CARTULAIRE DE L'ABBAYE DE FLINES PUBLIÉ PAR l'Abbé E. HAUTCEUR DOCTEUR EN THÉOLOGIE, CHANOINE HONORAIRE DE CAMBRAI PRÉFACE Depuis longtemps je me suis livré à des recherches aussi étendues que possible sur l'abbaye de Flines. En commençant ce travail, je me proposals simplement de composer un volume in-12 de quelques centaines de pages destiné aux religieuses héritières d'un passé glorieux, et aux nombreuses personnes qui ont eu le bonheur de recueillir les fruits de la solide et chrétienne éducation qu'elles dispensent. Peu à peu le champ de mes recherches s'élargit, une découverte en amenait une autre : les archives et les bibliothèques de Lille, de Douai et d'Arras, de Paris et de Bruxelles, m'offrirent des matériaux beaucoup plus abondants que je ne l'avais espéré, et au lleu d'une simple notice, je me décidal à écrire une monographie complète. Le Cartulaire que je publie en ce moment constitue la première partie de ce travail d'ensemble: c'est la base de l'Histoire, qui viendra ensuite et qui couronnera l'œuvre. J'aurai souvent occasion d'alléguer comme preuves les documents qu'il contient; on devra y recourir encore pour une foule de détails minimes qui ont leur intérêt à un point de vue spécial, mais qui ne sauraient trouver place dans la contexture du récit, dont ils entraveralent la marche et détruiraient l'unité. De plus, les érudits savent combien les cartulaires monastiques offrent de matériaux pour la topographie ancienne, pour l'histoire généalogique et l'histoire féodale, pour la connaissance des mœurs et des institutions du passé : l'état de l'agriculture, l'organisation des campagnes, la condition des classes populaires, tout cela est peint dans ces pages écrites au jour le jour d'une façon d'autant plus vraie qu'elle est plus inconsciente. L'abbaye de Flines, fondée avec une magnificence royale par Marguerite de Constantinople, eut de nombreux bienfaiteurs appartenant à la famille des comtes de Flandre, à la noblesse et la haute bourgeoisie de l'époque, parfois même aux classes populaires et agricoles. Les uns élisaient leur sépulture dans la basilique du monastère et y fondaient soit une chapellenie, soit un anniversaire ; d'autres sollicitaient par de pieuses libéralités une part dans les prières et les mérites des religieuses, ou encore consacraient à Dieu, avec une fille chérie, une portion de leur héritage. Il est aisé d'après cela de comprendre combien doit être abondant et précieux le fonds d'archives de cette abbaye, heureusement échappé aux dévastations révolutionnaires. On le comprendra mieux encore en parcourant le présent recueil. Il offre le résultat du dépouillement exact et consciencieux, non-seulement des archives de Flines, mais encore de tous les autres dépôts littéraires qui ont pu fournir un appoint quelconque. Le champ de ce Cartulaire s'étend sur la Flandre, l'Artois, le Cambrésis et le Hainaut, sur une partie de la Belgique et de la Hollande actuelles. Avant d'indiquer la manière dont j'ai compris ma tâche comme éditeur, il ne sera pas inutile de jeter un coup d'œil sur l'histoire des archives de Flines, sur leur contenu et leur classification. La première mention qui soit faite de ces archives se rencontre dans un acte du 11 décembre 1310, qui relate entre autres le témoignage d'une religieuse, Mahaut de Marcoing, entendue dans un débat relatif aux rentes du marals de Bonnances. Nous apprenons de cette religieuse que 40 années auparavant, comme sacristine, elle avait eu dans ses attributions la garde des archives. Les détails qu'elle donne sur les titres relatifs à l'objet en litige dénotent de sa part une connaissance réelle du dépôt confié à sa vigilance, et prouvent que les documents écrits en langue latine n'étaient point lettre close pour elle. Ainsi, à cette époque, les chartes et priviléges de l'abbaye étalent gardés dans le trésor, avec les vases du sanctuaire et les objets les plus précieux de l'église. Si l'on veut se faire une idée de la classification adoptée dans ce dépôt encore peu important, puisqu'il ne pouvait contenir au-delà de 400 à 500 pièces, on n'a qu'à consulter plus loin la description du cartulaire B, écrit vers 1310. En effet, dans la confection de ces recueils, on adoptait volontiers l'ordre des archives qui en fournissaient les éléments. Les archives de Flines furent gardées avec le même soin pendant les siècles suivants. La meilleure preuve que l'on puisse en donner, c'est la série de documents originaux qu'elles contiennent encore aujourd'hui, et dont l'état de conservation ne laisse rien à désirer, sauf de rares exceptions. Ces pièces originales ne sortaient point du monastère. Quand il y avalt nécessité de produire un acte dans un procès, par exemple, on faisait faire pour la circonstance un vidimus ou, plus tard, une copie notariée. Un grand nombre de ces copies existent encore. Les Dames de Flines ne paraissent pas avoir montré envers les érudits désireux de visiter leurs archives la défiance qui était dans les habitudes d'autrefois. Miræus et son continuateur Foppens en ont tiré quelques pièces : Vredius les a explorées pour ses deux ouvrages sur la Généalogie et sur les Sceaux des comtes de Flandre; Durand et Martène ont pu y puiser à leur tour 1; enfin, en 1769, dom Queinsert, aussi bénédictin de la congrégation de SaintMaur, passa plusieurs mois à les examiner, et copia de sa main un grand nombre de chartes 2. Ces copies sont conservées aujourd'hui à la bibliothèque nationale (collection Moreau). Quand D. Queinsert les visita, les archives de Flines étalent renfermées dans une salle voûtée, au premier étage, non loin de l'église. C'est là que la Révolution les trouva quand elle accomplit son œuvre de spoliation violente et sacrilége. Le 23 août 1790, les scellés furent apposés sur les locaux contenant les titres de l'abbaye par un nommé Lejosne, commissaire du district de Douai. Au mois de décembre de la même année, il fallut remettre entre les mains du trésorier-receveur de ce même district les cueilloirs de rentes, le registre des fermiers et les registres aux fermages, les procès-verbaux des dernières adjudications de bois et les baux alors en vigueur. Il fut dressé un double inventaire de ces documents, qui plus tard ont été restitués au dépôt des archives départementales 3. Le 1er février 1792, Augustin-Jacques Dumont se présenta en qualité de commissaire délégué par le district pour procéder à l'inventaire des titres et papiers de l'abbaye de Flines. Nous possédons ses rapports, qui font très-bien connaître l'état et la classification des archives du monastère à cette époque. Trois armoires contenaient dans des tiroirs étiquetés les chartes et les titres originaux. Le tout était rangé par ordre topographique, sous les titres suivants : Bercus (5), Fournes (12), Templeuve-Cappelle (50), Douai et Arras (4), Baroul (33), Nomain (91), Orchies Cocquignies (147), - Ostrevant (47), -Cambrai, Saulzoir et Cattenières, — Priviléges et titres généraux (97), Flines (251), les Bois (73), - 1 Voyage littéraire, t. II, p. 217. V. un article de M. F. Brassart, dans les Souvenirs de la Flandre wallonne, t. IX, p. 112 et suiv. 3 Les procès-verbaux de toutes ces opérations existent aux archives du Nord. Les chiffres placés entre parenthèses indiquent le nombre de chartes sur parchemin contenues dans chaque tiroir. Cette indication manque pour plusieurs localités. |