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quisitions et les procès qui avoient été faits sur eux (super his). Ces derniers mats, selon le sens de la bulle, ne pouvoient avoir rapport qu'au Grand-Maître et aux Templiers qui avoient été trouvés coupables. Reste à savoir s'il faut séparer ou non, les inquisitions des procès (secundum inquisitiones et processus): c'est-àdire, si les inquisisions dont il s'agit ici, regardent uniquement le Maître et les autres qui ont été déclarés coupables après que l'on a eu fait leur procès; ou si l'on doit entendre par ces inquisitions, celles qui avoient été faites contre l'Ordre en général et contre chaque membre en particulier, tandis que les procès dont il parle, regardoient seulement ceux qui avoient été condamnés? Que l'on choisisse celle de ces deux manieres d'expliquer ce passage, que l'on croira la plus juste! Si l'on veut que les inquisitions et les procès se rapportent uniquement au Maître et aux autres qui ont été déclarés criminels, on aura la preuve que les inquisitions faites à leur sujet, et les procès qu'on leur a faits, n'ont rien prouvé contre l'Ordre même, ni contre l'immense majorité de ses membres; et l'on sera obligé de convenir; que le Pape n'ayant pas seulement fait mention des inquisitions qui avoient été faites par ses ordres, pendant près de quatre ans consécutifs, tant par les Evêques diocésains, que par des commissaires délégués à cet effet, contre les autres Templiers pris en général, ce silence est une preuve convaincante qu'elles n'avoient rien produit de défavorable contre eux. Si l'on veut au contraire, séparer les inquisitions des procès, et entendre par là,

Concil.
Col 41.

et sq.

celles qui ont été faites pendant quatre ans sur l'Ordre en général et sur chaque membre en particulier, on aura un résultat semblable: c'està-dire, que les inquisitions n'ayant rien produit, le Pape déclaroit qu'il ne pouvoit abolir l'Ordre de droit, puisqu'il n'avoit pas été trouvé coupable. Walsingham historien anglois, cité par Tritheme, et le seul de tous les écrivains dont les témoignages sont rapportés par les compilateurs des actes du Concile de Vienne, qui ait prétendu nous donner une explication de ce passage de la bulle: non possemus ferre de jure 10). On

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10) Voici le texte : Cum in concilio Viennensi trac„taretur, an propter vocationem singularum perso„narum dicti ordinis Templariorum, vel propter „acta contra eos, posset totus ordo damnari propter ,,singulorum delinquentium vocationes, cum constaret ,,quod dictus ordo non fuerat vocatus: definitum

fuit per dictum concilium, quod non de jure. ,,Ideo Papa Clemens in bulla sua condemnatoria „ordinis adjecit hanc clausulam: Quamquam de jure ,,non possemus, tamen ad plenitudinem potestatis dictum ordinem reprobamus." L'auteur n'a pas mis de justesse dans ce passage: il reprouve l'ordre de son autorité, tandis que le Pape s'est contenté de l'abolir. On pourroit encore demander si ces mots propter singulorum delinquentium vocationes se rapportent à ces autres: propter vocationem singularum personarum. Dans le cas de Paffirmative, il regardoit tous les Templiers comme coupables dans le cas contraire: propter singulorum deliquentium etc. ne regardoient que les Templiers qui avoient été condamnés par des procès partiels.

:

On examina, dit-il, au Concile, si tout l'Ordre pouvoit être condamné, d'après la citation faite à chacun de ses membres, ou, à cause des actes dressés contre eux, tandis qu'il constoit que l'Ordre même n'avoit pas été cité? Il fut défini, ajoute-il, qu'il ne pouvoit pas être condamné de droit (de jure) c'est pourquoi le Pape Clément ajouta dans sa bulle condamnatoire, cette clause: nous le réprouvons en vertu de notre autorité pléniere, quoique nous ne puissions pas le faire de droit.

Il est difficile de se persuader sur la parole de Walsingham, que cet objet ait été agité au Concile je suis au moins, convaincu qu'il a été mal informé de l'état de la question. Si la citation de l'Ordre, pris collectivement, avoit été nécessaire pour pouvoir le juger légalement, comment imaginer que dans une affaire à laquelle on avoit donné tant de suite et d'attention, on auroit pu négliger, ou oublier de le citer. Il y a plus: s'il est vrai, comme le dit Walsingham que chacun des individus a été cité, il s'en suit que l'Ordre entier a été cité. C'est un nom colQue signifie le mot Ordre? lectif qui désigne toutes les personnes faisant une même profession, et réunies en une seule société: ôtés les personnes, le mot Ordre n'est plus qu'un vain son; il est entiérement vuide de sens; d'où il résulte qu'en citant soit en général, soit individuellement, toutes les personnes qui composent un Ordre, on a également cité l'Ordre même. Supposons cependant, que l'Ordre pris collectivement, auroit dû être cité, et que l'on ait oublié de le faire, cet oubli n'exTome II. 26

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pliqueroit pas encore le passage de la bulle de Clément V. On ne peut point soupçonner le Pape d'avoir pris un faux prétexte; dès qu'il vouloit alléguer un motif, ce devoit être le véritable; il auroit donc dû dire: cum eam propter defectum vocationis, seu citationis, non possemus ferre de jure; je me sers des expressions de Walsingham; au lieu de dire: secundum inquisitiones et processus etc., ce qui, dans le cas dont il s'agit, n'auroit été qu'un faux prétexte, ou, pour parler plus clairement, une fausseté; si, d'un autre côté, la prétendue définition du Concile tomboit sur ces mots: ou à cause des actes dressés contre eux (vel propter acta contra eos) ce seroit une preuve que le Concile avoit reconnu, qu'à la réserve d'un petit nombre de condamnés, les actes dressés contre les Templiers en général, ou plutôt les perquisitions qui avoient été faites à leur sujet, n'avoient rien produit qui leur fût défavorable, et qu'en conséquence, l'Ordre ne pouvoit être aboli légalement. Au surplus, je n'ai insisté sur l'assertion de l'auteur Anglois, que parcequ'elle peut fournir un prétexte à ceux qui s'obstineront à regarder tous les Templiers comme coupables. Le fait est, que le Pape ne vouloit point que ces malheureux fussent entendus au Concile: neuf Templiers s'y étant présentés pendant qu'on y lisoit les informations qui avoient été faites contre eux, demanderent à défendre leur Ordre, tant en leur nom, qu'en celui de quinze cents ou de deux mille Templiers qui étoient dans les environs de Lyon: au lieu de les entendre, le Pape les fit arrêter, et le manda au

Roi, par un bref qui se trouve en entier, parmi les pieces justificatives du mémoire qui précéde la Tragédie des Templiers de Mr. Raynouard 11).

On ne sait comment expliquer cette démarche singuliere. Si, comme il est probable, le Pape et les Peres du Concile, étoient assés instruits de l'innocence des Templiers pris en général, pour n'avoir pas besoin d'entendre leurs défenseurs, on pouvoit renvoyer ces neuf Templiers sans les entendre; mais pourquoi les arrêter et les retenir en prison? Car le Pape le dit expressement dans sa lettre au Roi (detineri mandavimus et facimus detineri). Ce que nous venons de ne donner que comme une probabilité, nous croyons pouvoir le convertir en une conclusion positive. En effet, si tant de perquisitions que l'on a faites, et pendant si long-tems, contre l'Ordre du Temple pris en général, et contre chacun de ses membres en particulier, avoient prouvé que l'Ordre même étoit coupable; c'est-à-dire, que les abominations que l'on a reprochées à un petit nombre de Templiers, étoient passées en principe dans l'Ordre, ou avoient été adoptées par la majorité des membres; le Pape et le Concile n'auroient pas manqué d'anathématiser l'Ordre, en le déclarant hérétique, infàme, abominable etc.; ils ne se seroient certainement

11) L'auteur fait précéder cette piece par cette indication:,, Transcription fidele de la piece qui se „trouve insérée dans le volume 763 de la collec,,tion des manuscrits de Dupuy, à la biblio,,theque Impériale. Ce volume est intitulé: ,,bulles des Papes depuis Honoré III. jusqu'à „Grégoire XI."

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