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CHAPITRE XXXIV.

Du siége qui fust mis devant Donfort (Domfront), et comme elle fust rendue au roy de Franche; et de la mort de Franchois, duc de Bretaigne.

ASSEZ tost après le traictié de Falaise, audit mois de juillet, se parteit messire Charles de Cullant, grand maistre d'hostel du roy; le sieur de Blanville, messire Jehan Bureau, thrésorier de Franche, et gouverneur de l'artillerie, et plusieurs autres, avecques mille et cinq cents francs archiers; et allèrent mectre le siége debvant la ville et chastel de Donfort (Dom front); auquel lieu estoient de sept à huit cents Anglois; lesquels, le deuxiesme jour d'aoust, rendirent la ville et chastel aux Franchois, et s'en allèrent, leurs corps et leurs biens saufs.

par

du

En ce temps estoit à son dernier jour, et mourut maladie, Franchois, duc de Bretaigne, nepveu roy de Franche; dont ce fust dommaige; car il estoit moult noble prince, et valliant de son corps.

CHAPITRE XXXV.

Comment le sieur de Cottigny, admiral de Franche, et le bailly de Troyes feurent tués durant le siége de Chierbourg, et comme la ville fust mise en l'obéissance du roy de Franche.

LE siége estant devant Chierbourg, se gouvernèrent grandement, honorablement et valliamment les Franchois qui là estoient; et oppressèrent fort ceux de dedans de trenchis, mines et autres oppressions, où fust tué d'ung canon, messire Pregent de Cottigny (Coetivy), sieur de Raix et admiral de Franche, qui fust bien grand dommaige; car il estoit l'un des valliants chevalliers et bien renommés de la Franche, prudent homme et de bon eage. Et pareillement fust en la ville tué d'une conlevrine, Thomas le Bourgeois, bailly de Troyes, lequel estoit valliant homme de son corps, à pied et à cheval, de grande conduite, et bien cognoissant la subtilité de la guerre. Icelle ville de Chierbourg fust fort battue de canons et bombardes, et le plus subtilement que homme veit. Du costel de la mer, en y eut trois bombardes rompues, et ung canon; et y feurent faictes de belles et grandes armes ; et tellement, que Thomas Gorel, Anglois, composa et traicta de rendre la place, dont il estoit capitaine, moyennant qu'on

lui délibvreroit son fils, qui estoit hostaige pour sa part de l'argent qui estoit deu au roy de Franche et à ceux de Rouan, pour la composition qu'avoitfaicte le duc de Sombreset, lui estant à Rouan; lequel lui fust rendu et quicte. Puis délibvra la ville et chastel de Chierbourg au roy de Franche ou à ses commis, le douziesme jour du mois d'aoust, audit an mil cinq cent et cinquante. En laquelle ville ils étoient bien mille bons combattants anglois, soubs icelui Thomas Govel, lesquels s'en allèrent, leurs corps et leurs biens saufs. Après ce, en fust capitaine pour le roy de Franche, le sieur de Bueil, atout quatre-vingts lanches; lequel avoit esté fait nouvel admiral de Franche, par le trépas du sieur de Cottigny, qui en son vivant estoit capitaine de Granville, dont fust capitaine après sa mort, messire Jehan de Lorraine, atout cinquante lanches.

CHAPITRE XXXVI.

Comment, après que le roy eut conquis tout le pays de la Normandie, il envoya ses gens d'armes en Guyenne; et des gens de guerre qu'il laissa pour garder ledit pays de Normandie, puis s'en retourna en sa ville de Tours.

AINSI, comme dict est ci-dessus, fust reconquesté par le roy de Franche, Charles, septiesme de ce nom, et par les Franchois, la duchié de Normandie, et toutes les villes et chasteaux d'icelle MONSTRELET. T. XII. MÉM. DE J. DU Clercq.

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mis en l'obéissance du roy de Franche, en ung an et six mois, qui peut sembler que ce fust grace di` vine que Dieu y entendit; car on n'a peu veu mi sceu que si grand pays fust sitost conquesté; lequel pays contient six grosses journées de long et quatre journées de large ; et y a dedans six éveschés, ung archevesque et cent que villes et forts chasteaux, sans ceux qui ont été abattus, destruicts et desmolis par la fortune de guerre, laquelle y avoit duré l'espace de trente ans, durant les grandes divisions qui avoient esté en Franche, tant à cause de la mort de Loys, duc d'Orléans, qui fust occis en l'an quatre cent et sept, en la ville de Paris; et lequel estoit frère du roy Charles sixiesme, comme de la mort de Jehan, duc de Bourgogne, lequel avoit aussi esté valliamment occis à Montereau Faut-Yonne, en l'an mil quatre cent dix-neuf; desquelles guerres font mention plusieurs chroniques, de ce parlant, qui en ce temps feurent faictes. On n'a point veu que si grand pays eust esté conquis en si peu de temps ni à moings d'occision de peuples et de gens d'armes, ni à moings de dommaige, qui peut et doibt tourner à la grande gloire et honneur duroy de Franche dessusdit, des princes et autres sieurs Franchois debvant nommés, et de tous autres qui feurent en la compagnie du roy, au recouvrement de la duchié dessusdite; et se feit icelle conqueste en l'année des grands pardons de Rome.

Quant le roy de Franche eust, ainsi que dict est, conquis toute la Normandie, il ordonna six cents

lanches et les archiers, c'est à scavoir: chacune lanche, deux archiers et un coustelier pour garder icelui pays; et les autres gens de guerre, il les envoya en Guienne. Puis se parteit le roy du pays de

Normandie, et arriva au mois de septembre ensuivant en sa ville de Tours en Tourraine.

CHAPITRE XXXVII.

Des graces que le roy rendit à Nostre Seigneur; et ordonna chacun, en la mémoire de la victoire que Dieu lui avoit envoyée, faire processions généralles par tout son royaume, qui se feroient le quatorziesme jour d'aoust; et de l'ordonnanche des gens d'armes et de leurs habillements.

QUANT le roy fust retourné à Tours, il rendit graces à Dieu de sa grande et noble.conqueste et victoire qu'il avoit; et par deslibération de son grand conseil, adfin de rendre plus grandes graces, et plus remerchier Dieu de sa grande conqueste, il commanda célébrer processions générales par tout son royaume, le quatorziesme jour d'octobre ensuivant, et de là en avant par chacun an, le quatorziesme jour d'aoust ; et de ce envoya lettres-patentes aux prélats par tout son royaume, requérant de ce faire, et que en ce n'y olt faute. Et pour ce que cidessus est assez parlé des assemblées des gens d'armes, que les princes et seigneurs tenoient et avoient,

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