Prusse et dans la Livonie, étoient bien plus importants qu'ils ne l'étoient dans les autres pays: ordinairement ils étoient chargés de gouverner et de défendre une ville, ou une forteresse considérable, et leur autorité s'étendoit quelque fois sur un district très - étendu. Il y avoit aussi des Avoués, en allemand Vogt; mot que j'ai traduit dans l'histoire, par celui d'Avoué parcequ'ils sont nommés Advocati par les auteurs latins, et que j'aurois plutôt dû nommer Baillis. Quoiqu'il en soit, les dénominations de Commandeur et de Vogt, Bailli ou Avoué, désignoient souvent la même chose: leurs noms sont mêlés lorsqu'ils se trouvent comme témoins dans les chartres; et l'on a vu, que l'Avoué de l'importante forteresse de Wittenstein, ainsi que de la petite province de Jervie, avoit un rang distingué parmi les Commandeurs de la Livonie. La Prusse avoit aussi des Avoués tels que ceux de la Sambie et de la Natangie, qui étoient des especes de gouverneurs de ces provinces. Quand l'Ordre eut acquis la nouvelle Marche de Brandebourg, qui contenoit plus de vingt villes, les chevaliers qui en furent les gouverneurs, n'eurent jamais d'autre titre que celui de Vogt; ainsi nous regardons cette dénomination comme synonyme avec celle de commandeur: cependant on verra ailleurs, qu'il y a des exceptions à faire. Il en étoit de même à quelques exceptions près de la dénomination de Pfleger ou proviDans le privilege de Culm donné par le Grand-Maître Herman de Salza, Herman de Balke premier Maître provincial de la Prusse, seur. y est nommé proviseur; et l'on voit entre les témoins, Barlewin et Louis, aussi proviseurs, l'un de Culm et l'autre de Quidzin ou de Marienwerder. Lors qu'Eberhard de Seyne, Maître provincial d'Allemagne et lieutenant du Grand - Maître en Prusse et en Livonie, renouvella ce privilege en 1251, il qualifia Herman de Balke de premier commandeur de la Prusse, et le chevalier qui commandoit à Culm, n'y est plus qualifié de proviseur, mais bien de Commandeur; cela prouve qu'anciennement, on a quelquefois employé ces deux noms l'un pour l'autre. Nous voyons encore dans l'histoire, que les Grands - Maîtres Paul de Rusdorf, Henri de Richtenberg et Jean de Tieffen, avoient été proviseurs, les deux premiers de la forteresse de Rastenbourg, et le dernier de celle de Schacken, avant d'être élevés à la suprême dignité de l'Ordre. Dans la liste qui nous a conservé les noms du petit nombre de chevaliers qu'Albert de Brandebourg avoit laissés dans la Prusse, lorsqu'il voulut effectuer sa trahison, on ne voit que deux Commandeurs; Quirin de Schlick à Osterode, et Eric Duc de Brunswick à Memel: en revanche, on y voit Jean de Kolbitz proviseur à Grunhofen, Antoine de Hausen à Schacken, Philippe de Creutz à Insterbourg, Herri de Miltitz à Barten, Jean de Zebitz à Lick, Balthasar de Plomenawe à Ortelsbourg, Frédéric de Haydeck à Johannisbourg, et Frédéric Truchsés de Walbourg à Nidenbourg. Nous croyons donc que, malgré la différence des dénominations, les proviseurs que nous ve nons de nommer, doivent être rangés dans la classe des Commandeurs. Tous ou presque tous avoient des compagnons (Compan): c'étoient des chevaliers ou d'autres freres qui leur étoient adjoints, dont les fonctions peuvent être regardées comme celles des adjudants. Alt- und Les Commandeurs de la Prusse, dont le nombre étoit égal à celui des villes et des forteresses du pays, avoient une très-grande autorité dans les places qui leur étoient confiées, ainsi que dans les districts qui en dépendoient: il en étoit de même en Livonie 2). Le Commandeur étoit le supérieur du couvent, ainsi que de tous les freres qui étoient dans l'étendue de son ressort: il les menoit à la guerre, de même que les vassaux et les sujets qui étoient dans son district: il étoit chargé de l'exécution Hartkn. des ordres du Grand-Maître : il tenoit les N. Preus. plaids, ou assemblées de justice pour la police, pag. 612. avec le juge du canton qui étoit toujours un gen- Preussen tilhomme, et le secretaire provincial ou Bailli tom. 4. (Landschreiber): il conféroit héréditairement pag. 453. les fiefs qui venoient à vaquer dans son district: il faisoit des ordonnances de police et donnoit des privileges qui avoient force de loi: enfin il exerçoit la haute justice (jus vitae et necis), sans avoir besoin de la confirmation du GrandMaître; mais il ne pouvoit rien faire sans l'avis du chapitre; c'est-à-dire, des freres du couvent et autres dépendants de lui, qui avoient le droit d'être consultés sur ces objets. Voilà 2) La note se trouve à la fin du volume Num. I. Erläut. ce que disent les historiens: mais il est probable, et l'on ne peut pas même douter que les Commandeurs ne conféroient les fiefs, et n'accordoient des privileges, que par les ordres, ou avec la permission expresse du Grand-Maître; sans quoi il en seroit résulté une vraie cacophonie dans le gouvernement, ce dont on ne voit pas de vestiges. Ce n'a guere été que dans les premiers tems, que les Commandeurs ont été les instruments de ces sortes de graces: comme ils les expédioient sous le sceau de leurs commanderies, sans faire mention du GrandMaître, les auteurs que nous avons suivis, en auront conclu mal-à-propos, que leur autorité en étoit indépendante sur ces objets. Pour se convaincre de ce que nous avançons, il n'y a qu'à voir dans la note num. XII. du premier tome, le décret d'Eberhard de Seyne lieutenant du Grand-Maître, adressé vers le milieu du XIIIeme siecle aux freres de la Prusse: il prouve qu'il y avoit tels fiefs que même le Maître de Prusse ne pouvoit conférer sans le consentement du Grand-Maître et du chapitre d'outre-mer, Dans des tems postérieurs : c'est-à-dire en 1329, le Grand - Maître d'Orselen regla par l'article IV. de ses statuts, que le Grand - Maître pourroit disposer comme auparavant, des fiefs de la Prusse avec le consentement de son chapitre: on peut juger qu'il s'en faut de beaucoup que de simples Commandeurs ayent jamais eu de pareils droits: je crois qu'il en est de même sur plusieurs autres points de l'autorité qu'on eur attribue. En général, il n'y a jamais eu de puissance dans l'Ordre qui n'ait été subor donnée au chef. Quant aux réglements de police, il est très- vraisemblable, que dans les cas urgents où il s'agissoit d'assurer la tranquilité publique, les Commandeurs avoient le droit. d'en faire de provisoires de l'avis de leur chapitre. Il y avoit une autre classe de Commandeurs, dont l'autorité étoit moins étendue: c'étoient les Hauss-Commenthur ou Commandeurs de château. Hauss signifiant anciennement un château ou une forteresse 3). Quand ils étoient subordonnés à un Commandeur, c'étoient des commandants en second; les mêmes próbablement, que l'on voit quelquefois qualifiés de Vice-Commandeurs. Il est vraisemblable qu'ils présidoient au chapitre pendant l'absence du Commandeur. Leurs fonctions étoient très - importantes, soit qu'ils commandassent en chef, dans un château fort, ou qu'ils fussent sous les ordres d'un Commandeur: 3) Voyés Hartknoch p. 613. Imhof les nomme Commendatores eastri (in not, proc. Imp.) Il ne faut pas les confondre avec les Commandeurs de maison des Templiers, que Munter nomme aussi en allemand, Haufs- Comthure, parceque le mot Haufs qui désignoit dans la Prusse, un château fort, signifie aussi une maison dans le langage commun. Ces Commandeurs de maison des Templiers étoient des freres servants, especes d'administrateurs, qui n'avoient d'autorité que sur d'autres servants. II en fut peut-être de même chés les Teutoniques en Palestine: mais en Prusse on ne peut pas douter que ces Commandeurs de forteresses, n'aient été tous, ou presque tous de la classe des chevaliers, |