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pables et exempts de crime et peché, lequel faulsement on imposoit à ladicte Pucelle.

Oultre plus, ordonnons intimation et execution solempnelle et publique de nostre - dicte sentence estre faite incontinent et sans delais en ceste ville et cité de Rouen, en deux lieux : c'est assavoir l'un ce jourd'huy en la place et cymetiere de Saint-Ouen, auquel lieu sera faite procession generale et sermon solempnel par un venerable docteur en theologie; et l'autre au viel Marché, où yra demain au matin la procession generale, et là sera fait sermon solempnel par un venerable docteur en theologie: c'est assavoir en la place en laquelle ladite Pucelle fut cruellement et horriblement bruslée et suffoquée; et après la solempnelle predication seront plantées et affichées croix digne et honneste, en souvenance et perpetuelle memoire de laditte Pucelle defuncte et tous autres trespassez, tant en cesteditte ville de Rouen qu'en autres lieux de ce royaume là où nous verrons qu'il sera convenable et expedient, pour donner signe, mémoire et certification notable de l'execution et intimation de nostre sentence. Et si aucunes choses sont encore à establir, ordonner et accomplir, nous les reservons à nostre puissance et disposition; et pour cause.

Cette présente sentence fut donnée, leuë et publiée par messieurs les juges dessusdits, en la présence de reverend pere en Dieu l'evesque du Mans, Hector Cocquerel, Alain Olivier, Nicolas Du Bois, Jehan de Gouis et plusieurs autres et fut fait au palais archiepiscopal de Rouen, l'an de grace 1456, le septieme jour du mois de juillet. En ce point-là pro

noncerent Jehan, par la grace de Dieu archevesque de Reims, Guillaume, reverend pere en Dieu monsieur l'evesque de Paris, et Richard, par la grace divine monsieur l'evesque de Constance (Coutances en Normandie.)

(Tiré du manuscrit de messieurs les cardinaux de Rohan et Soubise, fol. 123, verso. Cette même sentence se trouve en latin dans l'Histoire de France de Marcel, t. 3, p. 415.)

FRAGMENS

RELATIFS A JEANNE D'ARC,

EXTRAITS

Du Journal de Paris, de la Chronique de Monstrelet, et de différentes Histoires publiées par des écrivains étrangers pendant les quinzième et seizième siècles.

Extrait du Journal rédigé par un bourgeois de

Paris.

La vigille du Saint Sacrement en celluy an, qui fut le trentiesme jour de may au dit an 1431, dame Jehanne, qui avoit été prinse devant Compiegne, qu'on nommoit la Pucelle, iceluy jour fut fait un preschement à Rouen, elle estant en ung eschaffault que chacun la povoit veoir bien clairement, vestue en habit d'homme; et là luy fust démonstré les grans maux doloreux qui par elle estoient advenus en chrestienté, especialement au royaulme de France, comme chascun scet: et comment, le jour de la sainte Nativité Nostre Dame, elle estoit venue assaillir la ville de Paris à feu et à sang ; et plusieurs grans peschés énormes qu'elle avoit fait et fait faire; et comment à Senlis et ailleurs elle avoit fait ydolatrer le simple peuple car, par sa faulce hypocrisie, ils la suivoient

comme sainte Pucelle; car elle leur donnoit à entendre que le glorieux archange saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite, et plusieurs autres saints et saintes, se apparoient à luy souvent, et parloient à lui comme amy fait à l'autre, et non pas comme Dieu a fait aucunes foys à ses amys par révélacion, mais corporellement et bouche à bouche, comme un amy à autre.

Vray est qu'elle disoit être aagée environ vingt-sept ans, sans avoir honte que maugré pere et mere, et parents et amys, que souvent alloit à une belle fontaine au pays de Lorraine, laquelle elle nommoit bonne fontaine aux Fées Nostre Seigneur; et en icelluy lieu tous ceulx du pays, quand ils avoient fiebvre, ils alloient pour recouvrer garison; et là alloit souvent ladite Jehanne la Pucelle sous un grand arbre qui la fontaine ombroit; et s'apparurent à elle sainte Katerine et sainte Marguerite, qui lui dirent qu'elle allast à ung cappitaine qu'elles lui nommerent; laquelle y alla, sans prendre congé ne à pere ne à mere; lequel cappitaine la vesti en guise d'homme, et l'arma et lui ceinct l'espée, et lui bailla un escuyer et quatre varlets. Et en ce point fut montée sur ung bon cheval; et en ce point vint au roy de France, et lui dit que du commandement de lui estoit venue à lui, et qu'elle le feroit estre le plus grant seigneur du monde, et qu'il fût ordonné que tretous ceulx qui lui désobéiroient fussent occis sans mercy, et que saint Michel et plusieurs anges lui avoient baillé une couronne. moult riche pour lui, et si avoit une espée en terre aussi pour lui mais elle ne lui rendroit, tant sa guerre fût faillie. Et tous les jours chevaulchoit avec.

le Roy à grant foyson de gens d'armes sans aucune femme, vestue, attachée et arinée en guise d'homme, un gros baston en sa main; et quant aucun de ses gens mesprenoit, elle frappoit dessus de son baston grans cous en maniere de femme très-cruelle; dit que elle est certaine d'estre en paradis à la fin de ses jours... Plusieurs foys a prins le précieux sacrement de l'autel toute armée, vestue en guise d'homme, les cheveux rondiz, chaperon déchiqueté, gippon, chausses vermeilles attachées à foyson aiguillettes, dont aucuns grants seigneurs et dames lui disoient, en la reprenant de la dérision de sa vesture, que c'estoit pou priser Nostre Seigneur de le recevoir en tel habit, femme qu'elle estoit; laquelle leur respondit promptement..... « Car pour rien n'en feroit autre, et que <«< mieulx ameroit mourir que laisser l'habit d'homme « par nulle défense; et que ce elle vouloit, elle feroit <«< tonner, et autres mersveilles; et qu'une fois on la « volt faire de son corps déplaisir mais elle sailli << d'une haute tour en bas, sans soy blecier aucune

<<< ment. >>>

En plusieurs lieux elle fist tuer hommes et femmes tout en bataille, comme de vengeance voulentaire ; car qui n'obéissoit aux lettres qu'elle faisoit, elle faisoit tantost mourir sans pitié, quand elle en avoit povair..... Telles faulses erreurs et pires avoit assez dame Jehanne; et lesquelles lui furent toutes déclairées devant tout le peuple, dont ils orent moult grand orreur, quand ils ouïrent raconter les grants erreurs qu'elle avoit eues contre notre foy, et avoit encore car pour chose qu'on luy démonstrât ses grants maléfices et erreurs, elle ne s'en effrayoit ne

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