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Maître François des Loges,

de Corbueil, ou plutôt Corbeil. autrement dit de Villon, le même que François de Monterbier. François de Montcorbier, élève de l'Université de Paris. - Maître Guillaume de Villon, chapelain de Saint-Benoît-le-Bétourné, et Jean Flastrier, son neveu,

Les biographes de Villon se préoccupent tout d'abord de connaître son nom de famille, ou, comme on disait au Moyen-Age, son surnom. Pendant plus d'un siècle, cependant, on ne paraît pas avoir douté que Villon ne fût son véritable nom; mais il faut dire qu'au xvre siècle, les savants s'occupèrent peu du malheureux poète. La question apparut, pour la première fois, en 1599, dans ces paroles du président Fauchet: « Maistre François Corbueil fut « surnommé Vuillon pour les tromperies qu'il fit en

<< sa vie, l'épitaphe duquel j'ay dans un de mes livres

<«< escrit à la main qui dit :

Je sui Françoys, dont ce me poise,
Nommé Corbueil en mon surnom,
Natif d'Auvers emprès Pontoise,

Et du commun nommé Vuillon.

Or, une corde d'une toise,
Sçaurait mon col que mon cul poise,
Se ne fut un joly apel.

Le jeu ne me sembloit pas bel 1.

Cette épitaphe, ou plutôt cette épigramme, au sens ancien du mot, semble, on le voit, n'être qu'une amplification du quatrain suivant :

Je suis Françoys, dont ce me poise,
Né de Paris emprès Pontoise,
Qui, d'une corde d'une toise,

Scaura mon col que mon cul poise,

qui se lit dans toutes les anciennes éditions de Villon. Fauchet n'a pas converti tout le monde à son opinion. Le Père du Cerceau attaqua en 1723 avec une certaine vivacité l'authenticité de l'épigramme, en raison de l'entrelacement des rimes masculines et féminines qui s'y remarquent, et dont l'emploi régu→ lier est bien postérieur, suivant lui, à Villon 2, mais son objection tombe nécessairement si l'on

1. Origines des chevaliers, armoiries et héraux dans les OEuvres de M. Claude Fauchet, édition de 1610, f 508 vo, 509 ro.

2. Lettre à M. de *** en lui envoyant la nouvelle édition des OEuvres de François Villon. Cette lettre est jointe à l'édition de Coustelier, Paris, 1723.

observe, avec M. Antoine Campaux " que cet entrelacement se retrouve dans plusieurs des ballades de Villon, et notamment dans la requête au duc de Bourbon. Dans notre siècle, Daunou a également contesté le nom Corbueil 2 et tout récemment encore P. Jannet se rangeait à son sentiment en formulant une nouvelle objection contre le huitain publié par Fauchet. « Une preuve certaine, dit-il, de la

composition tardive de cette pièce, c'est qu'on ne « trouverait probablement pas dans la seconde moitié « du xve siècle, et certainement pas dans les œuvres « de Villon, un huitain dont les rimes soient distri« buées comme dans celui-là. » Et en effet, tous les huitains de Villon riment ababbcbc, tandis que celui de Fauchet rime ababaacc. « Les faussaires, conclutil, ne pensent jamais à tout 3 . »

Cependant aucun des commentateurs de Villon n'avait revu le manuscrit que Fauchet dit avoir possédé, et il en est qui, ignorant sans doute le haut degré de confiance que méritent les écrits de cet éminent érudit, doutaient de l'existence même du huitain cité par lui. Nous avons eu le bonheur de retrouver le manuscrit Fauchet sous le n° LIII des manuscrits français de la Bibliothèque royale de Stockholm, et

1. A. Campaux, François Villon, sa vie, ses œuvres, p. 40. 2. Journal des savans, 1832, p. 554.

3. OEuvres complètes de Villon, édition préparée par La Monnoye, mise au jour par M. P. Jannet, p. vj, note 1.

4. Nous utiliserons dans notre édition les variantes que nous

nous y avons lu l'épitaphe que le Président de la Cour des Monnaies avait copiée quelque peu inexactement. Nous la reproduisons textuellement d'après le manuscrit, qui date du dernier tiers du xve siècle.

Je suis François, dont il me poise,
Nommé Corbeil en mon seurnom,
Natif d'Auvars emprez Pontoise,
Et du commun nommé Villon.
Une corde de demye toise,

Ce ne feust ung joly appel,

Sceust bien mon col que mon cul poise,

Le jeu ne me sembloit point bel1.

On le voit, si l'ordre des trois derniers vers a été interverti par Fauchet, il ne s'ensuit pas cependant qu'on retrouve dans ce huitain la marque de ceux de notre poète. Les rimes y sont, en effet, disposées ababacac, de sorte que le cinquième et le septième vers, pour lesquels Villon aurait cherché une rime en on, se terminent en oise. Cela suffirait à prouver que nous sommes seulement en face d'une mauvaise imitation de Villon, si l'examen du manuscrit Fauchet ne nous faisait assister, pour ainsi dire, aux différents essais du faussaire.

Ce manuscrit contient, tout d'abord, l'épigramme en quatre vers, avec une seule variante, résultant du

fournit ce manuscrit, qui n'a pas encore été employé pour les éditions de Villon. Il renferme comme le ms. 1661 du fonds français de la Bibliothèque nationale ceux des huitains du Petit Testament que Prompsault a le premier publiés.

1. Le ms. porte : Le jeu me ne me sembloit point bel. »

remplacement du nom de Paris par celui d'Ausoir

(pour Auvers):

Je suis François, dont il me poise,
Natif d'Ausoir emprès Pontoise,

Et de la corde d'une toise,

Saura mon col que mon cul poise

1

Mais ces vers sont immédiatement suivis du huitain suspect. Cependant, bien que le quatrain que nous venons de transcrire fût passé dans le manuscrit de Stockholm, on ne peut attribuer ces modifications au scribe qui, dans l'une et l'autre de ces épitaphes, transcrit d'une manière fort incorrecte les noms sur lesquels portent précisément les additions.

Quoi qu'il en soit, le huitain est l'œuvre d'un copiste qui, songeant que Villon n'avait pas été pendu, a cru devoir modifier dans ce sens l'épitaphe que le poète avait écrite avant n'en appeler au Parlement; mais, ainsi que le fait remarquer M. Gaston Paris 2, il ne s'apercevait pas que, dès lors, ce morceau n'avait plus de raison d'être. On s'est souvent demandé pourquoi les mots : « Né de Paris emprès de Pontoise, avaient été remplacés, dans cette variante, par ceuxci : « Natif d'Auvers. » A notre avis, il n'en peut être

1. Bien que ce quatrain fût au bas du folio 62 v*, et que le huitain que nous avons transcrit plus haut occupât le haut du folio 67 verso, on ne peut nier que ces deux pièces eussent été transcrites à la suite l'une de l'autre, car l'étude attentive du manuscrit nous permet d'affirmer que, sans une distraction de scribe, le folio 67 aurait dû recevoir le n° 63.

2. Revue critique d'histoire et de littérature, t. xiv, p. 194.

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