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bassadeur même de Louis le Germanique auprès d'Horic, les moines de Saint-Germain eux-mêmes n'auraient rien su de ces faits merveilleux. Rien d'étonnant que Prudence ait été si imparfaitement renseigné.

L'intérêt du mémoire qu'on vient de lire consiste surtout, croyons-nous, à montrer comment les rumeurs se propageaient au IXe siècle.

Ferdinand LOT.

1902, p. 90). Mais cet érudit se trompe du tout au tout en affirmant que « les deux événements sont concomitants », que « l'évêque de Troyes a, sur de faux rapports, rattaché à tort les ravages des côtes à l'expédition de la Seine qui avait eu lieu au mois de mars précédent et qu'« il a eu tort aussi d'établir un lien entre cette expédition et l'ambassade d'Horic à Louis le Germanique par le moyen commode d'un miracle ». Ce lien est assuré par la concordance du récit de Prudence avec celui des Annales Xantenses et de la Translatio sancti Germani; ce sont bien les Normands de la Seine qui ont dévasté le monastère inconnu; les miracles qui se sont produits à cette occasion, si Prudence les rapporte après avoir raconté les ravages commis sur les côtes de la Manche par les pirates regagnant leur patrie, c'est qu'il ne les a sus qu'après coup. Il est donc vain de vouloir, d'après la place qu'ils occupent dans l'annale de 845, établir qu'ils ont eu lieu dans le courant du mois d'octobre », en une abbaye située sur la Manche.

CORRECTION. - P. 435, note 2. Le passage dont s'autorise M. Levillain pour admettre que Sithiu fut en 845 le refuge des moines fuyant les Normands se trouve bien dans le Liber floridus (1120), mais non dans le Chronicon de gestis Normannorum. C'est A. Duchesne qui l'a inséré dans son édition de ce dernier texte. Voy. L. Delisle, loc. cit., p. 665, note 2.

UNE

EXPERTISE AU XIVE SIÈCLE

On a déjà publié quelques rapports d'experts du moyen âge; néanmoins, ce genre de documents est peu commun, et il est toujours curieux d'en connaître le texte qui, à défaut d'indications architecturales ou historiques, peut fournir d'utiles renseignements sur les personnalités auxquelles on s'est adressé pour expertise. C'est le cas du document qui suit, emprunté à un registre du Parlement de Paris1; il accompagne les pièces d'un procès pendant, en 1388, entre Étienne de La Grange, président au Parlement de Paris, d'une part, et Jeanne de La Vacherie et Mathieu Cordier3, son frère, d'autre part, au sujet de réparations et réfections entreprises dans la mitoyenneté de deux maisons contiguës de la rue de la Vieille-Tixeranderie, près de la place Baudoyer, à Paris, dont les dites parties étaient respectivement propriétaires. L'objet manque d'intérêt en lui-même, mais l'intervention des experts désignés par le Parlement nous permettra de faire à leur sujet quelques constatations à retenir.

Cum certa lis primitus in Castelletto nostro Parisiensi et nuper in nostra Parlamenti curia suborta fuerit inter dilectum et fidelem Stephanum de Grangia, militem, consiliarium nostrum ac in dicti Parlamenti nostri curia presidentem, ex una parte, et Johannam de La Vacherie ac Matheum Corderii ejus fratrem, ex altera, racione certorum operum seu refectionum vel reparacionum in certis domibus

1. Arch. nat., X1a 35, fol. 363 vo.

2. Commencé au Châtelet, venu en appel au Parlement.

3. Peut-être d'une famille parlementaire; on rencontre en 1352 un Jean Cordier, conseiller lai au Parlement, dans les extraits de journaux du Trésor publiés par notre ami H. Moranville (Bibl. de l'Éc. des chartes, t. XLIX, 1898, p. 183).

Parisius in vico Veteris Tixenderie situatis, quarum una dicto Presidenti el altera dictis Johanne et ejus fratri pertinent necessario, et pro ipsarum domorum melioracione faciendarum, in quantum vero caminum aule dicti presidentis concernit, certum appunctamentum inter dictas partes die prima septembris ultimo preteriti factum extiterit, et deinde quia videbatur dicto presidenti caminum aule sue, modo et forma in predicto appunctamento declaratis et contentis, secure non posse construi seu reparari vel refici, dictus presidens in eadem curia nostra dictis Johanna et Matheo ejus fratre ibidem personaliter constitutis peteret et requireret certos consiliarios nostros, secum vocatis nonnullis magistris et bachalariis, carpentatoribus et lathomis in talibus expertis supra locum transmitti, et ipsorum audita relatione aliter super hoc et ceteris refectionibus et reparationibus provideri plures et diversas conclusiones contra Johannam et ejus fratrem supra nominatos faciendo, pro parte vero dictorum Johanne et ejus fratris propositum extiterit quod, in quantum predictum caminum tangebat, per eandem curiam appuncta tum extiterat de voluntate et consensu partium predictarum, et quod viso dicto appunctamento nichil immutari debebat, sed ulterius plures raciones et facta racione premissorum proponi ac conclusiones fieri fecerant contra memoratum presidentem; cumque dictis partibus ad plenum auditis, prefata curia nostra ordinaverit quod certi consiliarii nostri, quos ad hoc eadem curia nostra deputavit et commisit locum predictum adirent caminumque predictum per magistros et bachalarios, carpentatores et lathomos juratos, et in talibus expertos inspici et visitari, et per ipsos suum advisamentum in scriptis redigi facerent, et quicquid super hoc fieret iidem commissarii penes eandem curiam refficerent, et ipsorum audita relatione dicta curia super hoc ordinaret ut esset racionis; dictis partibus quo ad ceteras earum conclusiones remanentibus in arresto, viso igitur dictorum magistrorum et bachalariorum juratorum qui dictum caminum modo et forma pretactis visitarunt reportato, in scriptis redacto ac eorum sigillis sigillato, audita insuper relacione et advisamento commissariorum predictorum dicta curia nostra dictas partes et earum quamlibet, prout unam quamque ipsarum tangit aut tangere potest, ad tenendum et complendum dictum reportatum ac omnia et singula in eodem contenta per arrestum condempnavit et condempnat. Tenor dicti reportati sequitur sub hiis verbis Du commandement de noble homme messire Jehan de Montagu, president en Parlement du Roy nostre sire, et messire Pierre Boschet, conseillers du Roy nostredit seigneur et commissaires

d'iceluy seigneur ordonnez par ladicte Court de Parlement, sont alez Raymon du Temple, sergent d'armes et maistre maçon des euvres du Roy nostredit seigneur par tout son Royaume, Jehan de Moingneville, Jehan Berengier, Guillaume Hallé, Jehan Filleul, Symon Piquet, Robert Fouchier, maistre charpentier des euvres dudit seigneur, Nicolas Le Frere, Jehan Pasquete, Jehan de Marne et Gillebert Benart, charpentiers, tous jurez du Roy nostre Sire es offices de maçonnerie et de charpenterie, Philippe Milon, charpentier juré de l'evesque de Paris, maistre Dreux de Dampmartin, maistre des euvres de monseigneur de Bourgoigne, Colin Gile, maçon juré de l'evesque de Paris, Jehan Corbelier, Jehan Denge, Colin Rousseau, Jehan Galiot, Gautier du Tramblay, Pierre Le Bourgoignon, Jehan Petit et Guillaume d'Instreville, tous maçons bacheliers de la ville de Paris, en deux maisons entretenans assises en la rue de la Vielz Tixerenderie, dont l'une est à noble homme et saige messire Estienne de La Grange, president en Parlement, et l'autre [a] Jehanne de La Vacherie et Mahiet Cordier, son frere, pour veoir l'edifice d'une cheminée de taille que veult faire faire et edifier en son hostel ledit messire Estienne de La Grange contre et dedans le mur motoien qui est assis en terre motoienne entre les dictes deux parties. Rapportent les dessus diz que ilz ont esté aus diz lieux et bien et diligemment visité ce que dit est, si comme il appartient, et dient que es jambes de taille qui porteront ladicte cheminée aura une partie desdictes jambes qui prenront l'espoisse dudit mur, et une autre partie qui n'iront que jusques à la moitié dudit mur pour faire lieson l'un sur l'autre, afin que quant ladicte Jehanne et sondit frere se vouldront edifier, qu'ilz treuvent la place pour eulz lier dedans icelle jambe; et ou cas que la dicte Jehanne et son dit frere vouldront faire edifier leur cheminée ailleurs contre ledit mur motoien, ilz le pevent faire pareillement que fait ledit messire Estienne; item dient que ce n'est en riens ou prejudice de la maison de ladicte Jehanne et sondit frere, mais ledit mur motoien en sera plus fort pour la saillie des dictes jambes qui prenent l'espoisse dudit mur, et que la sale de l'ostel d'icelle Jehanne et sondit frere est plus basse cinq piez ou environ que n'est la sale de la maison dudit messire Estienne; par quoy ladicte Jehanne et sondit frere pourront edifier leur cheminée toutesfoiz qu'il leur plaira, et au dessus d'iceulx cinq piez ou environ ledit messire Estienne sera tenu de leur faire faire chemin jusques à la moitié dudit mur de deux assises de hault ou environ pour herberger leur chemin illec en droit, toutes foiz qu'ils s'i vouldront edifier; item que

ledit messire Estienne face fonder à certain fons par devers soy sur le sien des jambes de pierre de taille pour porter la saillie des jambes de ladicte cheminée à lieson dedans ledit mur jusques au hault du plancher de sa sale où se esligeront les premieres soubasses de sa cheminée, en tele maniere qu'il ne puist prejudicier audil mur motoien; item que ledit messire Estienne face un tuilliés en droit la contreleur de sa cheminée de demi pié d'espoisse sur soy contre ledit mur motoien jusques à l'amortissement du manteau de ladicte cheminée, et face restablir par devers ladicte Jehanne et sondit frere tout ce qu'il despecera, et toutes ces choses faictes aus cousts et despens dudit messire Estienne; et tout ce rapportent les dessus nommez avoir fait bien et loyalment à leur povoir, et le tesmoignent par leurs seaulz. Ce fu fait le xvIII jour de septembre l'an mil CCC IIII* et huit.

Pronunciatum XXIII die septembris anno Domini M° CCC° octogesimo VIII°.

Cet acte ne mentionne pas moins de 22 personnes qui doivent contribuer à l'expertise, et ces 22 personnes se subdivisent ainsi : maçons du roi, 6;-charpentiers du roi, 5;-maître de l'œuvre du duc de Bourgogne, 1; - maçon juré de l'évêque de Paris, 1; -charpentier de l'évêque de Paris, 1; - maçons bacheliers de Paris, 8.

C'est là faire, on en conviendra, un singulier abus des experts pour un aussi mince objet. Déranger des personnages aussi considérables et aussi occupés pour venir examiner la réfection d'une cheminée dans un mur mitoyen, voilà un luxe qu'on se paierait difficilement de nos jours. Les experts travaillaient sans doute, au xive siècle, sans annexer à leurs rapports des mémoires aussi onéreux pour les parties qu'ils le font aujourd'hui en tout état de cause, le président Etienne de La Grange et Jeanne de La Vacherie n'en purent pas être quittes à bon compte1.

Un certain nombre de ces experts nous sont déjà connus par ailleurs. Nous allons les passer successivement en revue et résumer tout ce que l'on connaît du rôle de chacun d'eux.

1. Au fol. 364 v° du même registre a été transcrit un autre acte relatif au même procès. Huit seulement des vingt-deux experts précédemment nommés y sont désignés le charpentier juré Gilbert Benart y est appelé cette fois « Bernart ».

1909

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