CHAPITRE XIV.

DES PRETRES DE L'ORDRE TEUTONIQUE.

L'institu

''institution des prêtres dans l'Ordre Teutonique, est aussi ancienne que l'Ordre même. En lui donnant la regle du Temple pour ce qui concernoit les prêtres aussi bien que les chevaliers, on l'obligeoit d'en avoir; sans cela les Teutoniques n'auroient pu pratiquer à la lettre, la regle des Templiers, qui leur devenoit obligatoire pour s'en convaincre, il n'y a qu'à lire cette regle, ou celle de l'Ordre Teutonique qui en est, pour ainsi dire, une copie. L'Ordre eut donc des prêtres dès l'origine; et s'il n'en eut pas dans le premier moment de son institution, c'est qu'il ne s'en trouva pas à St. Jean d'Acre, que l'on ait jugés propres à cela, ou qui aient voulu embrasser une regle aussi sévere. Une ancienne chronique porte, que le Maître Henri de Walpot bâtit à Acre une maison pag. 680. et une église, qu'il y établit un couvent de freres de l'Ordre et des prêtres séculiers; que

Math. analect.

tom. 5.

ces prêtres qui chantoient les offices de la nuit et du jour, étoient habillés et nourris par le couvent, et qu'ils recevoient leur salaire chaque semaine. Venator rapporte à-peu-près la pag. II. même chose, d'après une chronique manuscrite qu'il ne désigne pas autrement. Si les auteurs de ces chroniques ne se sont pas trompés, les premiers prêtres qui ont desservi l'hôpital et l'église de la maison d'Acre, n'étoient pas membres de l'Ordre, puisqu'ils étoient salariés: mais on ne peut pas douter qu'on n'en ait reçu aussitôt qu'il s'en est trouvé de capables, ou de bonne volonté, tant pour se conformer aux Templiers dont on avoit adopté la regle, que par raison d'utilité: en effet, il est censé que des prêtres membres de l'Ordre, devoient avoir plus de zele que des mercenaires, pour remplir les devoirs du choeur et de l'hôpital: d'ailleurs il est désagréable et quelquefois même dangereux, pour des religieux, d'avoir des étrangers chés eux. Si l'article de la chronique que nous avons citée, est vrai, on peut en inférer, que l'on étoit très- empressé de trouver des prêtres qui pussent entrer dans l'Ordre, puisqu'on payoit chaque semaine, ceux que l'on n'avoit pris qu'en attendant.

La bulle que le Pape Honorius III, adressa le 15. de Décembre 1220 au Grand-Maître Herman de Salza et à ses freres, est de tous les anciens monuments, celui qui nous fait connoître le plus des particularités sur la classe des prêtres. Voici comment le Pape s'exprime:

Afin qu'il ne vous manque rien de ce qui peut Arch, de ,, contribuer à votre salut, et pour que les sacre- Merg.

et Duell. select. privil. num. I.

دو

دو

دو

" ments puissent être administrés plus commo-
dément dans votre Ordre, nous statuons; que
,, vous pouvés recevoir des prêtres et des clercs
,, qui aient les qualités requises, de quelque
,, endroit, c'est-à-dire de quelque diocese qu'ils
, soient; tant dans votre maison principale,
;, que dans les autres qui dépendent de vous;
,, pourvu que vous les receviés de leurs propres
,, Evêques, s'ils sont du voisinage, et qu'ils ne
,, soient point engagés dans un autre Ordre. Si
,, les Evêques ne vouloient pas vous les donner;
c'est-à-dire, s'ils s'opposoient à ce qu'ils en-
trassent dans votre Ordre, nous vous donnons,
,, nonobstant leur opposition, la permission de
,, les recevoir et de les garder chés vous.
Si
,, après leur réception, ils occasionnoient du
,, trouble dans l'Ordre, vous pouvés, avec le
,, consentement de la plus saine partie du cha-
,, pitre, les renvoyer et leur donner la permis-
sion d'entrer dans un autre Ordre. Dans ce
,, cas, il vous est permis d'en prendre d'autres
,,à leur place, et si vous croyés, après qu'ils
auront fait une année de noviciat, qu'ils puis-
,, sent être utiles à l'Ordre, qu'ils fassent leur
profession réguliere, en promettant de vivre
,, religieusement, et d'être obéissants au Mai-
», tre.
Ils auront des lits comme les vôtres, ils
seront nourris comme vous, et porteront des
,, habits pareils aux vôtres avec la différence
;, qu'ils ne seront pas ouverts par devant (clausa
, vestimenta portabunt). Ils ne se mêleront pas
,, des affaires du couvent, ni du chapitre s'il ne
,, leur est ordonné, et ils ne seront jamais sou-
,,mis qu'à des personnes du chapitre, c'est-à-

دو

„dire qui aient voix et séance au chapitre: ils ,, seront obéissants à Vous, Maître, et à vos successeurs, comme étant leur Maître et leur ,, prélat etc.

Quelque précises que soient les expressions que l'on vient de voir, ce n'étoit rien de nouveau pour l'Ordre: cette bulle d'Honorius n'est proprement qu'un extrait, et ce passage nommément, est à peu de choses près, copié littéralement, sur la bulle d'Alexandre III. qui commence par ces mots: Omne datum optimum; bulle qu'on pourroit appeller la constitution pontificale de l'Ordre des Templiers: or les dispositions de cette bulle étoient obligatoires pour les Teutoniques, puisqu'ils avoient adopté la regle du Temple sans restrictions, pour ce qui regardoit les prêtres et les chevaliers (in clericis et militibus) comme le dit le Pape Innocent III. dans ses bulles de confirmation des années 1198 et 1209. Il seroit inutile de dire, comme quelques auteurs l'ont prétendu, que, malgré le droit, ou plutôt l'obligation qu'avoient les Teutoniques d'avoir des prêtres, ils avoient seulement commencé à en recevoir après la bulle d'Honorius III.: car le contraire est démontré par la bulle d'Innocent III. de l'an 1209, puisqu'il y préscrivit aux Evêques, d'ordonner les clercs Teutoniques qui devoient être promus aux ordres sacrés, sans rétribution ni difficultés. Pour lever tout embarras sur les expressions de la bulle d'Honorius III., il suffit de remarquer que, souvent les Papes ont confirmé des choses existantes depuis long-tems, dans les mêmes termes qu'ils auroient employés,

Habillement des prêtres.

si eux-mêmes les avoient ordonnées les premiers. Nous en voyons un exemple dans cette même bulle, où le Pape prescrit l'émission des trois voeux, tandis qu'il est certain que cette émission avoit lieu, depuis que l'Ordre avoit été reconnu pour un corps religieux.

Suivant la bulle d'Honorius, les prêtres devoient être vêtus comme les autres freres, à la réserve que leurs frocs ou soutanes devoient être fermées. Tant que les difficultés subsisterent entre les Templiers et les Teutoniques, pour la couleur du manteau, il se peut que les prêtres en ont porté de semblables à ceux des chevaliers, sans que l'on puisse en déterminer la couleur mais quand ce ridicule procès fut terminé en 1222 en faveur des Teutoniques, le manteau blanc fut réservé uniquement pour les chevaliers, comme le signe distinctif de leur état, et les prêtres ne leur furent plus assimilés pour cette partie du vêtement.

Cependant les prêtres ne tarderent pas de recevoir une marque de distinction qui les dédommagea en quelque sorte, de la privation du manteau blanc. Le Pape Innocent IV. voulant leur donner un habit qui fût propre au service de l'église, et qui pût en même tems les distinguer des autres; ce qu'on ne peut entendre que des autres freres; leur permit de porter une robe blanche, ou espece de talar par dessus leurs autres vêtements, c'est-à-dire, sur leur robe ordinaire 1). Ce talar sans manches, en

1) On trouvera cette bulle d'Innocent IV. à la suite de ce volume Num. V.