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» de parchemin, contenant estat, en lettres vieilles, des » titres trouvés dans 6 coffres, dans la Chambre du Trésor » de Paris, concernant les comté de Toloze, etc. Le dit » roulleau commençant par ces mots : Hec sunt instrumenta, » que magister Bartholomeus de Podio, judex Carcassone, invenit » Parisius, et finissant de l'autre côté du dit roulleau par » ceux-ci : LXX. Carta de Caslucio. >>

Enfin, en même temps qu'il classait ces pièces, en novembre 1269, un notaire de Carcassonne, nommé Pierre de Paris, prenait copie d'un certain nombre d'actes, émanés tant des papes que des Montfort. Nous connaissons ce fait par un transcriptum pris sur cette copie, peu de temps après, si l'on en juge d'après l'écriture, et qui se trouve aujourd'hui dans les Armoires de Baluze1; il provient du midi.

Presque en même temps, ou tout au moins l'année suivante, on transcrivit cinq de ces six layettes dans un grand registre, qui devint le premier exemplaire, l'original de ce qui s'appela plus tard le Registrum Curie.

V. LES AUTEURS DU CLASSEMENT DE 1269.

Des trois auteurs de ce classement, le 3o, Jean de Mourlens, nous est entièrement inconnu; nous n'avons sur lui que la préface de notre recueil, qui l'indique comme chanoine de la Sainte-Chapelle. Des deux autres, l'un, Nicolas d'Auteuil, nous est à peu près aussi inconnu; nous savons seulement qu'il était de Picardie, et en juin 1270, il reçut une lettre de saint Louis, datée d'AiguesMortes, qui le qualifie de trésorier de Saint-Frambaud de Senlis2. Ce fait nous ferait croire qu'il était parent d'un certain Pierre d'Auteuil, chevalier, sénéchal de Carcassonne et de Béziers entre 1250 et août 1263, dont le nom se retrouve fréquemment dans les documents de cette époque.

Au contraire, sur le dernier de ces archivistes, Barthélemy de Pennautier, nous avons pu rassembler un certain nombre de renseignements et quelques documents inédits. Ce personnage, clerc du roi, prit part à peu près à toutes les affaires importantes qui se traitèrent dans la sénéchaussée de Carcassonne, de 1255 à

1. Baluze, vol. 385.

2. Morand, Hist. de la Sainte-Chapelle, pr. p. 15.

1274. Juge du roi, chargé de défendre ses intérêts dans mainte cause difficile, il apparaît comme le premier juge-mage de la sénéchaussée, dignité qui subsista jusqu'en 1790. Ce magistrat, lieutenant du sénéchal, exerçait ses fonctions judiciaires, présidait le tribunal, prononçait les sentences à sa place, et de plus, par suite d'une confusion fréquente à cette époque, il remplissait souvent des missions administratives ou politiques.

Au XIIe siècle, dans les sénéchaussées, le gouvernement local était organisé comme le pouvoir royal proprement dit; autour du sénéchal, représentant du roi au triple point de vue militaire, politique et judiciaire, chef naturel des milices et de la noblesse du pays, se tenaient, pour lui donner conseil dans les cas difficiles, un certain nombre de personnages plus ou moins importants qui formaient le consistorium, la curia. C'était par leur avis qu'il administrait le pays, qu'il réglait les affaires en litige, qu'il établissait les assises de revenus ordonnées par le roi, c'était là qu'après estimation faite par des habitants de chaque localité, on dressait acte de l'assise1; c'était encore cette cour qui recevait les hommages et les reconnaissances2; c'était à elle que les villes s'adressaient quand il s'agissait de questions d'organisation intérieure3. Tantôt c'est un simple conseil d'officiers inférieurs, viguiers, châtelains, sergents, etc.; tantôt, au contraire, cette cour prend une importance exceptionnelle; des évêques, des abbés, la plupart des nobles de la province y siégent, et elle a à décider, en qualité d'Assemblée des Trois Etats de la sénéchaussée, des questions d'intérêt public. A toutes ces assemblées, Barthélemy de Pennautier joua un rôle important et se montra le zélé défenseur des droits du roi1.

Ses pouvoirs judiciaires étaient très-étendus; il jugeait au civil et au criminel. Au civil, c'est devant lui et le sénéchal, que comparaît en 1256 Pierre de Saint-Antonin pour justifier de ses droits à la possession de certaines terres qu'il avait en saisine3; en 1261, il décide à qui reviendront des biens confisqués sur les héré

1. Lat. 9996, p. 113, 116, etc.

2. Lat. 9996, p. 125.

Doat. 154, fo 234. JJ. XXXA, fo 128.

3. C'est ainsi qu'en 1271, elle autorisa la ville de Carcassonne à construire un

marché et un hôtel de ville (Lat. 9996, p. 137-8).

4. Lat. 9996, p. 126-9.

5. Lat. 9996, p. 4.

tiques de Béziers 1; en 1270, le sénéchal et lui remettent aux consuls de Narbonne l'amende qu'ils avaient encourue pour violation des règlements du roi sur l'exportation du blė2; la même année il assiste Guillaume de Choardon dans la revendication de la haute justice d'Alzonne, usurpée par Fouquet de Compiègne3. Au criminel, en 1274, il fait le procès d'une femme accusée de sorcellerie1, et en 1259, de concert avec son collègue, Guillaume de Banières, il condamne les complices de l'évêque d'Alby et du vicomte de Lautrec dans la guerre par eux faite à l'abbé de Gaillac 5.

Souvent aussi, il avait à remplir des missions de nature différente; il va avec Guillaume de Choardon, après la mort d'Alfonse, recevoir le serment de fidélité des habitants du comté de Toulouse au roi de France (1271); le sénéchal le délégue pour recevoir le serment et la reconnaissance du vicomte de Narbonne (1277)7. Une autre fois, il va à Peyriac avec notaires et jurės pour vérifier une assise; quelquefois il aura à l'établir ou bien sera chargé de défendre les intérêts du roi dans une affaire importante; on l'appelle alors: patronus et defensor causarum Domini Regis 9. Enfin il put paraître dans des occasions plus importantes encore, à plusieurs reprises; de 1270 à 1272, il aide le sénéchal à répondre au clergé de la province, qui se plaignait d'être obligé de s'acquitter du service militaire 10.

Quant aux titres qu'il portait, nous le trouvons qualifié de juge du sénéchal, de clerc du roi, juge de Carcassonne, juge de la cour de Carcassonne de Monseigneur le Roi. Les vicomtes de Lautrec lui écrivent en ces termes: Viro provido et discreto Domino magistro Bartholomeo de Podio, clerico Domini Regis Francie, judici Carcassonne ".

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De toutes les affaires auxquelles il se trouva mêlé, la plus importante fut la mission des enquêteurs du roi saint Louis de 1259 à 1262. On sait quelles étaient les fonctions de ces personnages; choisis parmi les clercs et conseillers du roi tant laïques qu'ecclésiastiques, ils parcouraient, deux ou trois ensemble, les sénéchaussées et les bailliages, recevant les plaintes des administrés contre les agents du roi et décidant les affaires en dernier ressort. C'était un tribunal ambulant. Le grand but de cette institution était de découvrir et de punir les prévarications des officiers royaux. Déjà, en 1248, avait eu lieu, dans la sénéchaussée de Beaucaire, une première tournée de ces magistrats, dont on a les actes; en 1259, ils vinrent dans celle de Carcassonne. Plus qu'aucun autre, ce malheureux pays avait besoin de mesures réparatrices. La résistance des Albigeois, qui s'y était prolongée au-delà de 1250, y avait laissé des traces sanglantes, amené des injustices, entraîné des dépossessions violentes

Vers 1259, arrivèrent à Carcassonne Henri de Vézelay, Nicolas de Cahier (de Catherio), et Pierre de Voisins, accompagnés de Gui Fulcodi, clerc du roi, qui, ayant passé dans la province de longues années, la connaissait à fond. Ils se formèrent en tribunal et reçurent toutes les plaintes, quels que fussent leur objet ou leur auteur. Une fois présentées, les suppliques passaient sous les yeux du juge de Carcassonne, désigné pour défendre les intérêts du roi, pour être son procureur; il les déclarait fondées en droit ou douteuses; dans le premier cas on y faisait immédiatement droit; dans le second, Philippe de Cahors, clerc du roi, procédait à une enquête ; celle-ci une fois terminée, était examinée par les juges enquêteurs, Henri de Vézelay et ses collègues, qui prononçaient en dernier ressort, et transmettaient leur décision, sous forme de lettre-missive, à Pierre d'Auteuil, alors sénéchal de Carcassonne et de Béziers. Une fois toutes les affaires instruites, Barthélemy de Pennautier et un clerc du roi, nommé Amiot, furent chargés de l'exécution des sentences.

Nous tirons ces renseignements du registre des enquêteurs, dont la Bibliothèque nationale possède deux copies, l'une incomplète, de la main de Baluze (lat. 6193), l'autre entière, exécutée pour le même savant (lat. 5954 A). Ce recueil fut composé par Barthélemy sur l'ordre du sénéchal; il comprend un préambule intéressant, que nous donnons aux preuves, et toutes les lettres des enquêtes relatives à la sénéchaussée, rangées dans l'ordre rigou

reusement chronologique; une partie additionnelle comprend les actes de l'exécution d'un certain nombre de ces sentences par le juge-mage et son collègue P. Amiot. La plus grande partie de ce registre est inédite et serait fort intéressante à publier; il fournirait de nombreux renseignements sur l'administration du pays par les premiers sénéchaux royaux, sur l'état des terres et des personnes, dans le midi, à cette époque; enfin sur le système suivi par le roi saint Louis, à l'égard de la noblesse du Languedoc, dépossédée par les premiers conquérants.

Tant de services rendus par le juge-mage méritaient bien une récompense. Elle ne se fit pas attendre; dès juin 1265, le roi saint Louis accordait à son amé et féal Barthélemy de Pennautier une charruée de terre, à prendre sur les domaines des hérétiques de Pennautier1. La lettre du roi fut exécutée par Thomas de Montceliard, sénéchal de Carcassonne, le 9 août 1265; sur le rapport de Pierre de Provins, viguier de Carcassonne, et de Robert de Sens, châtelain de Montréal, il désigna les terres qui durent composer cette assise, qui put se transmettre en droite ligne et par descendance légitime.

Le juge-mage vécut au moins jusqu'en 1277; il avait cessé de vivre au commencement de 1281. En effet en janvier 1280 (v. st.), Philippe le Hardi mande au sénéchal de laisser ses enfants jouir paisiblement des terres nobles acquises par leur père, s'ils peuvent les desservir d'une manière convenable et s'acquitter de tous les devoirs féodaux. Le roi ajoute même, qu'au cas où ces terres auraient été réduites à l'état de censives, les fils du juge-mage n'auraient à payer que la moitié des droits de rachat, imposés aux personnes non nobles, en spécifiant que c'est par considération pour les services rendus par leur père au roi saint Louis. Cette charte nous apprend encore que, tout roturier qu'il fût, Barthélemy de Pennautier avait épousé une femme noble (generosa). Tels sont dans leur ensemble les renseignements que nous avons pu recueillir sur ce personnage.

VI. LES MANUSCRITS DU Registrum Curie.

En même temps que Barthélemy de Pennautier et ses collègues classaient les actes originaux, ou tout au moins peu de temps

1. Voir aux preuves, no iv.

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