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CHAPITRE VIII.

L'empereur de Constantinople envoie une ambassade au roi de France.

Vers le milieu d'octobre, Manuel', empereur des Grecs, qui ne pouvait plus résister aux attaques continuelles des Turcs, implora le secours de la France et députa vers le roi un de ses oncles, avec une lettre dans laquelle il exposait l'état de son empire. Cette lettre portait pour suscription « Au sérénissime et très excellent prince et seigneur, monseigneur Charles, par la grâce de Dieu, roi de France, notre frère bien aimé. » Elle était conçue en ces termes :

:

« Au sérénissime et très excellent prince, monseigneur Charles, roi de France, notre frère bien aimé, Manuel Paléologue, fidèle en JésusChrist empereur et modérateur de Romanie, salut et accomplissement de tous ses désirs.

Frère, considérant d'une part la puissance de plus en plus menaçante du turc Bajazet, ce tyran perfide, seigneur des Turcs, ennemi de Jésus-Christ et de tous les catholiques, d'autre part notre misère et celle de nos sujets, et les pertes que nous avons eu à supporter et que nous supportons depuis long-temps, surtout depuis près de trois ans, par suite de la guerre que nous fait ledit Bajazet, qui cherche par tous les moyens et de tout son pouvoir à réduire sous sa domination notre ville et les chrétiens de nos contrées, et à anéantir sur la terre le nom de Jésus-Christ, qui n'épargne pour cela ni peines ni dépenses, et y travaille jour et nuit, soit de sa personne, soit à l'aide de ses sujets; sachant aussi quel malheur ce serait pour toute la chrétienté, si ledit turc Bajazet réalisait, ce qu'à Dieu ne plaise! ses projets contre notre ville; voyant en outre que cette ville ne pourra résister jusqu'à

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Manuel, fils de Jean Paléologue, associé à l'empire par son père en 1375, lui avait succédé en 1591.

quod civitas ista nullatenus durare potest usque ad estatem venturam, qua expectamus et habere speramus auxilium christianorum, mediante gracia Dei et vestre serenissime regie majestatis, de qua multipliciter et effective speramus, ea propter ordinamus ambassiatorem nostrum strenuum et desideratissimum avunculum, imperii nostri nobilem et circumspectum virum atque sapientem et expertum, dominum Theodorum Palealogum Canthacosino, latorem presencium, quem ad predictam vestram regiam majestatem transmittimus; cui ipsa velit et sibi placeat in omnibus eidem per ipsum exponendis oretenus nostra parte fidem plenariam adhibere, ac si ea ab ore nostro proprio audiret viva voce. Insuper firmiter credimus eamdem regiam majestatem invenire paratam in omnibus de quibus ab ipsa indigemus, quia vidimus anno proxime preterito, nulla ab ipsa facta requisicione, sed propria voluntate, ipsam ob Dei reverenciam misisse magnam potenciam suorum pro liberacione nostra et christianorum istarum parcium; quod vere fuisset ad plenum, nisi casus inopinatus contingisset propter demerita. Nos vero ad presens magis indigemus auxilio quam tunc indigebamus propter debilitatem ad quam devenimus occasione guerre supradicte, prout dicta vestra regia majestas poterit informari a baronibus et nobilibus vestris, qui omnia viderunt et de statu et condicionibus istarum parcium plenius sunt informati. Datum in civitate Constantinopoli, anno Domini millesimo trecentesimo nonagesimo septimo, die prima mensis jullii.

Epistola vero ista in duabus columpnis pergameni contenta; que scripta sunt in prima ydiomate greco habebantur, et in alia, ydiomate latino. Nec tamen sigillo munita erat, sed de rubeo taliter signata in fine.

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Il y a ici une lacune dans le manuscrit, fol. 154 v.

l'été prochain, époque à laquelle nous attendons et espérons le secours des chrétiens, s'il plaît à Dieu et à votre sérénissime majesté, en qui nous mettons toute notre confiance et notre plus ferme espoir, nous avons député vers vous en qualité d'ambassadeur monseigneur Théodore Paléologue Cantacuzène, notre oncle bien aimé, l'un des principaux personnages de notre empire, renommé par sa valeur, sa sagesse et son expérience, et nous l'avons chargé de remettre les présentes à votre royale majesté. Nous vous prions de vouloir bien avoir pleine et entière confiance en ses paroles et de croire à tout ce qu'il vous dira de notre part, aussi bien que si vous nous entendiez nous-même en personne. Nous sommes fermement convaincu que votre royale majesté est prête à nous accorder toute l'assistance dont nous avons besoin; car nous avons vu que l'année dernière vous avez de votre propre mouvement, et sans en être requis, envoyé dans l'intérêt de la religion une puissante armée pour notre délivrance et pour celle des chrétiens de ces contrées; entreprise qui aurait eu un plein succès, si nos péchés n'avaient attiré sur nous la colère du ciel. Votre secours nous est aujourd'hui plus nécessaire encore que jamais, vu l'état de faiblesse auquel nous a réduits ladite guerre, ainsi que votre royale majesté pourra l'apprendre des barons et des nobles de son royaume, qui ont tous vu et qui connaissent parfaitement notre position, et ce qui se passe dans ces pays. Donné en la ville de Constantinople, le premier jour de juillet, l'an du Seigneur mil trois cent quatre-vingtdix-sept. »

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Cette lettre était écrite sur une feuille de parchemin et sur deux colonnes, dont l'une était en grec, l'autre en latin. Elle ne portait point de sceau, mais était signée de rouge..

in

Imperatoriis perlectis litteris, rex cum suis illustribus miratus est, reputans a seculis Francigenarum seculis Francigenarum inauditum antiquos tocius orbis moderatores alias a tam remotis partibus subsidiarios evocasse. Nuncio tamen honorifice excepto et collocato precepit dapsiliter necessaria ministrari, quamdiu vellet manere regno. Eidemque, sequenti luce, audiencia concessa, cum causam adventus sui per interpretem reserasset, et ordinate ad articulos respondendo, domini duces Biturie et Burgundie juvamen sibi non denegandum dixissent, sentenciam hanc dux Aurelianensis frater regis approbans, ipsum flexis genibus exoravit, ut si illuc excercitus mitterentur, dux esset et capitaneus eorum. Peticionem tamen ducis rex non credidit annuendam, quoniam adhuc dolebat super recenti infortunio Francorum in Hungaria perpesso. Ideo, multorum mensium exacto spacio, legatum auro, vasis sumptuosis, tam materia quam artificio admiracione dignis, olosericis quoque mire estimacionis cumulatum remisit ad propria, promittens quod alias auxilium imperatori libenter mitteret tempore magis apto.

CAPITULUM IX.

Conestabularius Basite regi Francie dona misit.

Mense januario sequente, quidam magne auctoritatis Turcus, quem Basita fidelissimum reputabat, et cui curam milicie sue hucusque commiserat, Karolo regi per quemdam militem strenuum de Burgundia ortum, dominum de Vergiaco, quem secum a solucione redempcionis comitis Niverniensis retinuerat, ut dux esset captivorum sub vexillo suo militancium, si Tambellanus rex Tartarorum in eum insurgeret, dona misit.

La lecture du message impérial causa une agréable surprise au roi et à toute sa cour. C'était la première fois que les anciens maîtres du monde envoyaient de leur lointain pays solliciter le secours de la France. Le roi accueillit l'ambassadeur avec les plus grands égards, lui fit donner un logement magnifique, et ordonna qu'on lui fournît tout ce qui lui serait nécessaire, tant qu'il voudrait rester dans le royaume. Il lui accorda audience dès le lendemain. L'ambassadeur exposa, par l'organe d'un interprète, le sujet de son voyage et répondit fort pertinemment à toutes les questions qu'on lui adressa. Messeigneurs les ducs de Berri et de Bourgogne étaient d'avis qu'il fallait accorder le secours demandé. Le duc d'Orléans, frère du roi, partageait leur sentiment. Il supplia le roi à genoux de lui permettre d'être le chef de cette nouvelle expédition. Le roi ne crut pas devoir acquiescer au désir de son frère; il avait encore trop présent à l'esprit le souvenir douloureux des malheurs que les Français avaient éprouvés récemment en Hongrie. Quelques mois après, il congédia l'ambassadeur en le comblant de présents en or et en vases précieux, aussi remarquables par la matière que par la maind'oeuvre, et lui promit qu'il s'empresserait d'envoyer du secours à l'empereur, dès que la saison serait plus favorable.

CHAPITRE IX.

Le connétable de Bajazet envoie des présents au roi de France.

Au mois de janvier suivant, un des principaux officiers turcs, que Bajazet regardait comme son plus fidèle serviteur et à qui il avait jusqu'alors confié le commandement de ses armées, envoya des présents au roi Charles. Il chargea de cette mission un vaillant chevalier de Bourgogne, le sire de Vergy, qu'il avait gardé auprès de lui après le paiement de la rançon du comte de Nevers, pour le placer à la tête des prisonniers enrôlés sous ses drapeaux, dans le cas où Tamerlan, roi des Tartares, viendrait l'attaquer. Ces présents n'étaient pas

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