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N'est mie m'entente que je laisse
Que j'aye la rime si chiere
Que j'en laisse point ma matiere,
Se belle y vient, boin l'est joyr,
Se mains belle, on le doit oyr,
Pour la merveille et l'estourmie
Dont Boëces pleure et s'escrie.

2o Commencement du livre I :

Je qui fis ja canchons de joie,
En ma fleur, quant j'estudioie,
Las plorans sui constrains en l'eure
Tourner mon chant en chantepleure.
Veschy gries canchons qui me poingnent,
Et d'escripre et ditter m'ensoingnent
De tristes plaintes que je fache
Des pleurs qui arousent ma fache.

3o Fin du livre V:

Levés vos coers en esperance;
Par bien vivre à juste balance,
Faites d'umble priier present
A la Dieu haultece present;
Car trop est grans necessités
Qu'en bienfais vous exercités
Se vostre voloirs ne desrieugle
Dissimuler qui vous avugle;
Car tout faites en yex de juge,
Qui les boins et les malvais juge,
Qui tous jours ait honneur et glore,
Et de lui en nos coers memore.

A tant fay fin a tant souffisse
De l'oevre que j'ay entreprise,
Quant à Boëce rommanchier,
Dont se sont volu avanchier
Pluseurs aultres, et bien me plaist,
Je n'en fay action ne plaist;

Lise cascuns que boin li samble,
Mais cascun pri que il assamble
Mes dis avoec leur exemplaire,
Le latin, si li devra plaire,
Car mot à mot, à poy ce faut,
L'expose et construis sans deffaut.
Adjouste que jou y expose
Tout ce que Boeces suppose.
Si m'escuse de mon langage,
Rude, malostru et sauvage:
Car nés ne sui pas de Paris,
Ne si cointes com fu Paris;
Mais me raporte et me compère
Au parler que m'aprist ma mère,
A Meun, quant je l'alaitoie,
Dont mes parlers ne s'en desvoie ;
Ne n'ay nul parler plus habile
Que cellui qui keurt à no ville.
Si m'en poeent bien escuser
Qui de plus bel voelent user.
Si me repos et lays mon oeuvre,

Et men cornet cloc et recoevre.

L'auteur de la traduction était donc originaire de Meung; mais, comme l'a très-bien montré notre savant confrère M. Paulin Paris1, il ne faut pas le prendre pour le célèbre Jean de Meung, et il convient de se défier de la souscription qui termine l'ouvrage dans le ms. français 576 « Explicit Boetius de consolatione philosophie, translatus in hunc modum a magistro Johanne de Meun, quem scribi fecit dominus Petrus Clerici, presbiter, curatus d'Escout, Attrebatensis dyocesis, per Petrum de Palude de Fura Brabantinum, et fuit completus anno Domini millesimo tricentesimo octuagesimo secundo, mensis Februarii die duodecima, extra muros civitatis Attrebatensis, in vico nuncupato le rue maistre Adam, ubi tunc dictus dominus Petrus morabatur. Imploret quisque hunc presentem librum inspiciens pro ejus anima intemerate Virginis filium, et vicium scriptoris supportet et in melius dirigat. »

1. Les manuscrits françois, V, 43.

Un second exemplaire de la même version, exécuté en 1402, ou environ, se rencontre aux fol. 1-76 du ms. français 1543; mais le copiste en a supprimé les vers dans lesquels le poète parle de sa patrie et de son style.

D'après une conjecture de M. Paulin Paris 1, cette traduction serait l'œuvre de maître Jean de Sy, et c'est à elle qu'il faudrait rapporter ce que dit l'auteur de la traduction commençant par les vers: Celui qui bien bat les buissons, dont il sera question un peu plus loin (p. 23):

Mais, puis que je euz tout parfait,

Je trouvay que l'avoit extrait

Moult très bien maistre Jehan de Cis,

Fors que latin fu si precis

Que nulx homs ne les entendroit

Qui ailleurs ne les apprendroit.

V. TRADUCTION EN PROSE PAR UN ITALIEN.

La cinquième traduction de la Consolation de Boëce est en prose; elle a été rédigée par un auteur qui en avait précédemment donné une version italienne: « Et por ce l'ai ge translaté en vulgar françois, si come autre fois l'ai mis en vulgar latin. » Nous n'en avons qu'un exemplaire, le n° 824 du fonds français, qui paraît avoir été exécuté en Italie au XIVe siècle.

Commencement et fin de cette version, d'après le dit ms. 824, fol. 27-52.

La complainte de la tribulation del mirable phylosophe qi fu appelez Boëces, et de la consolation de la phylosophye qel confortoit en scemblance d'une dame.

L'umaine generacions et les genz de cist monde desirent moult naturalment à oir noves choses et à entendre noves manieres et novelles contes; et n'en est mie chose reprensibles, se la novitez est de choses utiles et bones, et se elle est sobriement et utielment ordenée, por ce que la nature se delite en la utiel et bone et sobrie novité, et aprent moult ententivement et delitosement la utilice (sic) de aucune escriture qant elle est novement ordenée. Et por ce ge, considerant à ce, si ai

1. Les manuscrits françois, V, 46 et 52.

pensé de doner novelle maniere de conte à une mout utiele esscriture, laquele estoit por letrés et en latin, en le phylosophyce livres de Boëces soutilment et oscurement descrite, au meinz à cil qi ne sieivent letres. Et por ce l'ai ge translaté en vulgar françois, si come autrefois l'ai mis en vulgar latin car utiel chose me semble que à toutes genz soit clars dou douzor. Et si sache chascun que ceste complainte et ceste oevre est coment Boëces se complaingnoit et dementoit de ses mesaventures et aversitez qi sorvenue li estoient, et coment la verais phylosophye le confortoit en semblance d'une dame. Or veons coment. Ici comence le premier livre de Boëces, selonc ce q'il se complaingnoit de l'aventure qi mout li estoit contraire sor

venue.

Le bons phylosophes qi Boëces fu clamez si comence sa complainte de ses mesaventures en tiel maniere, et disoit à soi meisme tex paroules. Je Boëce, lequel estoie usez de fere vers et livres et doctrines et scritures de grant confort et de grant joie et de grant delit, si pois dir dolorousement que or vait tout autrement mon afere. Car il me convient ore fere, por destroite de mes desaventures adverses, etscriptures dolorouses et ploines de dolors et de plors et de lermes.....

Car ja ne faisons auchune chose qui ne soit toust davant les oilz de cil haut juge leqiel conoist et voit toutes les choses. Et il nos dont si bien ovrer qe nos alons au suen beneoit regne, en leqiel est vie durable sanz nulle fin, in secula seculorum. Amen.

VI. TRADUCTION EN VERS PAR UN ANONYME.

En sixième lieu, je mentionnerai une traduction en vers, anonyme, dont je ne connais également qu'une copie, exécutée vers la fin du xive siècle. Elle remplit les fol. 1-74 d'un ms. de Saint-Victor, aujourd'hui no 25,418 du fonds français.

Le prologue, qui consiste en neuf huitains, commence par ces

vers:

Pour le tout poissant honnourer,

Et magnifier son haut nom,
Et pour cuer humain conforter,
Et hoster de toute turbacion

Contre fortune au cuer amer,
Mère de toute affliccion,

Dez dis Boëce vueil conter,
C'om dit de Consolacion.

Premiers et derniers vers de la traduction :

Chançons et diz soloie faire
De toutez joyes et de douceurs.
Encore m'y voulsissent atraire
De science les douces fleurs;
Mais contrains suy tout au contraire,
Et à faire plaintes et pleurs ;
Par misère ne me puis taire
De plaindre mez tristes douleurs.

Ceste guerre est fuir les vices.
Lessiez donquez mauvese vie;
Amez bonté et sainte vie,
Et fuiez toute vanité;

Vos prieres en haut dreciez

A Dieu le Seigneur tout puissant,
En unité trinité regnant,

Qui toutes choses scet et voit,
Et tout très justement pourvoit,
Qui toutez chossez a en baillie,
Et qui sur tout a seignourie,
Et à sa glorieuse mère
Saincte Marie, non amère,

Qui tant est bonne, belle et sage
Que rien à lui ne s'aparage,

Et à touz les sainctifiez

Pour estre ou ciel glorifiez,

En felicité perfaicte,

En joye de touz biens perfaicte. Amen.

Explicit Boëce de Consolacion.

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