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[1469] Le seigneur de Damville, si prompt à courir au champ de bataille, était moins exact à se rendre aux revues pacifiques, aux monstres auxquelles il était appelé.

En effet, dans le pappier des monstres du bailliage d'Evreux (32), nous voyons, au nombre des absents, « le seigneur de Montmorency, pour le fief, terre et seigneurie de Damville. Il est demourant au dit lieu de Montmorency. » Ses fiefs et revenus furent « prins et mis en la main du roy; » mais il est à croire que cette saisie n'eut pas de suites sérieuses (33).

[1473] Jean de Montmorency vendit le domaine de Damville à Jean de Hangest, bailli d'Evreux, qui en fut reçu à foi et hommage par le roi Louis XI. Les 8,000 écus d'or, prix de la vente, étaient destinés à acquitter la dot de Philippe de Montmorency, sa fille (34).

Après avoir été l'objet d'une double action en retrait lignager (35), de la part de Gabrielle de Villiers

(32) Rec. de la Soc. lib. de l'Eure, 3o série, t. Ier, p. 378, 382.

(33) On fait remonter à J. de Montmorency l'origine d'un dicton populaire. Ayant vu deux de ses fils, Jean de Nivelle et Louis de Posseux, embrasser le parti du duc de Bourgogne contre Louis XI, il les somma à son de trompe de revenir au service du roi. Aucun d'eux ne s'étant présenté, il les appela chiens et les déshérita. De là on a dit : « Il ressemble au chien Jean de Nivelle qui s'enfuit quand on l'appelle. »

(Désormeaux, t. Ier, p. 336.)

(34) Cette dot de 500 1. de rente avait d'abord été assise sur la terre de Damville, puis reportée sur celle de Vitry.

Philippe de Montmorency avait épousé, en 1465, Charles de Melun, baron de Normanville, lieutenant général du royaume, décapité en 4468 sur la place du Petit- Andely, pour avoir encouru la disgrâce de Louis XI, dont il avait possédé toute la faveur.

(35) Le droit de retrait lignager ou de clameur lignagère était la faculté qu'avaient les parents (les ligungers) du vendeur d'un

et de Marguerite de Montmorency, épouse de Nicolas d'Anglure, ce domaine passa, par voie d'échange, à Guy Pot, bailli de Vermandois [1474].

Celui-ci le transmit à René, son fils; et Anne, sa fille, l'ayant recueilli dans la succession de son frère [1503], le remit, après ces longs détours, aux mains d'un Montmorency (Guillaume), qu'elle avait épousé en 1484 (36).

Guillaume de Montmorency prêta serment de foi et hommage à Louis XII, le 12 octobre 1503. Vers la même époque, il présenta Thomas de la Villette pour la cure de Saint-Pierre de Charnelles.

[1518] Guillaume de Montmorency, mariant Louise d'Escouen, sa petite-fille, lui donna le domaine de Damville, pour 1,000 l. t. de rente. Mais il n'apparaît pas que la donation ait reçu son exécution; car, dans un traité intervenu entre les enfants de G. de Montmorency, comme règlement anticipé de sa succession, on voit ce domaine figurant parmi les biens à partager, et attribué à Anne de Montmorency, qui en prit possession en 1531, au décès de son père (37).

Nous voici arrivés à celui des seigneurs de Damville, qui, bien qu'on ait surfait son mérite sans

immeuble de le retirer des mains de l'acquéreur, en lui remboursant le prix et les loyaux coûts. (Cout. de Norm., art. 452).

A Damville on disait: Clamer à droict de sang. (Anciens contrats.)

(36) Se fondant sur des armoiries par lui vues dans l'église de Blanday et sur les sceaux du bailliage de Damville, l'auteur de la Maison de Chambray émet l'opinion qu'un premier mari d'Anne Pot aurait été, du chef de sa femme, seigneur de Damville; mais cela n'est pas possible, puisqu'elle n'avait hérité de ce fief que longtemps après son mariage avec Guillaume de Montmorency. (A. Duchesne, p. 339, Preuves, p. 179, 264.)

(37) A. Duchesne, Preuves, p. 266, 268.

doute, n'en occupe pas moins la plus grande place dans l'histoire nationale. « Il faudrait, dit André Duchesne (38), non un chapitre, n'y un livre, mais un volume entier, pour descrire dignement les haultes et généreuses actions d'Anne de Montmorency... » Il était ordinairement qualifié de « grand chef d'armées et d'incomparable conseiller d'Estat. »

Pierre Ronsard lui fit une épitaphe en 264 vers! Toutefois, par suite de la résidence à Montmorency ou à Paris des seigneurs de Damville, la note qui résumera ce que nous savons de cet homme illustre, considéré seulement comme seigneur du fief normand, sera des plus exiguës.

Le seul fait que nous ayons à considérer ici, c'est qu'Anne de Montmorency fit l'acquisition des seigneuries de Corneuil et des Minières; et, par lettres données au mois d'août 1552, en faveur de son trèscher aimé et très-cousin, Henri II les réunit à la chatellenie de Damville, pour ne plus faire à l'avenir qu'un seul fief, et il érigea le tout en baronnie (39).

Plusieurs des seigneurs de Damville peuvent être comptés parmi les grands hommes que la France a produits; mais c'est sous le nom de Montmorency qu'ils sont cités dans l'histoire. Il en est un toutefois, Henri Ier, qui illustra le nom de Damville, sous lequel il fut connu pendant la vie de son père, longtemps avant d'en posséder la baronnie (40).

(38) A. Duchesne, Preuves, p. 377.

(39) Déjà dans plusieurs documents antérieurs on voit le titre de baronnie donné à la chatellenie de Damville. Le baron de Damville était au nombre des nobles « tenus de garnir et de faire comparence en l'Echiquier de Normandie. »

(La Roque, Hist. de la maison d'Harcourt, t. III, p. 160.) (40) Duchesne ayant raconté comment Anne de Montmorency

Habile et intrépide dans les combats, il ne valait pas moins dans les conseils et dans les luttes de la diplomatie, qui ont aussi leurs succès et leurs revers. Cependant, si l'on en croit Désormeaux, historien de la famille (41), il ne savait ni lire ni écrire; à peine savait-il signer son nom : ce qui aurait fait dire à Henri IV : « Avec mon compère (42), qui ne sait pas lire, et mon chancelier, qui ne sait pas le latin, il n'y a rien que je ne sois en état d'entreprendre. »

Henri de Damville étant devenu, par la mort de François, son frère, titulaire du duché de Montmorency, remit la baronnie de Damville à Charles, son autre frère, conformément aux dispositions du testament paternel.

[1610] La seigneurie de Damville atteignit sous Charles de Montmorency la plus haute dignité dont le titre pût être attaché à son fief : elle fut érigée par Louis XIII en duché-pairie. (V. App. XI.) Cette transformation détachait de la compétence du parlement de Rouen toutes les actions concernant le fief ou le titulaire, pour les soumettre exclusivement à la juridiction du parlement de Paris (cour des pairs), et c'est devant cette cour que le nouveau duc et pair prêta le serment accoutumé le 30 décembre 1610 (43).

Charles de Montmorency ne jouit pas longtemps

fut pris par les protestants à la bataille de Dreux [1552], ajoute: « Ce qui esmeut tellement le courage du seigneur de Damville, qu'il répara sa prinse par celle du prince de Condé. »

(44) T. III, p. 157-458.

(42) Henri IV était le parrain du fils de Henri de Montmo

rency.

(43) A. Duchesne, Preuves, p. 309.

3e Série, TOME V.

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de la dignité à laquelle il avait été élevé. Décédé en 1612, il la laissa, par dérogation au titre d'érec- · tion, à son frère Henri Ier, qui avait déjà possédé le fief de Damville. Celui-ci, deux ans après [1614], le transmit sous son nouveau titre à son fils Henri, deuxième du nom, auquel le roi « fit don et remise des droits de reliefs et autres droits seigneuriaux deubz par le décès du feu s' connestable, à cause dudit duché de Damville, comme aussi desdits droits de reliefs, par le décès de feu s' amiral de Dampville, à cause dudit duché (44). »

Henri II fut le dernier seigneur de Damville du nom de Montmorency. Condamné pour avoir pris les armes en faveur du frère et de la mère de Louis XIII dans leurs querelles avec Richelieu, il fut décapité à Toulouse le 30 octobre 1632, sans égard pour les services qu'il avait rendus. Sa mort rompit l'alliance des noms de Damville et de Montmorency, vieille de plus de trois siècles (45).

(44) Mém. de la Soc. des Antiq. de Norm., 2o série, VIIIe vol., p. 106.

(45) La vie de Henri II de Montmorency, qui devait finir par un si terrible drame, commença par un roman. Henri IV, son parrain, voulait lui donner en mariage Mlle de Vendôme, sa fille, alors qu'il n'était âgé que de treize ans ; mais son père, qui avait d'autres vues, l'envoya en toute hâte en Bretagne épouser Mlle de Chemillé, qui lui était destinée. Le roi, averti, fit partir aussitôt M. de Soubise à la tête de deux compagnies de chevau-légers avec ordre d'enlever Mlle de Chemillé. La cavalerie arriva trop tard le mariage était célébré et... consommé, dit-on. Henri IV fit casser le mariage, sans pourtant arriver à ses fins; car, après sa mort, Marie de Médicis fit épouser sa nièce au jeune duc Marie-Félice des Ursins.

« Aucun seigneur français, dit Sismondi, n'égalait Montmorency pour la beauté, la grâce, l'élégance et la valeur... Il était l'idole du peuple et des soldats. » (Hist. de Fr., t. XXIII. p. 497.)

Devant la commission, un témoin dépose ainsi : « Le feu et la fumée m'empêchèrent d'abord de le reconnaître; mais, voyant un

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