entre le christianisme et l'ancienne civilisation païenne. L'influence de la doctrine chrétienne est bien établie, et la transformation des sociétés anciennes bien décrite. Les documents, il est vrai, abondent ici, mais ils sont bien mis en œuvre et avec netteté. C'est ainsi que l'auteur arrive à l'histoire des enfants en France. Le premier chapitre, concernant la période du xe siècle jusqu'à la fondation des hôpitaux, c'est-à-dire jusqu'à la fin du xvIe siècle parait un peu écourté. Certains travaux de savants archéologues ne sont-ils pas restés inconnus à l'auteur, qui n'eût pas manqué, avec la sagacité qu'il témoigne partout, de mettre à profit leurs recherches et les documents qu'ils exhumaient du fond des archives? Et bien, que comme il le dit, « les chroniques en parlant de dévouement des ordres religieux envers les pauvres et les malades, ne distinguent pas entre les enfants et les adultes, et ne peuvent ainsi jeter aucune lueur sur ce que fit alors l'Eglise pour la sauvegarde de ces petits,» peut-être cependant certains renseignements encore épars auraient-ils pu être rapprochés, mis au jour qu'ils sont un peu au hasard des publications savantes de chaque province. La tâche sur ce point était ardue et difficile, mais était-elle impossible? L'étude historique par excellence du livre de M. Lallemand est la monographie détaillée de la Maison de la couche au Parvis N. D. à Paris. Ecrite à l'aide de documents inédits, elle présente un ensemble plein d'intérêt, où l'on suit pendant plus de deux siècles les efforts et les succès des âmes charitables qui se sont dévouées à cette belle œuvre. Dans les chapitres suivants sont énumérées les autres entreprises de secours de l'enfance abandonnée pendant le XVIIIe siècle, comme aussi de nos jours. L'ouvrage même se développe ici et prend surtout son caractère d'économie législative. C'est en effet à ce point de vue spécial que sont écrits les chapitres suivants où les institutions charitables de la plupart des états de l'Europe et même du reste de l'univers sont résumées et décrites. Ce livre est donc com plet; il méritait la récompense que l'Académie des sciences morales et politiques lui a accordée en le cou ronnant. G. DE S. Histoire de Marie Stuart, par M. MIGNET Sixième édition. Paris, Emile Perrin, 1885, 2 vol. in-12 de 452 et 446 p. C'est en 1851 que M. Mignet publia son Histoire de Marie Stuart. Nous lisons dans l'avant-propos, re produit en tête de la sixième édition. « En racontant,après tant d'autres, cette touchante et tragique histoire, j'essayerai d'en présenter les évé nements dans toute leur réalité, sans laisser d'incertitude sur leurs vraies causes. Aux documents employés ou découverts récemment, j'en ajouterai qui sont demeurés inconnus jusqu'à ce jour. Aidé de notions plus complètes, je porterai peut-être une lumière nouvelle sur ce sujet resté obscur en quelques points. Dégagé de toute prévention, je ne serai ni l'apologiste ni le détracteur de cette reine séduisante qui a passionné jusqu'à la postérité. Je ne jugerai pas Marie Stuart en catholique ou en protestant; comme un écossais ou comme un anglais. Je rechercherai, avec la tranquille équité de l'histoire, ce qu'il y a eu de fatal ou de mérité dans ses infortunes, en faisant la part de sa situation et de sa conduite, sans indulgence et sans dureté. > M. Mignet, s'il yivait encore, aurait-il donné, sans aucun changement, cette nouvelle édition de son ouvrage La tranquille équité de l'histoire ne le lui aurait pas permis. Depuis l'apparition des premières éditions de l'Histoire de Marie Stuart, le sujet a été renou. velé par la publication d'une foule de documents, par les travaux de MM. Wiesener et Jules Gauthier en France, de MM. J. Hosack, Meline des RR.. PP. Morris, Stevenson et de bien d'autres en Angleterre, sans parler des ouvrages publiés en Allemagne. Nous regrettons donc vivement, pour le respect de la vérité historique aussi bien que pour la mémoire de M. Mignet, qu'on nous livre aujourd'hui, sans touche, sans aucune réserve, une ceuvre qui n'est plus au courant de la science et dont les conclusions ne sauraient être admises par l'histoire. G. DE B. aucune re L'effusion du sang des hommes et le droit de guerre ; offert à S. S. Léon XIII, par M.Robert MONTEITH, maître ès arts de l'Université de Cambridge, commandeur de l'ordre de Malte,camérier de cape et d'épée, etc.; et honoré d'une lettre de S. E. le cardinal Jacobini, écrite au nom de Sa Sainteté. Paris, E. Dentu, in-8° de VI-169 p. Ceci n'est point un livre d'histoire, dans le sens ordinaire; mais l'érudition y a sa part; elle en fait le fond, elle en est comme le tissu. Au témoignage de M. L. Selosse, professeur de droit international aux facultés catholiques de Lille, ce travail est rempli d'idées généreuses. il met en pleine lumière, avec lẹ secours d'une érudition de bon aloi, les principes oubliés ou dédaignés du droit des gens en matière de guerre. C'est à ce point de vue que nous l'envisagerons,le considérant comme une mise en œuvre des sciences historiques au profit du droit. Il débute par un fait peu connu d'histoire contemporaine. Le concile du Vatican allait s'occuper de la grave question du droit des gens et de la guerre, lorsqu'il fut interrompu par le canon. Le patriarche Hassoun, avec dix évêques de l'Orient, ce théâtre fréquent et cette cause innocente des conflits sanglants de l'Europe en ce siècle, avait d'abord présenté un Postulatum visant cet objet; puis un schema portant le titre d'un livre du droit canonique, de Re Militari et Bello, avait été distribué avec l'agrément de Pie IX par le cardinal Franchi, et reçu l'adhésion de tous les archevêques du concile, à l'exception d'un ou deux. M. Monteith était alors à Rome ; de plus, il avait passé vingt ans de sa vie, avec David Urquhard, son ami, à attirer l'attention des esprits d'élite de notre temps sur le côté moral et diplomatique de la question. Après ces préliminaires, il entre en matière en remontant aux origines, et trouve les principes du droit des gens lumineusement enseignés dans la Genèse, et mis en pratique, d'abord par Abraham, dont il fait ressortir le caractère chevaleresque lors de la guerre soutenue contre les cinq rois, puis par le peuple hébreu dans le cours de son histoire. I insiste sur cette particularité que le peuple juif, malgré sa législation qui le séquestrait en quelque manière de la masse des Gentils, ne cessa pas de les traiter en hommes protégés par la loi naturelle et divine, particulièrement en matière de traités et de guerre. M. Monteith donne ensuite la doctrine dans les temps apostoliques, l'âge des persécutions, mentionne en passant le fait de saint Maurice et de sa légion, la chevalerie, et cite les saints canons. Au reste, pour donner une idée du plan, il suffit de transcrire les titres des chapitres: - Le rappel de la loi naturelle.divine et canonique sur l'effusion du sang; La raison, les lois humaines et les institutions des nations païennes sur le même sujet. Il y a là, avec un résumé du droit fécial des Romains, fait avec les textes qui nous en ont été conservés, une large perspective ouverte sur ce côté de l'histoire romaine, laissé dans l'ombre ou même défigu ré dans les plus savants historiens modernes. Nous indiquons, après M. Monteith, les deux filons de cette mine à ceux qui voudraient l'exploi ter le droit fécial était une institution de premier ordre, et d'une per fection qui surpasse toutes les conceptions de ce siècle; la corruption romaine marcha de pair avec l'altération du droit fécial. Les principes établis, l'auteur vient à l'application: il aborde l'examen du devoir des hommes privés, des citoyens, des sujets, et traite de l'obéissance due aux pouvoirs hu mains. Nous ne pouvons le suivre dans le développement de ces thèses. C'est toujours l'histoire du droit, appuyée sur les plus hautes données de la philosophie et de la théologie, aussi la découverte, nous allions dire l'exhumation d'un court traité de saint Bernard sur l'obéissance, qui est un petit chef-d'œuvre, analysé sur textes avec une verve pleine d'humour. Une autre exhumation est celle du sentiment du même saint Bernard sur la guerre, extrait du livre de la règle qu'il donna aux Tem. pliers, et écrit à l'époque où il prê cha la deuxième croisade. Ceux qui regardent encore ces expéditions comme de simples entrainements seront fort surpris des principes professés par saint Bernard en matière de guerre. En lisant ces curiosités et cent autres, dont le livre de M. Monteith est rempli, on se demande si nous ne ferions pas aussi bien, nous qui recherchons partout les vieux manuscrits pour instruire nos contemporains, d'aller extraire des documents historiques dans les in-folio des hommes de génie, que le public ne songe pas plus à lire qu'à déchif. . frer les vieilles chartes. Réveiller les consciences, telle a été la première préoccupation de M. Monteith; et la seconde d'utiliser ce réveil. Dans ce but, il démontre, en concluant, la nécessité des formes de la justice requises pour la déclaration de guerre. Après en avoir perdu la vraie notion, on en est venu à faire la guerre sans la déclarer, c'est-à-dire en assassins, et l'on ne rougit pas de le dire hautement. En traitant ce point, M. Monteith met sans cesse en parallèle, ou plutôt en opposition, comme il fait du reste dans tout son écrit, les agissements des gouvernements contem. porains avec les principes et les usages d'autrefois. S'il reste des doutes à quelqu'un sur l'inanité des gouvernements parlementaires, ils s'évanouiront à la lecture des docu ments révélateurs accumulés dans le petit chapitre intitulé: Le Cabinet (anglais). Sans doute, le livre est court; ce n'est même qu'une torte brochure; et plusieurs de ses parties pourraient être plus développées. Mais il ouvre la voie; et, tel qu'il est, c'est une œuvre magistrale.Cette appréciation est du R. P. Belon, professeur de théologie dogmatique aux Facultés de Lyon. Car le Discours sur l'effusion du sang et le droit de guerre, avant d'être publié, a été soumis aux hommes les plus compétents, au nombre de plus de vingt, publicistes, hommes d'Etat, théologiens, profes. seurs, diplomates, parmi lesquels nous nommerons M. Lucien Brun, lord Stanley of Alderley, MM. Claudio Jannet, Selosse, Van Doren, Richard Congrève (chef d'école positiviste), etc. Leurs adhésions moti. vées, écrites au point de vue de chacun, ne sont pas la partie la moins intéressante du livre,et restent autant de confirmatur des thèses qu'il expose. LE BLANC. Fénelon à Cambrai, d'après sa correspondance (1699-1715), par Emmanuel DE BROGLIE. Paris, Plon et Nourrit, 1884, in-8 de x1 450 p. Nous regrettons d'arriver si tard, par suite de faits indépendants de notre volonté, pour rendre compte du beau livre de M. Eminanuel de Broglie. Nous n'avons plus à présent qu'à constater son succès. Chacun se rappelle dans quels termes M. Vacherot en a parlé à l'Institut, et l'on sait que l'Académie française lui a décerné le prix Bordin. « Ecrit dans une langue excellente, qui est un héritage de famille, ce livre, a dit le secrétaire perpétuel, réunit au plus haut degré des qualités qui se complètent quand par bonheur elles se rencontrent le fond et la forme, la force et la grâce, le dessin et le coloris, Ceci est si juste que nous prenons plaisir à le citer. Et quel plus bel éloge pourrions-nous faire de l'œuvre de M. Emmanuel de Broglie, que de dire qu'elle est digne du nom que porte son auteur ? M. E. de Broglie nous a montré l'admirable supériorité d'esprit de Fénelon dans sa disgrâce, et toutes ses vertus ce livre lu, on garde de l'archevêque de Cambrai une idée plus grande encore et plus douce que celle que l'on pouvait se faire auparavant de sa personne. Des critiques ont trouvé que Bossuet y était sacrifié à Fénelon; nous n'y avons rencontré, pour notre part, aucun mot qui atteigne la haute mémoire de l'évêque de Meaux. Il est vrai que le nom de Bossuet n'apparaît guère dans les pages du livre. et ce silence est peut-être à lui seul un signe des préférences intimes de l'auteur. Nous eussions aimé que M. E. de Broglie prît soin d'établir que la gloire de l'un des grands rivaux n'a pas à souffrir de la gloire de l'autre, et que leurs luttes les ont laissés également intacts ; de cette façon, il se fût épargné des critiques assez vives de la part des fervents admirateurs de Bossuet. G. DE B. D'A. Vie de Mgr Paulinier, évêque de Grenoble, archevêque de Be sançon, par Mgr BESSON, évêque de Nimes, Uzès et Alais. Paris, Retaux-Bray, 1885, in-80 de viI416 p. Mgr Besson continue dans cet ouvrage la série de biographies épisco. pales inaugurée il y a trente ans par la vie de Mgr Cart. Après avoir peint, étant simple prètre, le prélat auquel il devait succéder, il s'arrête aujourd'hui devant un pontife qu'il a pour ainsi dire croisé sur sa route, et qui venait à Besançon en même temps que lui à Nîmes, pour y travailler comme lui, avec la double autorité du talent et de la fonction, au salut des âmes. Professeur pendant neuf ans, pendant neuf autres années prédicateur et missionnaire dans les principales chaires du Midi, pendant quinze ans curé de paroisse à Montpellier, évêque de Grenoble en 1870, archevêque de Besançon en 1875, Mgr Paulinier a parcouru toutes les etapes et en quelque sorte épuisé les diverses formes de la vie du prêtre dans ses rapports avec le monde. A Besançon, durant les dernières années de sa vie trop tôt interrompue, il a déployé un zèle et une charité auxquels rien n'était étranger, une fermeté prudente dans ses rapports avec les pouvoirs publics, une courtoisie dans ses relations privées qui achevait de lui gagner les cœurs. C'était de plus un orateur insinuant, un lettré délicat, et le souvenir de ses talents comme de ses vertus lui servait dans ses mandements, ses allocutions, ses lettres intimes. Mgr l'évêque de Nîmes a mis habilement et abondamment à profit ces divers documents pour faire revivre la figure de Mgr Paulinier. Son livre continue et complète celui qu'il avait publié il y a trois ans sur le cardinal Matthieu (V. t. XXXII, p. 348). Ajoutons que cette série doit se continuer par les vies du cardinal de Bonnechose et de Mgr de Mérode,, celles-ci riches en renseignements curieux sur les relations de l'Etat et de l'Eglise depuis 1830, et sur les dernières années du pouvoir temporel du Saint Siège. L. P. Histoire du Cardinal Pie, évéque de Poitiers, par Mgr BAUNARD, prélat de la maison de Sa Sainteté, supérieur du collège Saint-Joseph, professeur aux Facultés catholi ques de Lille. Poitiers et Paris, Oudin 1886, 2 vol. in-80 de xv-682 et 729 p. Dans le clergé de France de notre temps, personne n'a joué, au point de vue ecclésiastique, un rôle aussi important que Mgr Pie, cardinal évêque de Poitiers. D'autres ont pu briller avec plus d'éclat dans la sphère de la politique, mais dans l'Eglise aucun n'aura exercé une influence pareille à la sienne. En sa personne, on peut le dire, se résume l'histoire de l'Église de France depuis 1850. Aussi, tous les hommes qui s'intéressent aux questions sociales et religieuses de notre siècle attendaientils avec impatience cette monographie, dans laquelle devaient être condensés tant de faits contemporains aussi graves qu'instructifs. Mgr Baunard, qui a été choisi pour accomplir cette œuvre, s'en est acquitté avec le talent supérieur que tout le monde lui reconnaît, et qui lui a valu, pour ses travaux antérieurs, un si légitime succès. L'auteur a parfaitement compris le caractère et le rôle de son héros, et, dans sa Préface, il le peint avec des traits d'une frappante ressem blance, que les deux volumes ne font que développer: « La grande œuvre qu'il accomplit, dit-il, fut, pour sa très large part, ce travail de concentration des choses catholiques autour du Saint-Siège, qui est certainement le fait prédominant de l'histoire contemporaine, comme il en restera le fait le plus salutaire dans son résultat, puisqu'il aura abouti à rendre inexpugnable le |