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de ne point donner en même temps et partout le pouvoir aux Princes Lorrains, dit alors au nonce : « Si Mgr de Guise va en Guienne, il serait convenable de garder le duc de Mayenne près du Roi» et elle proposa de le remplacer en Dauphiné par Mgr de Nevers. Puis laissant, elle aussi, percer son ressentiment, Catherine trouva très étrange l'obstination des princes lorrains à n'accorder à son fils aucune satisfaction 2.

Ainsi, lorsque, avec beaucoup d'instance, elle avait réclamé le changement du nouveau Prévôt des marchands, nommé à Paris contrairement à toutes les coutumes de la ville, lorsque, prête à ratifier la destitution de l'ancien, elle avait proposé de faire exercer sa charge selon l'habitude jusqu'au mois d'août par le premier des échevins 3, il avait été impossible de faire consentir M. de Guise à cette proposition si simple. Villeroy dit la même chose au nonce, et lui parla de son pèu d'espoir de réussir, car on ne pouvait rien arracher aux Ligueurs ; au contraire ils armaient toujours et toujours rassemblaient de nouvelles troupes. Paris était sans cesse agité, en on y chansonnait le duc d'Épernon.

Cependant le duc de Lorraine avait envoyé à Paris Mgr de Lenoncourt, exprimer au Roi sa résolution de s'employer auprès des autres Messieurs » de la Ligue; pour les amener à un accord dont leurs paroles semblaient exprimer le désir tandis que leurs actes témoignaient le contraire..

1 & Era honesto. >>

2

« Le pare molto stramo che stiano tanto duri. »

3 Ce Prévôt arrêté, puis mis en liberté, fut reconduit à la Bastille parce que beaucoup menaçaient de le massacrer comme un politique. On coupa sous le même prétexte, sans aucune forme de procès, les têtes à trois personnes dont les corps furent jetés dans le fleuve.

Egli sperava poco bene, perche non era possibile cavare di bocca a questi signori quello che vogliano, o quello che.pretendano. »

Arch. du Vatican, l. c., t. XXVII, fo 106.

6 Fra tanto qui sono stati stampati tante decine contra di lui che la ser. Regina è stata sforzata à prohibirle, et massime perche non dicevano mai male di lui, che non intoccassero molte altre et tal volta l'istessa persona del Re, con tutto cio si vendono nascostamente et ogni di esci qualche cosa di nuovo; onde cosi per nonoffendere l'orecchie di V. S. Illma come per non caricare ogni volta i corrieri con quest'historie impertinenti, ho giudicato bene de non mandarle a Roma, et massime essendo tutte in lingua francese.» Arch. du Vatican,. l. c., t. XXVIII, le 17 juin, fo 462.

D'Epernon répondit par une apologie aux attaques de la Ligue. Histoire de d'Epernon, p. 79.

V

Le 26 mai Sixte Quint envoya à Henri III une lettre autographe pour lui exprimer sa très vive peine des malheureux événements de Paris, et lui offrir son intervention. Cette lettre, comme le disait le nonce, venait donc démontrer l'erreur, si ce n'est la mauvaise foi, de ceux qui, même après les précédentes déclarations, osaient mettre en doute la sincérité des bonnes dispoșitions du Pape envers le Roi : « Avez-vous lu la lettre? demanda Catherine en interpellant Villeroy, qui se trouvait dans son cabinet au moment où le légat lui en parla. — Oui, répondit le secrétaire, et je l'ai envoyée au Roi, mais l'expression en est trop modérée. - Avez vous reçu du Pape l'ordre de protester en son nom contre les Ligueurs? demanda le secrétaire d'état. Non, répliqua Morosini, car on n'a pu répondre le 26 mai à la lettre du Roi qui avait dû arriver seulement à Rome le 28.D'ailleurs le Pape est en ce moment à Civita Vecchia, et, avant d'écrire, Sixte Quint évidemment aura voulu connaître l'avis des cardinaux de Joyeuse et de Gondi, celui de l'ambassadeur Pisany. » Villeroy se calma, mais exprima encore le désir très vif du Roi et de la Reine mère d'obtenir du Pape un ordre aux usurpateurs de restituer ce dont ils s'étaient emparés ; il alla jusqu'à dire : « Je crois véritablement que Sa Sainteté n'aperçoit pas l'importance de cet événement et ses conséquences pour les intérêts de toute la chrétienté. »

Sixte Quint les apercevait au contraire parfaitement, et la nouvelle des événements de Paris « lui avait fait perdre appétit et sommeil ; mais l'expédition contre l'Angleterre le préoccupait et il craignait de lui nuire en négociant avec le roi d'Espagne, le roi de France et les princes catholiques, une alliance plus étroite. Néanmoins Morosini fut d'avis de marcher immédiatement en avant, car un tel traité devait enlever aux Guise l'appui de l'Espagne et par conséquent forcer ces princes à s'unir au Roi. Si l'on différait d'agir, il prévoyait de grandes difficultés.

Pendant les conférences tenues à Soissons au mois d'avril Bellièvre avait déjà demandé au duc de Guise s'il existait un traité entre lui et l'Espagne; le duc, en restant dans les généra

lités, avait parlé de son amitié pour Sa Majesté catholique, et soutenu qu'une alliance, uniquement formée pour s'opposer aux hérétiques et au Béarnais, ne pouvait inquiéter le Roi.

Le duc de Guise avait été dans son droit en faisant cette réponse; mais pourquoi demander immédiatement à Mendoza 1 s'il l'approuvait, et dans le cas où elle ne lui paraîtrait pas conforme aux intérêts de Philippe II, de lui indiquer sa ligne de conduite? Mendoza était satisfait. Selon lui, le duc avait parfaitement défini le but et le caractère du traité; s'il avait été plus explicite le Roi l'aurait peut-être obligé à le rompre. Le duc de Guise était sans doute résolu à tout briser plutôt que d'y renoncer; mais il ne fallait pas briser, c'était le conseil de Mendoza, car une guerre avec tous ses hasards eût été trop préjudiciable aux intérêts communs; il ne fallait pas non plus presser la conclusion de l'accord avec le Roi, et le duc de Guise se conforma admirablement aux réticences calculées de l'ambassadeur espagnol. Aussi, lorsque Villeroy parla des articles particuliers à lui soumettre, le duc répartit: « Ces affaires ne sont pas les. miennes, ce sont celles de la Ligue et par conséquent je n'écouterai rien qui ne puisse être entendu de tous. » Villeroy insista, mais vainement. Catherine elle-même ne put l'entretenir en secret et Mendoza écrivit à Philippe II: « A la grande joie des catholiques, le duc s'est montré inébranlable 2. »

Cependant il fallait résoudre les difficultés, et les exigences des princes lorrains en présentaient de sérieuses. Le nonce alla voir l'archevêque de Lyon pour lui demander si les Ligueurs ne pourraient pas diminuer leurs prétentions. Il y aurait un moyen de tout accommoder, lui dit-il, ce serait de reconnaitre le Roi pour chef de la Ligue. L'archevêque vit une difficulté à cette combinaison, car la Ligue devant principalement donner aux catholiques l'assurance de ne point tomber sous la, domination des hérétiques, se trouverait sans chef, précisément à l'époque où elle aurait le plus besoin d'en avoir un, c'est-à-dire à la mort du Roi. « Il en pourrait être de même à la mort du duc de Guise, si le duc en était le chef, » objecta faiblement le nonce, et il ne laissa pas ignorer à l'archevêque le très vif déplaisir éprouvé par le Pape à la nouvelle des événements de Paris 3.

IM. de Croze, l. c., t, II, p. 345. Lettre de Mendoza à Philippe II, 26 juin 1588.

2 Ib. p. 347.

3 Arch. du Vatican, 7. c., t. XXVII, fo 108. Lettre du 17 juin.

Le duc de Guise, nous l'avons dit, avait modéré son premier élan; aussi, lorsque le nonce lui reparla de son départ pour la Guienne le duc s'écria: « C'est un prétexte imaginé par le Roi « pour m'éloigner de cent cinquante lieues et pendant ce temps « maltraiter les catholiques dévoués à ma cause. Vous vous « trompez, répliqua Morosini, qui revendiqua pour lui l'initia«tive de ce projet. Le Roi et les membres du Conseil en sont «si peu les inventeurs, qu'ils n'ont pas même voulu m'écouter « lorsque je leur en parlai pour la première fois, et j'ai eu beau<coup de peine à leur persuader que c'était pour les deux partis

la meilleure combinaison. Nommer quelqu'un lieutenant« général et lui confier une armée, ce n'est assurément pas <<<manifester le dessein de le perdre. » Si comme on le répétait sans cesse, la guerre exigeait une dépense de cinquante ou soixante mille écus par mois, le nonce croyait pouvoir affirmer que le Roi employerait à cet effet les cinq cent mille écus provenant du clergé. Avec cette somme on pouvait donc très bien faire face aux dépenses. Le duc de Guise en convint, radoucit son ton et ne refusa plus d'ailer en Guienne; mais, dit-il, « il « vaudrait mieux que le Roi y allât en personne. Il serait « cependant très avantageux pour le duc de Guise d'être le seul '« chef de l'armée, répartit le nonce, car le Roi, blessé par les « derniers événements, ne pouvait se calmer immédiatement « et les rapports continuels entre eux amèneraient peut-être «une rupture. Je ne refuse pas d'aller en Guienne, dit alors <«<le duc, mais je vous prie de ne point trouver étrange, si « avant mon départ, je veux mettre mon parti en garde contre << un accident sinistre. >>

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Il restait à faire abandonner aux Ligueurs le projet auquel le Roi ne voulait pas souscrire de confier au duc de Mayenne l'ar- . mée du Dauphiné. Les deux frères ayant déjà sous leurs ordres la Champagne, la Bourgogne, la Picardie, auraient été trop puissants si on leur avait encore donné le pouvoir militaire en Guienne et en Dauphiné. Ge double commandement était la plus grande difficulté : le nonce aurait voulu voir la cour céder sur ce point, afin de ne pas empêcher le duc de Guise de marcher contre le roi de Navarre. Les Ligueurs firent alors de nouvelles instances pour obtenir Valence et Angers, les Parisiens pour exiger la remise entre leurs mains de la Bastille ou sa démolition, du moins la suppression du fossé vers la ville, pour récla

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mer également le droit de mettre leurs gens dans les places aux environs sur la Seine. Les échevins prièrent. le duc de Nevers d'appuyer près du Roi leurs demandes, et Nevers le promit: « Advisez si je suis bon en aultre chose pour vous servir, répona dit-il, et faictes estat de mon affection, comme d'un bon et « vray bourgeois que je suis de votre ville » En même temps Villeroy écrivait au même prince : « Ne différez de venir et con«sidérez qu'il est question de sauver le Roy et l'estat, que les « fautes que l'on fera maintenant sont mortelles, 2. >> « Je ne sais, lui écrivait-il, plusieurs jours après, si par la fortune que Dieu nous départira, elle amandera ou empirera, mais je crains plustot l'un que je n'espère l'autre 3. » On voit combien les esprits étaient inquiets.

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Après avoir suivi à Paris les discussions engagées entre la Reine mère et les chefs de la Ligue, Villeroy partit le 14 juin pour Rouen, où Henri III avait été reçu le dimanche 12, à sept lieues de la ville par le Parlement, la Chambre des comptes et quatre mille arquebusiers envoyés par les bourgeois; les échevins entourés d'une foule immense, l'avaient attendu à la porte de la cité.

On pouvait craindre des difficultés sur certains articles 5,mais tout fut accepté, même le départ du duc de Mayenne pour l'armée de Dauphiné, même la jouissance pour le cardinal de Bourbon des privilèges de premier prince du sang, importante concession puisqu'à la mort du Roi le cardinal devait alors arriver légitimement à la couronne. Le duc de Guise avait la liberté de rester à Paris ou d'aller en Guienne et la survivance du gouvernement de Champagne était accordée à son fils aîné. L'archevêque de Lyon devait entrer au conseil des affaires et la première place vacante de maréchal de France était promise à M. de la Chastre. Enfin les nominations du Prévôt des marchands et des échevins de Paris devaient être ratifiées o.

1 Bibl. nat. ms. f. fr. 3976, fo 144. Lettre du 12 juin 1588.

2 Ib, fo 147. Lettre du 13 juin..

3 Ib, fo 167. Lettre du 22 juin.

4 M. Ch. de Beaurepaire, Séjour d'Henri III à Rouen, en juin et juillet 1588. In-40, 1870.

5« Si teme che difficilmente detti capitoli debbono essere da Lei approvati et massime dicendosi che Parisini sono per darne degl'atri ancora piu acerbi et duri. » Arch. du Vatican, l. c., t. XXVIII, p. 461.

6 1b., t. XXVIII, p. 499.

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