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pour le ramener avec son armée. Le Directoire, et c'est un fait digne de remarque, n'a écrit que six fois à Bonaparte, et trois fois seulement ses dépêches lui sont parvenues: il n'est donc pas très surprenant que la malveillance en ait pris prétexte pour l'accuser; d'autant mieux que Bonaparte montra une activité bien plus grande pour communiquer avec lui. Mais lorsque la guerre recommença, le Directoire, qui se trouvait dans une situation très dangereuse, fit de grands efforts pour ramener en Europe un général et une armée qui lui étaient devenus si nécessaires. Il donna à l'amiral Bruix le commande. ment d'une flotte importante, avec la triple mission de battre les Anglais, de secourir Malte, et d'aborder en Egypte. Pour assurer le succès d'opérations aussi importantes, il devait d'abord entraîner avec lui la flotte espagnole, commandée par l'amiral Mazarredo, sans faire connaître au gouvernement ni à l'amiral le but véritable de l'expédition. Mais l'Es pagne se méfiait; elle ne voulait se servir de sa flotte dans la Méditerranée que pour reprendre Minorque, et ce plan ne put être mis à exécution. Le récit de cette lutte de dissimulation et de finesse entre les deux amiraux forme un chapitre très curieux. Après cet insuccès, le Directoire,sur le rapport de Talleyrand, reconnut qu'il fallait abandonner l'Egypte pour sauver Bonaparte et l'armée, et conclure une véritable capitulation avec faculté pour Bonaparte de la refuser. On essaya de négocier avec la Turquie par l'inter médiaire de l'Espagne. La nouvelle de la défaite des Turcs à Aboukir rassura le Directoire, qui prit le parti de confier à Bonaparte des pouvoirs illimités pour traiter avec la Turquie;

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Les frères Trois Points Orga. nisation, grades et secrets des francs maçons. Statuts in extenso de la maconnerie en France. Principales cérémonies mystėrieuses des loges et arrières-loges, par LEO TAXIL Paris, Letouzey et Ané, 1885, 2 vol. in-12 de Iv-424 et 458 p.

M. Léo Taxil, revenu aux senti. timents chrétiens de son enfance, a voulu, pour réparer le mal qu'ont fait ses écrits anti-religieux, montrer ce qu'est la franc-maçonnerie et publier sur elle des révélations complètes. Comme le demandait S. S. Léon XIII dans son Encyclique Humanum genus, l'auteur arrache à la franc-maçonnerie le masque dont elle se couvre, et la montre telle qu'elle est ; il fait connaitre les arti fices employés par cette secte pour séduire les hommes et les attirer, la perversité des doctrines, le com plet ridicule des initiations. M. Léo Taxil procède pièces en main. Il donne sur l'organisation de la francmaçonnerie des détails complets : il publie ses statuts, ses règlements généraux, il décrit ses cérémonies mystérieuses, grotesques, auxquelles M. Léo Taxil fut soumis comme tous les affiliés. Le masque surtout 'qu'il lui arrache, c'est celui du prétendu exercice de la bienfaisance. Cet exercice n'existe qu'en théorie: l'argent demandé à cette intention sert à un autre but. « Je puis affirmer,

dit-il, que je n'ai jamais vu pratiquer la bienfaisance dans les loges. » Le point principal de la doctrine est la séparation entre << la religion des ignorants, qui ne peut être la même que celle des savants, dont le prin cipe est la tolérance, l'amour de l'humanité et le respect de soi-même. Les ignorants, ennemis du progrès, troublent et démoralisent la société... Le fanatisme est un culte insensé... il faut combattre le fanatisme religieux, s'affranchir des préjugés. » A la place du mot ignorants, mettez, ce qui est dans la pensée, les catholiques, et à la place du mot fanatisme, mettez religion catholique, vous aurez toute l'explication désirable. M. Léo Taxil donne les noms et les adresses des chefs des Loges, le nom de l'auteur des catéchismes d'apprenti, de compagnon, qui n'est autre que le chef de la police municipale de Paris, et les mots de passe dans les quatre-vingt-dix degrés. Rien n'est plus curieux que ces révélations tout est dit avec précision, présenté avec esprit, et le succès qu'obtient cet ouvrage s'explique aisément par l'intérêt du sujet et le nom de l'auteur.

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raît le troisième, consacré à la Condition des biens. Tous ceux, et ils sont de plus en plus nombreux, qui s'occupent de l'histoire de notre droit, qui comprennent l'importance de remonter aux origines de nos institutions civiles et administratives, attendront avec impatience la publication du quatrièine volume, où seront traités les contrats, sans parler d'un cinquième et dernier où l'auteur doit étudier les lois civiles de la période intermédiaire, c'est-à-dire la législation de la Révolution.

Quand son œuvre sera terminée, M. Beaune aura élevé un véritable monument à notre ancien droit. Son travail n'a en effet que de rares points de contact avec les ouvrages déjà parus sur l'histoire juridique de la France, et ne fait pas double emploi avec eux. Il s'attache à décrire une à une toutes nos anciennes institutions civiles, particulières aux pays coutumiers, et s'il se rencontre souvent avec d'autres écrivains qui ont traité les mêmes sujets, il a adopté un plan particulier qui lui est personnel : il suit de fort près l'ordre du Code civil, en séparant les matières qu'il analyse successivement. Son étude peut donc se combiner utilement avec celles qui l'ont précédée.

Dans son troisième volume, M. Beaune examine l'état de la propriété en France sous l'empire des coutumes, avant de traiter de la condition des biens dans la famille. Son

plan est clair et complet. Les questions sont méthodiquement classées à leur place. Certes le sujet était complexe. Dégager le véritable esprit des coutumes, ramener à l'unité ces rédactions si variées dans le détail, étreindre la matière et lui être supérieur, cela est bien difficile. Les plus vaillants peuvent s'en effrayer.

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M. Beaune n'a pu éprouver de la crainte que par modestie, car il est manifeste qu'il a vu son sujet de haut, qu'il en a bien saisi la perspective et en a bien marqué les lignes principales. Toutes les parties de son travail sont bien pondérées. Pas de dissertations oiseuses. Chaque matière est traitée suivant son importance réelle. Impossible d'être mieux ordonné ni plus clair. Le style a toujours cette simplicité élégante qui ajoute au plaisir d'apprendre.

La première partie du volume est consacrée à la propriété. L'auteur étudie successivement les immeubles, les meubles et les cateux, puis le domaine royal, domaine public et domaine privé, l'administration des terres et des revenus fiscaux, ce qui nous vaut un bon résumé de l'orga nisation financière sous l'ancien régime. Puis il passe aux communautés civiles et religieuses, aux biens des villes et villages et aux biens ecclésiastiques.

Après avoir parcouru les sources de la propriété, l'occupation, l'accession, la tradition, la possession, la prescription, il étudie les divers démembrements de la propriété, l'usufruit, les servitudes, l'usage, le fief, la censive, la justice, etc. Au sujet de cette dernière, l'examen des justices seigneuriales est pour lui l'occasion de donner un traité en raccourci de la police locale.

Dans quelques, pages remarquables par la hauteur des vues et la sereine impartialité des jugements, il se demande quelles ont été les causes de la chute de la propriété féodale en 1789. Il ne croit pas tout à fait avec M. Taine que la Révolution ait été une transmission de la pro priété, mais il y voit simplement une libération de cette propriété, une

suppression gratuite et à quelques points de vue injuste des redevances pécuniaires dues aux seigneurs fonciers. M. Beaune s'est posé la question souvent agitée : la Révolution économique était-elle nécessaire et inévitable? Il paraît que le rachat pur et simple des droits féodaux établis par contrat aurait suffi. C'était le moyen proposé par Boncerf dans le fameux livre que le Parlement condamna, malgré l'approbation de Turgot et de ses amis, et l'opinion publique partageait d'ailleurs à cet égard les idées de Boncerf.

L'étude des biens dans la famille, objet de la seconde partie, nous fait connaître le régime des successions et des partages, le retrait lignager, l'institution contractuelle, la communauté conjugale, le douaire, le droit de dévolution, les secondes noces, les testaments et codicilles, les substitutions, la légitime et la réserve coutumière. Ce chemin immense est parcouru sans fatigue, tellement la science de l'auteur nous est communiquée avec netteté et souplesse. Dans une intéressante conclusion, M. Beaune montre toute la valeur sociale de la coutume, qui eut le grand mérite de donner à l'homme une double racine dans la famille et la propriété, » et par là d'assurer la paix entre les classes pendant de longs siècles

S. G.

Histoire des avocats au Parlement de Paris (1300-1600), par R. DELACHENAL ancien élève de l'Ecole des chartes. Paris, Plon, 1885, in-8° de xxvш-476 p.

Il est rare que nous ayons à signaler, dans le domaine de l'erudition, un ouvrage aussi consciencieux et

aussi interessant que le livre presente naguère par M.Delac benal, comme thèse, & Ecole des chartes. L'auteur en a tire, ou peu s'en faut, torte la substance des registres originaux du Parlement, dont je n'irais pas josqu'à cire que personne ne les avait entore serieusement consultes, mais qui assurement rebatent par lear Lombre et leurs dimensions beaucoup de travailleurs. Sans doute, pour se guiderà travers de dedale.on possède, grâce à Lenain, un fil conducteur: mais combien peu savent s'en servir! M. Delachenal est de ce petit nombre. Après trente pages d'introduction, dans lesquelles il resume ce que l'on sait des avocats antérieurement au xive siècle.il renonce très sagement à suivre l'ordre chronologique.comme il convient quand on s'attache à l'histoire d'une institution. et tour à tour il passe en revue, pour toute la periode comprise entre les années qu'il s'est fixées comme termes de son étude, l'inscription au rôle, le stage, l'organisation en confrerie, les fonctions successives, la plaidoirie, les obligations, les privilèges, les procédés d'éloquence, les honoraires. jusqu'au costume des avocats au Parlement de Paris. Chacun de ces chapitres fournit nombre de détails curieux, qu'il importait de révéler ou de rappeler; nul ne pouvait y réussir mieux qu'un auteur aussi versé dans la connaissance de la langue du droit et de l'ancienne procédure française.

Les avocats généraux au Parlement de Paris n'ayant été à l'origine que des avocats pensionnés temporairement par le Roi, M. Delachenal s'est vu entraîné à résumer en quelques pages l'histoire du ministère public. Il a cru devoir également

tenter une courte excursion dans le domaine de la littérature pour indi. T. XXXIX, 1er AVRIL 1886.

quer quelques uns des traits lances contre les avocats par les prodicatears et les poètes: deux chapitres auxquels il serait facile d'ajouter des developpements nouvèsux,

Le xrve siècle est l'epoque sur laquelle notre auteur insiste particulièrement. Parmi ses pièces justificatives.une quinzaine se rapportent à ces temps primitifs de l'ordre des avocats ; à ce siècle appartiennent aussi les dix-neuf avocats du Roi dont il fournit la liste en appendice, ainsi que les ent soixante-huit svocats au Parlement sur lesquels il a rassemble des détails biographiques.

La critique la plus exigeante ne saurait reprendre dans ce volume que quelques repétitions, quelques citations défectueuses, le nom de l'abbe Lebeuf, par exemple, écrit comme celui du maréchal, l'un des prénoms de l'historien JacquesAuguste de Thou inexactement reproduit, la série M des Archives nationales citée deux fois (p.367 et 368) comme faisant partie de la Section administrative. Je regretterais plus, pour ma part, la precip tation avec laquelle semble avoir éte dressé l'Index alphabétique: on y chercherait vainement un grand nombre des noms qui figurent dans le volume, particulièrement dans les notes Il semble que l'auteur ait fait un choix: mais ce choix est arbitraire; pourquoi, par exemple, ecarter des noms d'avocats au Parle

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François Miron et l'administration municipale de Paris sous Henri IV, de 1604 à 1606, par A. MIRON DE L'ESPINAY, Paris, Plon, 1885, gr. in-8 de III437 p.

Ce livre est fort éloigné de la perfection; c'est cependant un bon livre et un livre qui servira. La méthode de l'auteur est défectueuse en plus d'un point s'il puise le plus souvent aux bonnes sources, on s'étonne de le voir aussi recourir à d'autres dont le peu de valeur diminue l'autorité de son œuvre. De même, il lui arrive de joindre à son récit des événements qui y sont et devraient y rester étrangers: quel rapport par exemple la catastrophe de la rue François Miron, contée par le Figaro du 7 novembre 1882, peut-elle bien avoir avec la grave histoire de François Miron? C'est pourtant par ce trait que M.Miron de L'Espinay a jugé bon de terminer sa biographie.

Ces taches, venues de l'inexpérience de l'auteur, ne se reproduiront pas, nous aimons à le croire, dans l'his. toire de l'autre Miron, que M. Miron de L'Espinay veut bien nous promettre et que nous attendons avec curiosité.

L'auteur est généralement exact. Il paraît cependant avoir confondu (page 34) les papes Sixte-Quint, Grégoire XIV et Clément VIII.

La vie de François Miron est une belle vie qui valait d'être contée. La plus intéressante période en est à coup sûr le temps qu'il administra Paris comme prévôt des marchands. Auparavant, il avait été lieutenant civil. Le détail de ces magistratures est bien présenté par M. Miron de L'Espinay et plein d'informations neuves, fort utiles pour l'histoire de Paris. G. DE.B. D'A.

Histoire des enfants aban. donnés et délaissés. Etudes sur la protection de l'enfance aux diverses époques de la civilisation, par Leon LALLEMAND. Paris, Picard et Guillaumin, 1885, in-8 de VII-791 pages. (Ouvrage couronné par l'Académie des sciences morales et politiques.)

Cet ouvrage est à la fois l'oeuvre d'un économiste et d'un historien. L'économiste cherche la solution des problèmes contemporains de la misère, mais sa préoccupation est de s'inspirer des leçons que présente l'histoire, et c'est à ce dernier titre que nous devons surtout en parler ici.

Un aperçu rapide sur les idées dont les enfants étaient l'objet dans l'antiquité ouvre le livre, résumant les dernières découvertes de l'archéologie. Il s'étend naturellement sur l'ancienne organisation qu'avait la famille chez les peuples orientaux spécialement chez les Egyptiens. La civilisation grecque et la romaine

sont ensuite étudiées avec un soin minutieux, et l'on voit que l'auteur a recherché avec scrupule les documents divers que les auteurs anciens ont laissé dans leurs écrits. Cette méthode oblige parfois l'écrivain å s'arrêter sur des détails de moindre importance. La netteté des lignes maitresses de son livre s'en trouve peut-être un peu affaiblie par suite de l'abondance même des renseignements qui, multipliés sur divers points, restent encore incomplets sur d'autres. Au moins l'auteur a-t-il le mérite d'une scrupuleuse exactitude: il cite avec un soin extrême tous ses textes, et appuie par des renvois ses citations.

Un des meilleurs morceaux nous paraît être celui de toute la période des empereurs Romains et de la lutte

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