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et comment l'ung avoit deux cents lanches, l'autre trois cents, et ainsi plus ou moins, il est bon de faire entendre ce qu'on appelloit une lanche et quelle sieute (suite). Vray est que par l'ordonnance qu'il avoit mis en son royaume, laquelle montoit d'ordinaire, sans les seigneurs, princes, seigneurs, fiefvés et arrière-fiefvés qui doivent servir le roy, à dix-sept cents lanches; et estoit chacune lanche d'ung homme d'armes, armé de cuirasse, harnas de jambes, sallades, bannière, espée, et tout ce qu'il faut à ung homme armé au cler, ses sallades et espées garnies d'argent; lequel homme d'armes avoit trois chevaux de prix, l'ung pour lui, l'autre pour son page qui portoit sa lanche, le tiers pour son valet, lequel estoit armé de sallade, bringandine, jacquet et haubergeon, portant hache ou guisarme, et avoit avec ce chacune lanche, deux archiers à cheval, armés le plus de brigandines, harnas et sallades, dont les plusieurs estoient garnies d'argent. Du moins avoient iceux archiers, touts jacquets ou bons haubergeons; et payoit-on touts ceux qui estoient de ceste ordonnance de dixsept cents lanches, de mois en mois, fust que roy olt guerre ou non. Et les payoient les du plat pays et des bonnes villes, par une taille qu'icelui roy avoit mis sus, ce qu'on n'avoit oncques faict, laquelle on appeloit la taille des gens d'armes; et avoit chacun homme d'arme quinze francs, monnoie royale, pour ses trois chevaux, à sçavoir: pour lui, son page et ung guisarmin ou coustillier;

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et chacun archier pour lui et son cheval, sept francs et demi le mois. Durant ceste conqueste de Normandie, tous les gens d'armes du roy de Franche et qui estoient en son serviche, fuissent d'icelle ordonnance ou non, feurent tous payés de leurs gages de mois en mois; et n'y avoit si osé ne si hardi qui osast prendre, durant ladite guerre ou conqueste de Normandie, prisonnier, ni ranchonner cheval ni autre beste quelle qu'elle fust, ni vivres en quelque lieu que ce fust sans payer, fuissent en l'obéissance des Anglois, ou à ceux de leur parti, fors seulement sur iceux Anglois et gens tenants leur parti, qui estoient trouvés faisants guerre et en armes; et ceux-là pouvoient-ils bien prendre licitement et leur estoit permis, et non autrement. Tous ceux pareillement qui gouvernoient l'artillerie, estoient payés de jour en jour, en laquelle y avoit le plus grand nombre de grosses bombardes, gros canons, veuglaires, serpentines, crapeaux d'eau, coleuvrines et ribaudequins qu'il n'estoit lors mémoire d'homme avoir veu à roy chrestien, bien garnis de poudres, manteaux, et de toutes autres choses pour approcher et prendre villes et chasteaux, et moult grande foison de charrois pour les mener, et des manouvriers pour les gouverner. Pour laquelle artillerie conduire et gouverner estoient commis messire Jehan Bureau et son frère, qui en firent moult bien leur debvoir, et s'y gouvernèrent très grandement. Et à la vérité dire, durant ceste conqueste de N or

mandie, les plus des villes et chasteaux eussent esté prinses d'assaut, et par force d'armes ; mais quand les places estoient approchées et prestes à assaillir, le roy de Franche, Charles, en avoit pitié; et vouloit qu'on les print par composition pour obvier à l'effusion de sang humain, et à la destruction du pays et des peuples qui estoient enclos en icelles forteresses.

CHAPITRE XXXVIII.

Comment le sieur d'Albreth desconfit ceux de Bourdeaux, et en occist quinze cents, et prist prisonniers douze cents; et de la prinse de maistre Jehan Panchous, recepveur général du roy, et de sa condampnation.

CHARLES, roy de Franche, venu en sa ville de Tours, feit prendre maistre Jehan Panchous, son recepveur-général de ses finances, lequel fust mis au chasteau de Tours; et lui meit on sus qu'il avoit mal gouverné sa recepte, pourquoi il fust questionné par le conseil du roy; et, par sa confession, fust trouvé avoir commis crime de lèze majesté, pour avoir prins en grandes et excessives sommes des deniers du roy. Mesmement avoir fait certaines ratures. Pour lesquelles causes il fust condamné, par la bouche du chancelier de Franche, à tenir prison certain temps, et ses biens confisqués, des

quels le roy donna une maison qu'il avoit fait faire en la ville de Tours, au comte de Dunois; et outre ce fust ledict maistre Jehan Panchous condamné à payer au roy la somme de soixante mille livres. Audit an, le dernier jour d'octobre, le sieur d'Orval, le tiers fils du sieur d'Albreth, et

compagnie, de quatre à cinq cents combattants, se partirent de Basas, et allèrent courre en l'isle de Madoche en Bourdelois; et repeurent en ung bois deux lieues près de Bourdeaux; et le lendemain, jour de Toussaints, comme ils feurent montés à cheval, leur vindrent nouvelles que ceux de Bourdeaux, tant gens de guerre que populaires, estoient sur les champs en nombre de huit à neuf cents, tant de pied comme de cheval, pour eux venir combattre. De ce adverti, le sieur d'Orval pour tant ne laissa à faire son entreprise, mais meit ses gens en bonne ordonnance, attendant la bataille, combien qu'ils feussent en moindre nombre, sans comparaison, que les Bourdelois et Anglois ; et attendirent que ceux de Bourdeaux, desquels estoit conduiseur le maire de Bourdeaux, les choisirent. Sy se mirent en ordonnance et leur vint courre sus; et là le sieur d'Albreth et ceux de sa compagnie se portèrent si valliamment, qu'ils les meirent en fuite et en occirent, tant en la bataille qu'en fuyant, bien dix-huit cents, et sy prindrent des prisonniers bien douze cents hommes. Ce fait, le sieur d'Albreth et ceux de sa compagnie s'en reretournèrent en la cité de Basas dessusdite. A ceste

desconfiture feurent fort descartés et esbahis ceux de Bourdeaux et du pays environ.

CHAPITRE XXXIX.

Comment Pierre de Bretaigne feit honneur au roy de la duchié de Bretaigne; et comment le roy envoya le comte de Dunois avec armée au pays de Guyenne; et de la rendition du chastel de Montguyon et de la ville de Blaye.

OUDIT an cinquante, lendemain du jour des Ames, en une petite ville et chasteau, nommée Montbason, Pierre, duc de Bretaigne, nouvellement, par la mort de son frère Franchois, feit hommaige au roy de Franche, Charles, de la duchié de Bretaigne, et lui feit le serment en tel cas accoustumé ; et comme grand chambellan du roy, le comte de Dunois print sa ceinture, l'espée et le bouclier, comme à lui appartenant. Et après le serment fait, le chancellier lui dit qu'il estoit homme lige au roy de Franche, à cause d'icelle duchié; et sur ce feut une altercation une espace de temps, et finablement le receupt le roy en foy anx us et coutumes, ainsi que ses prédécesseurs ducs de Bretaigne avoient fait; et tost après il feit au roy ung autre hommaige de sa comté de Montfort, à cause de laquelle il confessa estre son homme lige et vassal; et ce fust receu à grands

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