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premier mouvement d'indignation, eût probablement coupé court à la carrière du futur vice-roi.

La Gazette de Pékin, du 14 novembre 1863, renferme un décret dans lequel il est dit, entre autres choses, que «Li Hong-tchang, depuis qu'il remplit le poste de gouverneur du Kiang-Sou, a montré beaucoup de prudence et de prévoyance et que sa tactique habile a complètement réussi. Il s'est emparé à différentes reprises de plusieurs villes, et il a obtenu de grands honneurs sur le champ de bataille. Et maintenant la prise de Sou-tcheou le rend encore plus digne de louanges. Comme marque de son entière approbation, il est agréable à Sa Majesté de lui conférer le titre honorifique de gouverneur du Prince impérial et de lui faire cadeau d'une jaquette jaune ».

A la fin de la campagne contre les Tai-Ping et à la suite de nouveaux services rendus par lui, particulièrement avec une flotte devant Nankin, l'Empereur conféra au Fou-tai du Kiang-Sou la noblesse héréditaire de troisième rang (Pe-comte) et la plume de paon à deux yeux (chouang, yen hoa ling).

Deux ans plus tard, Li Hong-tchang remplaçait son protecteur Tseng comme Gouverneur général des deux Kiang, un des postes les plus importants de la Chine: c'est le seul gouvernement de l'Empire qui embrasse trois provinces: Kiang-Sou, Ngan-houei, Kiang-si, arrosées par le Yang-Tseu-Kiang.

Le 21 juin 1870, le consul de France, M. Fontanier; son chancelier, M. Simon; l'interprête de la légation, M. Thomassin et sa femme, des prêtres, des sœurs de la charité, des négociants russes, étaient massacrés à Tien-Tsin par une foule surexcitée contre les étrangers par de faux rapports. Tseng Kouo-fan était alors vice-roi du Tche-li: soit qu'il eût demandé son changement, soit qu'il se fût montré hostile aux réclamations de la France, on lui choisit un successeur qui ne fut pas suspect d'avoir été mêlé aux massacres. Li avait été envoyé au printemps combattre les rebelles dans le Chen-si; on le rappela pour lui confier le poste occupé par son ancien patron. Chose curieuse, lorsque le successeur de Li, Ma, eut été assassiné à Nankin, en

| juillet 1870, Tseng reprit son ancien gouvernement des Deux-Kiang, protecteur et protégé faisant un véritable chassé-croisé.

Tseng Kouo-fan mourut deux ans plus tard à Nankin, le 12 mars 1872. 11 n'avait que soixante-cinq ans. La Chine perdait en lui un de ses plus grands hommes d'Etat, et Li son protecteur; mais l'ex-secrétaire du général en cher des armées contre les Tai-Ping était devenu le plus formidable rival de son ancien maître.

La mort de Tseng Kouo-fan laissait le champ libre à l'ambition de Li. Il ne redoutait plus que deux de ses collègues; mais l'un, Tso Tsung-Tang combattait les mahométans de Kachgarie, et il ne devait revenir de sa campagne que malade, aigri, insupportable: on l'envoya gouverner les deux Kiang pour remplacer l'autre rival de Li, Chen Paochen, qui s'était laissé mourir fort à

propos.

Li est donc aujourd'hui le vrai maître de la politique de son pays. Il a su placer un grand nombre de ses créatures dans des postes importants. Son propre frère Li Han-tchang est même l'un des gouverneurs généraux de l'une des dix-huit provinces. La longue minorité des empereurs Tong-Tche et Kouang-Su aura d'ailleurs contribué beaucoup à affirmer son influence. Lorsque Tong-tche mourut, le 12 janvier 1875, beaucoup crurent que Li, à la tête de son armée, peu éloigné de Péking, profiterait de l'établissement de la nouvelle régence pour tenter un coup d'Etat et se substituer, lui Chinois, à l'occupant mandchou du trône du Céleste-Empire. A-t-il craint de ne pas réussir? A-t-il véritablement le respect de son faible souverain? A-t-il reculé pour mieux sauter? L'avenir seul nous l'apprendra.

Depuis cette époque l'influence de Li Hong tchang a été grandissante. C'est lui qui, après l'attaque de l'expédition du colonel anglais Horace Browne, qui se rendait de Birmanie au Yunnan, et l'assassinat à Manwyne de l'interprète Augustus R. Margary, conduisit avec Mr. (maintenant Sir) Thomas Wade, ministre d'Angleterre à Pékin, les négociations terminées par une convention signée à Tchefou, le 13 septembre 1876.

Par cette convention, une indemnité de 200,000 taëls était accordée aux victimes du Yun-nan, de nouveaux ports, Itchang, Wou-hou, Wen-tcheou et Pe-hai (Pak-hoi) étaient ouverts au commerce étranger, et des questions importantes laissées depuis longtemps en suspens étaient réglées.

C'est également Li Hongtchang qui a signé, comme plénipotentiaire pour la Chine, les traités de Tientsin du 13 septembre 1871, avec le Japan et du 26 juin 1874 avec le Pérou.

Li est trop intelligent et trop bien renseigné pour ne pas apprécier la supériorité de l'Europe sur la Chine et, à ce sujet, je traduis d'un magazine anglais, aujourd'hui défunt, The Far East (1876, page 74), qui l'a pris luimême à un journal japonais, ce fragment d'une conversation entre le puissant vice-roi du Tche-li et M. Mori, le ministre du Japon à Peking:

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« Li. Dans votre opinion, quelle comparaison peut-on établir entre la civilisation de l'Europe et celle de l'Asie ». << MORI. - J'essaierai de vous dire mon humble opinion sur ce sujet. Tous les écrivains honnêtes reconnaissent que l'Asie a fait de grands progrès dans la civilisation. Supposons, toutefois, que la position que l'Asie occupe soit le troisième rang, prenant le dixième comme le plus haut celle de l'Europe ne peut être plus basse que le septième rang. << LI. C'est une comparaison très juste. Veuillez, je vous prie, me faire part de vos idées, quant au meilleur moyen de faire progresser mon pays. << MORI. Votre question est sérieuse et je n'oserais me risquer à donner une réponse. Je viens d'arriver dans cet immense pays et je n'en connais pas encore l'état intérieur. Toutefois, pour augmenter sa prospérité, la première chose à faire est de choisir les personnes dont les capacités les rendent plus propres que d'autres à s'occuper d'un semblable sujet. Ceci vous semblera clair. Cependant, à moins qu'il n'y ait trente Li Hong-tchang de plus en Chine, la besogne ne peut être exécutée. «LI (souriant). Pourquoi ditesvous cela? Il y a cent Li Hong-tchang en Chine. << MORI. Cela peut être; mais à quoi servent-ils, s'ils n'occupent pas leurs

vraies places dans des postes comme ceux de gouverneurs des dix-huit provinces ou de ministres du Tsong-li Yamen? Dans mon humble opinion, ces jeunes gens qui étudient en ce moment en Amérique, auront, lorsqu'ils seront devenus hommes, une influence semblable à celle que possède aujourd'hui Votre Excellence, et ils iront loin.

<< LI. Je suis tout à fait de votre avis. C'est moi qui ai fait partir ces jeunes gens pour l'Europe, et je place en eux de grandes espérances pour l'avenir».

Mais si le ministre chinois connaît les avantages qu'il peut tirer de l'Europe, il n'en désire que ce qui pourra, à son point de vue, relever la Chine. Il n'a donc cure ni de la littérature ni des arts de l'Occident; il n'en souhaite que la force militaire et ce qui peut l'augmenter: télégraphes et chemins de fer, qu'il ne fera construire toutefois que lentement, car il ne veut pas être à la merci de l'étranger, et il attend, pour donner à ses plans un plus grand développement, qu'il ait un personnel chinois suffisant. Il nous donne bien la mesure de l'amitié qu'il nous porte lorsqu'il écrit, dans un document secret, au premier ministre du roi de Corée: «On combat les poisons par les poisons, et les étrangers par les étrangers».

Il lui a été impossible jusqu'à présent de résister ouvertement à l'invasion étrangère; il a été obligé de céder devant les Japonais à Formose, devant les Anglais en acceptant la convention de Tchefou, devant les Russes en signant le traité de Kouldja; mais, lorsque l'occasion lui a semblé favorable, il a engagé la lutte pacifiquement. C'est ainsi qu'il a mis le négociant Tong King-Sing à la tête de la compagnie de navigation à vapeur dite la Chinese merchants steam navigation Company, subventionnée par lui pour transporter le riz et faire la concurrence aux entreprises anglaises et américaines sur la côte et sur le Yang-Tseu-Kiang. Mais, comme l'a dit M. Mori, il faudrait trente Li Hong-tchang pour régénérer cet enpire de 400 millions d'habitants qui, semblable à un vase trop plein, déborde sur les pays voisins.

La Chine aura-t-elle le temps d'attendre la grande révolution sans laquelle elle perdra son unité. Elle est poussée de toutes parts: une nation plus jeune,

plus active, plus entreprenante, surveille ses moindres fautes pour en profiter: le Japon est prêt à recueillir les épaves échappées au Céleste Empire, et désireux de s'emparer de la suprématie dans l'Extrême-Orient. Li Hong-tchang seul sera impuissant à conjurer la tempête; s'il eût été capable de le faire, il y a sept ans déjà qu'il eût pu montrer qu'il en avait le désir.

grand de six pieds et mince; il a les traits fins, l'œil vif, et beaucoup de bonhomie pleine d'une aimable brusquerie, se traduisant d'une manière toute méri

dionale par des gestes, dont les Chinois sont généralement très sobres. Dans ses familiarités, s'il tient sa longue pipe à bouquin de jade et à fourneau de cuivre, il vous en frappe fréquemment le bras lorsqu'il veut attirer particulièrement l'attention sur un point de la conver

Enfin, pour terminer un portrait phy-sation. D'autres fois, surtout lorsqu'il sique de l'homme d'Etat chinois, que nous devons à un ami, très au courant des choses de l'Extrême-Orient, et qui se cache sous le pseudonyme de T. Choutze:

«Li Hong-tchang a beaucoup de distinction dans toute sa personne. Il est

discute la solution d'une affaire, sa main, comme le couteau d'exécuteur, s'abat de haut en bas; ce geste, qui lui est très familier, signifie que les têtes sont tombées: ce qui n'a jamais l'air de lui causer autre chose que de la bonne humeur ».

KAO.

CONGRÈS INTERNATIONAL DES ORIENTALISTES.

Monsieur,

ONZIÈME SESSION.

PARIS, 5-12 Septembre 1897.

Veuillez agréer, Monsieur, les expres

tinguée.

Les Orientalistes réunis à Genève, au sions de ma considération la plus dismois de septembre 1894, ont décidé, à | l'unanimité, que le prochain Congrès se tiendrait à Paris dans le courant de l'année 1897.

Les Orientalistes français se sont concertés afin de fixer la date, de constituer les différentes sections et de tracer provisoirement le tableau des travaux auxquels ils se proposent de se livrer avec le concours de leurs Collègues des différents pays de l'Europe, de l'Amérique et de l'Orient, afin de soutenir l'essor pris depuis plus de vingt ans par l'étude des Langues, de l'Histoire et de l'Archéologie orientales.

Nos Collègues ont été d'avis de fixer la durée du Congrès du 5 au 12 septembre 1897, et vous trouverez, Monsieur, dans le tableau ci-joint, la liste des sections dans lesquelles ils verront s'inscrire avec le plus vif plaisir tous les savants qui voudront bien se rendre à l'appel qui leur sera adressé.

Le Président,
CHARLES SCHEFER.

Paris, Mai 1896.

Un avis publié ultérieurement fera connaître les facilités qui seront accordées aux Orientalistes par les Administrations des chemins de fer et l'emploi des journées pendant leur séjour à Paris.

M. ERNEST LEROUX a été désigné pour être le trésorier et l'éditeur du Congrès. Il a été décidé que la cotisation serait fixée à Vingt francs.

Protecteur du congrès: M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.

Commission permanente.

Président: M. CHARLES SCHEFER, Membre de l'Institut, Administrateur de l'Ecole des Langues Orientales vivantes, rue de Lille, 2.

Vice-Président: M. BARBIER DE MEYNARD, Membre de l'Institut, Président de la Société Asiatique, Professeur au Col- | lège de France, boulevard de Magenta, 18. Secrétaires: MM. MASPERO, Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France, avenue de l'Observatoire, 24. HENRI CORDIER, Vice-Président de la Commission Centrale de la Société de Géographie, Professeur à l'Ecole des Langues Orientales vivantes, place Vintimille, 3.

Membres: MM. E. AYMONIER, Directeur de l'École Coloniale, rue du Général Foy, 46. EM. GUIMET, Directeur du Musée Guimet, place d'Iéna. JULles Oppert, de l'Institut, Professeur au Collège de France, rue de Sfax, 2. G SCHLUMBERGER, de l'Institut, avenue d'Antin, 27. EM. SENART, de l'Institut, rue François 1er, 18. Marquis DE VOGUE, de l'Institut, rue Fabert, 2.

Trésorier et Éditeur du Congrès: M. ERNEST LEROUX, rue Bonaparte, 28.

Commission générale
d'organisation.

Deuxième Section, Langues et Archéologie de l'Extrême-Orient: a) Chine et Japon: MM. CORDIer, Devéria, GUIMET, DE ROSNY, ED. SPECHT. Secrétaire: M. ED. CHAVANNES. b) Indo-Chine, Malaisie et Polynésie: MM. AYMONIER, BONET, CORDIER, MARRE. Secrétaire: M. P. LEFEVRE-PONTALIS.

Troisième Section, Langues et Archéologie Musulmanes: MM. BARBIER DE MEYNARD, DerenBOURG, HOUDAS, SCHEFER. Secrétaire: M. CASANOVA.

Quatrième Section, Langues et Archéologie Sémitiques: a) Araméen, Hébreu, Phénicien, Ethiopien: MM. Ph. BERGER, RUBENS DUVAL, Marquis DE VOGUÉ. Secrétaire: M. L'Abbé CHABOт. b) Assyrie: MM. HEUZEY, J. OPPERT, L'Abbé QUENTIN, THUREAU-DANGIN. Secrétaire: R. P. SCHEIL.

Cinquième Section, Egypte et Langues Africaines MM. GUIEYSSE, Le Général HANOTEAU, LEFÉBURE, MASPERO, PIERRET. Secrétaires: MM. RENÉ BASSET et MORET.

Sixième Section, Orient, Grèce. Relations de l'Hellénisme avec l'Orient.

G. SCHLUMBERGER. Secrétaires: MM. JEAN PSICHARI et THÉODORE REINACH.

Première Section, Langues et Archéo--Byzance: MM. D. BIKÉLAS, E. LEGRAND, logie des Pays Aryens: a) Langues et Archéologie de l'Inde: MM. BARTH, BRÉAL, SENART, VINSON. Secrétaire: M. SYLVAIN LÉVI. b) Iran: MM. CARRIÈRE, Dieulafoy, Drouin, Blochet. Secrétaire: M. MEILLET. c) Linguistique: MM. BRÉAL, V. HENRY, PAUL BOYER, Ed. SPECHT. Secrétaire: M. LOUIS DUVAU.

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Septième Section, Ethnographie, Folklore de l'Orient: MM. Le Prince ROLAND BONAPARTE, Le Docteur E.-T. Hamy, GIRARD DE RIALLE. Secrétaire: M. F. GRENARD.

CHRONIQUE.

ALLEMAGNE ET AUTRICHE.

M. le Dr. J. KOGANEI a publié, sous le titre de « Kurze Mittheilungen über Untersuchungen an lebenden Aïnos », une excellente monographie sur les affinités, l'origine et l'histoire préhistorique etc., des Aïno.

Le Livre de M. le Dr. AL. SWANOWSKY: «Zur Anthropologie der Mongolen >> contient une excellente revue critique de la littérature sur l'anthropologie des Mongols.

Sous le titre «Alliances et Mésalliances » M. Christian Wappäus nous communique dans le Berliner Tageblatt du 11 Mai dernier, la nouvelle que la veuve de M. HAENEL-CLAUSS, l'épouse divorcée de l'orientaliste feu GEORG VON DER GABELENTZ, ALEXANDRA, baronne de ROTHKIRCH-TRACH, vient d'épouser en 3es noces le Major hors service VICTOR VON STOLTZENBERG à Hanovre.

La Société de Géographie à Munich (Bavière) vient de nommer notre collaborateur, le Docteur FRIEDRICH HIRTH, comme membre honoraire.

BELGIQUE.

Un comité composé de Mgr. Abbeloos, Recteur Magnifique de l'Université, MM. Ph. Colinet, A. Hebbelynck, Ch. Lecoutere, W. Bang, Professeurs à l'Université, le R. P. J. Van den Gheyn, Bollandiste, Bruxelles, s'est constitué à LOUVAIN, pour publier un volume de «Mélanges de philologie orientale, hommage offert à Monseigneur de HARLEZ par ses collaborateurs et ses amis » à l'occasion du jubilé de son professorat.

CHINE.

«Le Temps » du 29 Mars jette le cri d'alarme sur l'ouverture du Si-kiang au commerce européen en ces termes:

Le ministre du commerce d'Angleterre vient d'annoncer que la Chine, défé

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