans les agitations ou les restaurer dans les troubles. Louis XVI était un honnête homme et un chrétien; mais il n'était pas un roi. Il sut aimer, il sut pardonner, il sut souffrir, il sut mourir, il ne sut pas régner. »

Comment cette révolution, née en France et affectant des vues pacifi ques, devint elle, grâce au caractère français, conquérante et expansive, comment les diversÉtats de l'Europe, après l'avoir combattue, finirent-ils par l'accepter et par en mettre en pratique les principes, se faisant réformateurs sans être revolutionnaires, c'est ce que M. Sorel examine dans la seconde partie, c'est ce qu'il explique par l'histoire de l'Europe et les relations des divers États pendant le XVIIIe siècle.

· Nous n'avons pas la prétention d'analyser ce volume qui, par sa nature même, par la rigoureuse logique des déductions et l'abondance des idées et des détails, n'admet guère l'analyse ; mais nous devons signaler son intérêt et son importance; c'est incontestablement, avec l'étude magistrale de M. Taine, un des travaux les plus considérables qui,depuis Tocqueville,aient paru sur cette grande époque, si attachante et si discutée. On peut différer d'opinion avec M.Sorel, trouver par exemple qu'il fait parfois la part trop belle à la Révolution ; que, dans ses jugements, il ne tient pas assez compte des sentiments d'honneur si vivants dans l'ancienne France, des sentiments de foi si profonds encore, au moins dans le peuple et une partie notable de la bourgeoisie on peut, comme l'ont fait déjà certains critiques, contester ses principes et ne pas accepter ses conclusions: on

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sur les émigrés, et constitue une véritable page d'histoire (p. 129-335).

M. de Guilhermy, nommé par le Roi intendant de la Guadeloupe (1814), eut l'occasion, dans la période des Cent jours, de manifester la fermeté de ses sentiments royalistes ; il combattit les incertitudes du gouverneur, le vice-amiral de Linois, sans réussir à le détourner de la triste voie où s'engagèrent en France à la même époque tant d'officiers géné raux et tant de fonctionnaires. Il y a dans ces quatre chapitres (p. 335-439) un récit bien douloureux et bien instructif de cette période dans notre colonie et qui permet de juger non seulement les magistrats français mais les vues intéressées de l'Angleterre. La loyauté de l'intendant ressortit avec éclat; mais Louis XVIII préféra jeter un voile sur la conduite de l'amiral de Linois, et rappela M. de Guilhermy. Quelque temps après, il faut le reconnaître, sur des sollicitations réitérées et trop légitimes, il se ressouvint du vieux serviteur de l'exil et le nomma conseiller, puis président de chambre à la cour des comptes. C'est dans ces fonctions que mourut M. de Guilhermy,à l'âge de soixante-huit ans (11 mai 1829).

La correspondance jusqu'ici inédite du duc d'Orléans forme sans doute le principal attrait de ce volume; mais il en a d'autres, et, sans parler de documents précis sur le roi Louis XVIII, sur les luttes des comtes d'Avaray et d'Antraigues, sur l'influence du comte d'Artois, sur les souffrances des émigrés, il offre le spectacle continu et fortifiant d'une âme noble et désintéressée, d'un caractère énergique, d'une sagesse constante et sagace: c'est le héros même de ce livre.

Le colonel de Guilhermy, qui l'a

rédigé,s'est borné avec grande raison à ne donner au public que ce qu'il a trouvé dans les papiers de son père ; s'il s'y rencontre des lacunes, il n'a pas cherché à les combler. Il a mis de l'ordre, établi des liaisons, éclairé sobrement les faits particuliers par quelques renseignements d'histoire générale; rôle discret et difficile, à remplir, puisque tant d'autres, hommes d'esprit du reste, n'en ont pas eu assez pour s'y tenir. Ce ne sont donc pas là de ces mémoires où le littérateur se prélasse ou se cache, tantôt inventant, tantôt parant la vérité elle-même de faux attraits de style. Ces pages ne sont pas seulement authentiques, elles le paraissent. Enfin elles ont cet autre mérite que, tout en contribuant à éclaircir la biographie d'un homme dont le rôle a eu son importance, elles ajoutent à l'histoire générale de l'émigration des documents

veaux et sûrs.

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VICTOR PIERRE.

nou

Ve

Chute d'une république, nise, d'après les archives secrètes de la République, par M. Ed. BoNAL, chargé d'une mission dans les archives d'état du royaume d'Italie par le Ministère des affaires étrangères. Paris, Firmin Didot, 1885, gr. in-18 de Ix-410 p.

Les révolutionnaires français, bien que se proclamant républicains avec beaucoup d'emphase, ont opprimé, rançonné, et finalement anéanti les plus vieilles et les plus illustres républiques, comme si elles eussent été de simples principautés ecclésiastiques. En Italie, Gènes et Venise,en Suisse, Genève et Berne, protestantes et oligarchiques, les petits cantons ultra-démocratiques, ont subi le même sort au nom des grands

principes. Tout dans l'Europe régé nérée devait dater de 1792!

Venise a été vendue à l'Autriche, qu'il fallait, disait-on alors, chasser à tout prix de l'Italie !! Cette grande faute politique fut préméditée par le Directoire et Bonaparte, qui mirent en œuvre les procédés les plus honteux. Pour en montrer toute l'étendue, pour flétrir les moyens employés, il fallait combattre à la fois les panegyristes quand même de la révolution, et les admirateurs non moins passionnés de Bonaparte: M. Bonal a eu ce courage, si rare dans notre pays. Il a démontré, avee une grande abondance de preuves, que la destruction de l'antique république de Venise fut un acte criminel et impolitique au plus haut point.

Venise eut beau, sur la demande du Directoire, expulser Louis XVIII de Vérone, et conserver, trop obstinément pour ses intérêts, une neutralité beaucoup plus avantageuse à la France qu'à l'Autriche, la révolution ne lui en tint aucun compte. Après avoir essayé de la compromettre avec l'Autriche, après l'avoir exploitée pécuniairement et occupé une partie de son territoire, Bonaparte lui suscita des émeutes à Bergame, Brescia, Crema; et comme les révolutionnaires locaux étaient peu nombreux, il les fit soutenir ouver tement par des Polonais, par des troupes françaises, et donna amplement aux Vénitiens le droit de dénoncer la sua esecranda e turpe perfidia. Les sujets fidèles de Venise, les paysans foulés par l'armée française, coururent aux armes, bien plus nombreux que les révolutionnaires, pour échapper au joug de l'étranger; mais ils furent traités en insurgés et en rebelles! Il

fallait absolument que la république de Venise, destinée à être partagée et vendue, eût des torts très graves! Bonaparte fit fabriquer un manifeste faussement signé par Battaglia,provéditeur de Terre ferme : il ordonnait aux populations de se lever en masse, de massacrer tous les révolutionnaires sans aucun quartier, et de chasser les Français. En vain le Sénat s'empressa de le démentir : Bonaparte joua la comédie de l'indignation et imputa à Venise sa propre perfidie. Ces indignes mancuvres donnèrent lieu aux fameuses Pâques Véronaises, où le général français donna le signal du massacre en tirant à boulets rouges sur une ville occupée contre le droit.

Bonaparte, qui voulait faire la paix, signa les préliminaires de Léoben dont les articles patents assuraient implicitement à l'empereur la restitution de la Lombardie; elle aurait singulièrement offusqué les révolutionnaires; mais l'affaire devait s'arranger aux dépens d'un état neutre ! Par les articles secrets, la France gardait la Lombardie, pour en faire une république vassale, et continuer à lui extorquer des mil lions; mais la plus grande partie du territoire de la république de Venise était attribuée à l'empereur comme indemnité; une fraction était réunie à la Lombardie. Venise devait recevoir en compensation les trois légations.

A peine les préliminaires sontils signés que Venise est envahie par les Français, et son antique gouvernement remplacé par une nouvelle république qui s'engage de suite à payer en secret trois millions au Directoire, et à lui livrer la meilleure partie de sa marine. Aussi, lorsqu'on discuta les conditions de

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