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rant au vœu si souvent manifesté par les négociants européens et surtout par les Anglais de Hong-Kong, avait décidé d'ouvrir la West-River au commerce international. La West-River, comme disent les Anglais, la rivière de Canton, selon la définition de nos géographes, le Si-Kiang, suivant les dénominations chinoises, est un vaste fleuve qui débouche dans la mer de Chine aux environs de Hong-Kong et qui draine, en totalité ou en partie, les eaux des provinces chinoises du Kouang-Toung, du Kouang-Si, du Yun-Nan et du Koueï-Tchéou. Ouvrir le Si-Kiang au commerce international, c'est donc permettre aux commerçants de tous les pays, par conséquent aux Anglais de Hong-Kong, de remonter ce fleuve et de pénétrer ainsi sur certains marchés chinois du Kouang-Si et du Yun-Nan. Cette mesure paraît provoquer une certaine émotion et un journal dont les sympathies ministérielles sont connues jette un cri d'alarme disant que c'était « le plus rude coup que l'Angleterre pouvait porter à la France en Extrême-Orient ». D'après lui, l'avenir économique du Tonkin serait ipso facto compromis, le commerce du Yun-Nan allant être monopolisé par les vapeurs anglais du Si-Kiang.

Sans nul doute, la pénétration des vapeurs de Hong-Kong sur le Si-Kiang va constituer une redoutable concurrence pour ceux de nos nationaux qui espéraient être les seuls à commercer dans le Yun-Nan et le Ssé-Tchouen, grâce à la route tonkinoise du fleuve Rouge et au chemin de fer de Lang-Son. C'est un pénible avertissement pour ceux qui s'apprêtaient à triompher du succès diplomatique résultant de la concession éventuelle par la Chine du prolongement, jusqu'à Long-Tchéou, du chemin de fer de Phu-Lang-Thuong à Lang-Son.

Il ne faut pas, au surplus, être trop surpris de la situation faite à notre commerce en Chine. Est-ce que, dans la convention franco-anglaise du 15 janvier, il n'y a pas déjà un article qui dit : « Les deux gouvernements s'engagent à user de leur influence et de leurs bons offices auprès du gouvernement chinois >> pour rendre communs aux «nationaux et ressortissants » des deux nations, les << privilèges et avantages commerciaux ou autres concédés dans les deux provinces du Yun-Nan et du Ssé-Tchouen »? Nous ne sommes pas alarmés, nous, outre mesure de ces dispositions, car, au fond, la voie du fleuve Rouge reste toujours la voie la plus directe et la plus courte pour se rendre de la mer au Yun-Nan. De Long-Po, point terminus de la navigation fluviale sur territoire français, au centre du Yun-Nan, il n'y a, par la vallée du fleuve Rouge, que 300 kilomètres à vol d'oiseau: or, pour arriver par la vallée du Si-Kiang à une distance égale du centre du Yun-Nan, il faut effectuer sur le fleuve chinois une navigation autrement longue et difficile que sur le fleuve français.

Nous croyons donc d'autant moins à un grave échec pour le développement de l'activité française dans la Chine méridionale, que rien ne nous empêche de profiter nous-mêmes des avantages que peut donner l'ouverture du Si-Kiang au commerce international. Seulement, il est de toute évidence que, si nous voulons

trouver la compensation équitable des sacrifices que nous avons faits en IndoChine, il faut avoir une diplomatie qui se préoccupe avant tout d'obtenir des avantages réels et qui, pour les consolider, n'hésite même pas à les masquer.

Là-dessus, l'Angleterre nous donne des exemples topiques. Dans le débat qui s'est ouvert hier à la Chambre des communes, le sous-secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, M. Curzon, répondant aux critiques de son prédécesseur dans le cabinet libéral, sir Ed. Grey, aurait pu montrer que l'Angleterre, ne pouvant pratiquement prendre contact avec le Yun-Nan par la Birmanie, allait y parvenir par l'ouverture du Si-Kiang. Il aurait pu démontrer ainsi que la question du haut Mékong cessait d'avoir une valeur réelle et que l'abandon du district de Muong-Sing à la France ne méritait pas la moindre mention. En politique avisé, il s'est cantonné sur le terrain où l'avaient appelé ses adversaires et il a méprisé un triomphe facile.

On pourrait, on l'avouera, s'inspirer de ces procédés de gouvernement.

L'Eclair du 4 Avril nous communique que l'empereur de Chine vient de conférer la décoration du Double-Dragon à M. Gérard, ministre de France à Pékin, ainsi qu'à ses collègues de Russie et d'Allemagne, le comte Cassini et le baron Schenk.

Le 7 Mai M. Tching-Tchang, ministre de Chine à Paris, a remis à M. Hanotaux la plaque de l'ordre du Double-Dragon de première classe, qui a été conféré au ministre des affaires étrangères par un décret spécial de l'empereur sur délibération du Tsong-li ya-men.

On mande de Berlin de qu'un officier prussien, le colonel Liebert, a accepté la mission de réorganiser l'armée chinoise. Il partirait pour Pékin la semaine prochaine, accompagné d'une vingtaine d'officiers instrncteurs qui l'assisteront dans sa tâche.

Sous le titre « Un décret du Fils du Ciel », le Petit Temps du 21 Mars dernier, nous communique les détails suivants:

On sait que l'impératrice, ex-régente de Chine (elle fut corégente de 1861 à 1881 et seule régente de 1881 à 1889), y exerce toujours sur l'esprit de l'empereur Kouang-sü, son neveu et son fils adoptif, une influence considérable, et qu'elle continue à être un facteur politique très actif, le chef d'un puissant parti dont Li Houng-Tchang est le lieutenant. Pendant la guerre avec le Japon, son pouvoir parut subir une éclipse et nous avons raconté en leur temps quelques-unes des intrigues dont elle faillit être la victime. Mais le jeune empereur n'a pas tardé à rendre toute sa confiance à sa première conseillère: il vient de publier un décret par lequel il répudie toute solidarité avec les ennemis de Sa Majesté Tsou-Hsi et fiétrit leur conduite. Voici les passages les plus caractéristiques de ce curieux document dont le texte a paru dans la Gazette de Pékin:

<< Nous avons toujours entretenu un respectueux sentiment de gratitude pour les soins et la sollicitude dont l'impératrice douairière a entouré jour et nuit notre enfance et nous avons cherché à la payer de retour en lui obéissant en toutes choses. Nous avons aussi envers elle une grande dette de reconnaissance pour les immenses bienfaits que nous ont valus ses conseils aussi bien dans la paix et la guerre que dans les moindres actes de la vie quotidienne. Elle était en tout et toujours attentive à empêcher notre inexpérience de nous induire en erreur. Tout cela est connu des fonctionaires. Qu'on s'imagine donc les sentiments que nous avons éprouvés dans plusieurs de nos audiences, en entendant des hommes grossiers, sans réserve ni jugement, prononcer des paroles et exprimer des sentiments tendant à diminuer notre gratitude filiale et notre respect pour Sa Majesté impériale»>.

Il paraît que ces hommes grossiers auxquels il fait allusion ne seraient autres que les vice-présidents Wang et Tchang, qui usaient fréquemment, l'an dernier, d'un langage injurieux à l'égard de l'impératrice douairière, dans le but d'amener une rupture entre elle et l'empereur. Celui-ci déclare qu'il les aurait alors révoqués, mais le pays traversait une crise, l'impératrice douairière était malade et il coutint sa colère. Aujourd'hui le moment est venu de faire connaître son impérial désir que les ministres et autres usent de plus de discernement dans leur language et évitent le danger d'insulter l'impératrice douairière.

Wang et Tchang sont en conséquence exclus à tout jamais du service public, << châtiment léger, eu égard à la grandeur de l'offense». Il est en même temps signifié à la cour et aux ministres qu'à l'avenir quiconque tentera de détourner l'empereur de ses devoirs en vers l'impératrice douairière sera puni avec une extrême sévérité.

Ce décret prouve que l'hostilité qu'on disait exister contre l'influence de l'impératrice douairière sur le gouvernement existe réellement.

Le correspondant du North China Daily News à Pékin publie dans un numéro de ce journal, qui vient de nous parvenir, le texte du prétendu traité secret qu'auraient conclu la Russie et la Chine et qui serait ratifié pendant le séjour de Li Houng-Tchang à Saint-Pétersbourg. Voici, sous toutes réserves, les principales stipulations énumérées dans ce document, dont l'origine paraît bien suspecte, mais dont la Gazette de Voss affirme qu'il a «produit l'effet d'un coup de tonnerre sur les représentants des puissances en Chine»:

Le grand empereur de Chine, étant extrêmement reconnaissant au tsar de la médiation amicale exercée par ce souverain pour lui faire rétrocéder le LiaoToung et pour lui fournir l'argent nécessaire au payement de l'indemnité de guerre, désire prouver sa gratitude en concluant une alliance avec la Russie. La Chine fera tout son possible pour assister la Russie de toutes les manières dans l'éventualité de difficultés avec une puissance asiatique quelconque. A cette

fin elle l'autorise à se servir des ports qu'elle choisira, sur la ligne des côtes chinoises, pour faire du charbon; en cas de sérieux dangers menaçant la Russie, la Chine consent qu'elle recrute des forces, achète des chevaux, loue des coolies, etc., mais c'est là une chose secrète qui devra être accomplie sans bruit. Si des représentations étaient adressées de ce chef à la Chine, celle-ci répondra qu'elle agit par contrainte, la Russie étant la plus forte. D'autre part, si la Chine désire témoigner plus activement son amitié à la Russie en lui prêtant ouvertement son secours et en attaquant ses ennemis de concert avec elle, cela aussi se pourra faire, dans la mesure où les circonstances le permettront.

Actuellement les ports russes sont peu favorables à cause de la glace qui les bloque durant les mois d'hiver. En vue d'assister son alliée, l'empereur de Chine lui confère un droit d'ancrage à Port-Arthur, où elle pourra aussi faire camper ses troupes; dans le cas où l'on devrait éviter de ce chef des difficultés avec les autres puissances, la Russie pourra se servir, à défaut de Port Arthur, de la baie et du port de Kiao-Tchéou, dans le Chan-Toung, y construire des dépôts de charbon et des casernements. Dans le cas où Kiao-Tchéou ne répondrait pas aux besoins de la Russie, celle-ci pourra choisir un port à son gré dans le Kiang-Sou et le Tché-Kiang... Un édit secret sera promulgué, à l'adresse des autorités provinciales, pour les informer de ces décisions, et des interprètes seront tenus, à Shanghaï, à la disposition de l'amiral russe.

Si la Chine a quelques difficultés avec d'autres puissances, la Russie s'efforcera de les écarter et si ses efforts échouaient, la Chine aura droit, avant toute autre puissance, à son assistance et l'alliance entre ces deux nations sera resserrée... Mais la Chine laissera les officiers russes s'engager librement le long de sa frontière orientale de Feng-Tien à Kirin et le long du fleuve Ya-Lou, pour raison de commerce et de défense.

Aussitôt l'achèvement du transsibérien, la Chine permettra à la Russie de construire une ligne passant par Kirin et la Mandchourie et arrivant à Ta-lienWan, dans le Feng-Tien, ou à n'importe quel autre point qu'elle choisira. Afin de protéger cette ligne, la Russie pourra occuper et fortifier une des îles situées dans la baie de Ta-lien-Wan, y entretenir des troupes et y stationner des navires de guerre. Pour la protection du transsibérien de même, et des environs de Vladivostok, la Russie pourra fortifier et occuper quelque point au sud de HunTchéou. En cas d'hostillités éclatant à propos de la Corée, la Russie occupera le côté ouest de cette péninsule.

La Chine ouvrira ses marchés à la Russie qui, en échange, réorganisera l'armée chinoise et lui enverra des officiers instructeurs.

Au banquet de l'association des chambres de commerce britanniques, qui a eu lieu le 27 Mars du soir à Londres, le ministre du commerce, M. Ritchie, a fait importante déclaration sur laquelle il est nécessaire d'attirer l'attention.

une

Le ministre a officiellement annoncé que sur les instances de la Grande-Bretagne, le gouvernement chinois venait de consentir l'ouverture du fleuve Si-Kiang au commerce international. C'est le plus rude coup que l'Angleterre pouvait porter à la France en Extrême-Orient.

Cette mesure met en effet en question une partie des avantages que nous comptions retirer du Tonkin. Il semblait en effet que cette colonie, grâce aux chemins de fer de pénétration projetés, fût appelée à servir de débouché au commerce de la riche et populeuse province chinoise du Yun-nan, privée jusqu'à présent de tout moyen de communication avec l'extérieur. Or pendant que nos compatriotes obtenaient avec peine l'autorisation de construire ces chemins de fer, les Anglais, par une manœuvre habile, faisaient ouvrir la navigation du Si-Kiang, la grande artère fluviale qui traverse dans toute son étendue le Yun-nan. Ainsi donc, avant que le premier rail de nos chemins de fer soit posé, les navires et les barques anglaises auront remonté le Si-Kiang et accaparé tout le commerce du Yun-nan.

Voilà le résultat le plus clair de la concession en apparence si anodine que la Chine vient de faire à l'Angleterre.

En voyant le gouvernement de Pékin accorder de pareils avantages aux adversaires qui, pendant la dernière guerre, étaient les plus acharnés à sa perte, on se demande pourquoi nous sommes intervenus en sa faveur. L'Angleterre obtient coup sur coup l'emprunt, la construction des chemins de fer, la commande des cuirassés.

C'est à croire qu'il vaut mieux être ennemi de la Chine que de compter parmi ses amis. Qu'on y prenne garde à Pékin, cela pourrait bien nous servir de leçon pour l'avenir.

La construction du chemin de fer de Sou-Tchéou, province de Kiang-Sou, près Shanghaï, est sanctionnée.

Le gouvernement chinois nie qu'un traité secret ait été conclu avec la Russie et déclare que les projets désirés par la Chine sont réalisables sans traité. La Chine adhère à l'union postale.

On vient de recevoir le texte de l'édit de l'empereur de Chine coucernant la construction des chemins de fer en ce pays. Voici le résumé de ce document, adressé non seulement au peuple de la capitale, des provinces et des autres dépendances du Céleste-Empire, maia «à nos sujets travaillant à l'étranger »: L'empereur a lu le mémoire du ministre de la guerre conseillant la nomination d'un haut fonctionnaire comme directeur de la construction des chemins de fer; ceux-ci étant utiles pour développer le commerce et pour donner du travail au peuple, l'empereur a décidé d'encourager l'entreprise. Il a ordonné à ses princes et ministres de commencer par une ligne voisine de la capitale, et un juge provincial, Hu, fut chargé de faire les relevés et de dresser les

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