AMAN. Oui, ce Dieu, je l'avoue, est un Dieu redoutable. (Il se jette à ses pieds.) Par le salut des Juifs, par ces pieds que j'embrasse, SCÈNE VI. ASSUÉRUS, ESTHER, AMAN, ELISE, ASSUÉRUS. Quoi! le traître sur vous porte ses mains hardies? SCENE VII. (Aman est emmené par les gardes.) ASSUÉRUS, ESTHER, MARDOCHÉE, ÉLISE. LE CHEUR. ASSUÉRUS Continue en s'adressant à Mardochée. Aux conseils des méchans ton roi n'est plus en proie; Possède justement son injuste opulence. Je romps le joug funeste où les Juifs sont soumis; l'égal des Persans je veux qu'on les honore, SCENE VIII. Que veut Asaph? ASSUÉRUS, ESTHER, MARDOCHÉE, ASAPH, ASSUÉRUS. ASAPH. Seigneur, le traître est expiré, Roi, qu'à jamais le ciel prenne soin de vos jours! Oui, je t'entends. Allons, par des ordres contraires, ESTHER. O Dieu, par quelle route inconnue aux mortels Dieu fait triompher l'innocence : Il a vu contre nous les méchans s'assembler, Comme l'eau sur la terre ils alloient le répandre : UNE AUTRE. J'ai vu l'impie adoré sur la terre; Il sembloit à son gré gouverner le tonnerre, UNE AUTRE. On peut des plus grands rois surprendre la justice. Ils ont peine à s'échapper Un cœur noble ne peut soupçonner en autrui La bassesse et la malice Qu'il ne sent point en lui. UNE AUTRE. Comment s'est calmé l'orage? UNE AUTRE. Quelle main salutaire a chassé le nuage? TOUT LE CHŒUR. L'aimable Esther a fait ce grand ouvrage. UNE ISRAELITE, seule. De l'amour de son Dieu, son cœur s'est embrasė; Son zèle ardent s'est exposé: DEUX ISRAELITES. Esther a triomphé des filles des Persans: L'UNE DES Deux. Tout ressent de ses yeux les charmes innocens. L'AUTRE. Les charmes de son cœur sont encor plus puissans. TOUTES DEUX, ensemble. UNE SEULE. Ton Dieu n'est plus irrité : Réjouis-toi, Sion, et sors de la poussière; Quitte les vêtemens de ta captivité, Et reprends ta splendeur première. Les chemins de Sion à la fin sont ouverts: Rompez vos fers, Tribus captives; Troupes fugitives, Repassez les monts et les mers; TOUT LE CHŒUR. Rompez vos fers, Tribus captives; Troupes fugitives, Repassez les monts et les mers; Je reverrai ces campagnes si chères. UNE AUTRE. J'irai pleurer au tombeau de mes pères. TOUT LE CHEUR. Repassez les monts et les mers; UNE AUTRE. Dieu descend et revient habiter parmi nous : UNE AUTRE. Que le Seigneur est bon, que son joug est aimable! UNE AUTRE. Il s'apaise, il pardonne; Du cœur ingrat qui l'abandonne Il attend le retour; Il excuse notre foiblesse ; A nous chercher même il s'empresse. Il nous fait remporter une illustre victoire. L'UNE DES TROIS. Il nous a révélé sa gloire. TOUTES TROIS, ensemble. Ah! qui peut avec lui partager notre amour? TOUT LE CHEUR. Que son nom soit béni; que son nom soit chanté; Au delà des temps et des âges, FIN D'ESTHER. TRAGÉDIE TIRÉE DE L'ÉCRITURE SAINTE. 1694. PRÉFACE. Tout le monde sait que le royaume de Juda étoit composé des deux tribus de Juda et de Benjamin, et que les dix autres tribus qui se révoltèrent contre Roboam composoient le royaume d'Israël. Comme les rois de Juda étoient de la maison de David, et qu'ils avoient dans leur partage la ville et le temple de Jérusalem, tout ce qu'il y avoit de prêtres et de lévites se retirèrent auprès d'eux, et leur demeurèrent toujours attachés car, depuis que le temple de Salomon fut bâti, il n'étoit plus permis de sacrifier ailleurs; et tous ces autres autels qu'on élevoit à Dieu sur des montagnes, appelés par cette raison dans l'Écriture les hauts lieux, ne lui étoient point agréables. Ainsi le culte légitime ne subsistoit plus que dans Juda. Les dix tribus, excepté un très-petit nombre de personnes, étoient ou idolâtres ou schismatiques. Au reste, ces prêtres et ces lévites faisoient eux-mêmes une tribu fort nombreuse. Ils furent partagés en diverses classes pour servir tour à tour dans le temple, d'un jour de sabbat à l'autre. Les prêtres étoient de la famille d'Aaron; et il n'y avoit que ceux de cette famille lesquels pussent exercer la sacrificature. Les lévites leur étoient subordonnés, et avoient soin, entre autres choses, du chant, de la préparation des victimes, et de la garde du temple. Ce nom de lévite ne laisse pas d'être donné quelquefois indifféremment à tous ceux de la tribu. Ceux qui étoient en semaine avoient, ainsi que le grand prêtre, leur logement dans les portiques ou galeries dont le temple étoit environné, et qui faisoient partie du temple même. Tout l'édifice s'appeloit en général le lieu saint; mais on appeloit plus particulièrement de ce nom cette partie du temple intérieur où étoient le chandelier d'or, l'autel des parfums, et les tables des pains de proposition; et cette partie étoit encore distinguée du Saint des Saints, où étoit l'arche, et où le grand prêtre seul avoit droit d'entrer une fois l'année. C'étoit une tradition assez constante que la montagne sur laquelle le temple fut bâti étoit la même montagne où Abraham avoit autrefois offert en sacrifice son fils Isaac. |