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S. LEON DE LUCQUES

1050-1079

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Ses re

Do

Élection et enlèvement de Léon. Son amour pour les pauvres. — lations avec Gisulfe II. — Il devient le défenseur des Amalfitains. nations diverses.—Religieux remarquables.— Premières années de Pierre Pappacarbon. Son voyage et son séjour à Cluny. Il est nommé maître d'Oddon de Châtillon (Urbain II); puis évêque de Policastro, et enfin abbé de S. Ange de Monte-Corace.- Nouveaux dons de Gisulfe II.-Bulle remarquable de Grégoire VII. — Prédiction de Léon.— Robert Guiscard assiège et prend Salerne. Normands et Lombards. Rôle providentiel de l'Abbaye de la Sainte-Trinité. — Séjour d' Oddon de Châtillon à Cava. — de l'abbé Léon.

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Mort

L'abbé Léon 1er, était un religieux de mœurs pures et simples, d'une bonté et d'une prudence remarquables '). Dans un voyage qu'il fit, de Lucques, sa patrie, à Salerne, vers 1020, il entendit parler des vertus du pieux solitaire de la grotte métellienne. Il courut aussitôt se mettre sous sa direction. Léon devint dès lors l'un des plus utiles auxiliaires de S. Alfère, et celui-ci, comme nous l'avons dit, le choisit pour son successeur (12 avril 1050).

Il parait que les premiers jours du gouvernement de Léon ne furent pas heureux. Un seigneur puissant, que l'histoire ne nomme pas, envahit, à main armée, le monastère de la Sainte-Trinité, et en enleva le nouvel Abbé. Celui-ci toutefois fut peu après rendu à la liberté 2).

Léon de Lucques se distinguait surtout par un grand amour pour les malheureux. Dans la biographie, si touchante, que nous a laissée de lui Hugues de Venouse, on lit que souvent, à l'insu de tous, il allait ramasser du bois sur la montagne voisine, le portait sur ses épaules à Salerne et du produit de la vente achetait du pain qu'il distribuait aux pauvres 3). Il arriva même qu'un jour, tandis qu'il partageait ainsi à plusieurs pauvres le pain qu'il s'était procuré en vendant son bois, le

1) Jean de Capoue, dans son petit poême déjà cité (MS. Memb. n.o 24. fo 36 a to), après avoir fait l'éloge de S. Alfère, ajoute:

Quem Leo subsequitur, vir prudens atque benignus,

Qui laudabiliter terdenis prefuit annis.

2) VENUS. Vit. S. Alf. f. 5 a t°; BOLLAND; 12 April. p. 99. Ed. Venet.

3) VENUS. Vit. S. Leon. f. 10 a t°; BOLLAND; 12 Jul. p. 460.

prince de Salerne, Gisulfe II (1052-77), vint à passer. Léon lui offrit, ainsi qu'aux autres, le pain de ses sueurs. Le prince, comme offensé, s'éloigna d'abord. Mais les cavaliers de sa suite, lui ayant fait observer que, par son refus, il ne méprisait point tant le pain, que l'homme de Dieu qui le lui avait présenté, Gisulfe rebroussa chemin et, recevant du saint une portion de ce pain béni, il le mangea. Dès ce jour, ajoute l'abbé de Venouse, Gisulfe conçut une grande estime pour le serviteur de Dieu et compensa le don d'un peu de pain par les plus grandes largesses. Outre le témoignage du véridique historien ') plusicurs beaux parchemins des Archives de Cava nous l'attestent encore aujourd'hui. C'est ainsi que dans les diplômes de janvier et février 1058, par honneur pour l'auguste Trinité et par respect pour la sainteté de l'abbé Léon; par amour pour Alfère, qui fut son père spirituel, et dans l'espoir d'obtenir la rémission de ses péchés et de ceux de Gemma son épouse et de Guaimar son fils; le Prince de Salerne confirme toutes les donations faites précédemment à l'abbaye de la Cava, en particulier celles de Guaimar III et de Guaimar IV, celles de Salpert, son maréchal, etc. Puis il lui concède tout le territoire formant aujourd'hui les communes de Cava-dei-Tirreni et de Vietrisul-mare. Il ordonne enfin que les taxes et impositions perçues dans les ports de Cetara, Albola et Fonti soient versées dorénavant dans les caisses du monastère 2).

Gisulfe cependant, par caractère, était porté à la vengeance et à la cruauté. Il était depuis longtemps fort irrité contre ces fiers Amalfitains, sur lesquels il avait jadis dominé, avec son père, durant plusieurs années (1039-45)3), et qui avaient eu l'audace non seulement de secouer le joug, mais même de tendre, de concert avec quelques seigneurs de Salerne, un guet-apens à son père Guaimar IV, et de l'assassiner, non loin de Salerne, sur les bords de la mer, en le perçant horriblement de trente-six coups de poignard (1052)*). Gisulfe punit les coupables par les plus cruels tourments. Tous les Amalfitains en

1) VENUS. loc. cit.; MURAT. Script Rer. It. t. VI. p. 214. Milan. 1725.

2) Arc. Mag. Archiv. Cavens. Lit. A. n. 38 et 39; DE BLASI, Chron. an. 1058; Cod. dipl. Cav. t. I. Synop. p. x; ADINOLFI. Stor. della Cava, p. 285.

3) AQUARO, Sag. di tavol. Cronol. p. 85. Napoli. 1762. in-f.°

4) Hoc anno (1052, et non point 1051, comme dit DELLA NOCE) Guaimarius Princeps conjuratione Amalphitanorum quos nimis indignè tractabat, nec non et cognatorum, ac Salernitanorum quorundam juxta ora maris Salernitani occisus est, triginta et sex plagis perfossus, » etc. LEO OSTIENS. Chron. Casin. II. 85. p. 298. Ed. Paris 1668. - Le docte abbé D. AUGUSTIN VENEREO, dans un petit MS. in-4°, malheureuse

particulier qui lui tombaient sous la main étaient impitoyablement torturés, mutilés, mis à mort. «Seul Léon de Lucques osait alors résister au prince couroucé et s' opposer, avec une libre autorité, à ses instincts féroces, tantôt l'adoucissant par de pressantes prières, tantôt l'épouvantant par de terribles menaces. Aussi souvent le rendait-il si obéissant et si docile qu'il obtenait de lui tout ce qu'il désirait »>. L'Abbé de Venouse que nous venons de traduire, donne la raison de cette noble audace du religieux de Cava. «Le saint homme, pauvre des biens de la terre, mais riche des trésors du Ciel, pouvait d'autant plus librement s'opposer aux puissants du Monde, qu'en les perdant, il n'avait absolument aucune peur de rien perdre » ').

Parmi les nombreux exemples de dévoùment dont l'abbé Léon fit preuve envers les Amalfitains persécutés, nous nous contenterons de rappeler le suivant. Un jour, tandis que Léon était à table avec ses religieux, un messager arriva, en grande hâte, de Salerne à Cava, annonçant que Gisulfe avait ordonné d'arracher les yeux à trois hommes d'Amalfi. Courez, Père, s'écrie-t-il en s'adressant à l'abbé Léon, courez; car les malheureux sont déjà acheminés vers le lieu du supplice. L'homme de Dieu interrompt aussitôt son modeste repas; il vole vers Salerne et trouve les trois infortunés aux portes de la ville. Il commande alors, avec tant d'autorité, aux bourreaux de mettre leurs victi

ment incomplet, de 22 feuillets, (dont s'est beaucoup servi De Blasi pour composer son bel onvrage: Series Princ. Lang. etc.), au f° 10 a t°, cite, d'après un parchemin de Cava, comme ayant pris part au meurtre de Guaimar IV, son neveu, le comte Ederrad. Voici les paroles de VENEREO: Patet Guaimarium occisum fuisse ab Ederrado comite, nepote suo, filio Landoarij Cavaselice comitis filij quondam Landulfi comilis, qui fuit frater istius Guaimarij. Ex Diplomate, quod incipit. In nomine santæ et individuæ Trinitatis. Gisulphus divina favente clementia, Langobardorum gentis princeps, per interventum Dominæ Gemmæ principis dilectæ genitricis nostræ, confirmamus tibi Melo filio Angeli totum, et integrum illud, quod ego, et gloriosa memoriæ Dominus Guaimarius princeps, et Dux genitor noster dudum concessimus tibi, ut tu, et tui hæredes illud securiter habeatis, et faciatis ex eo quod volueritis; et concedimus tibi integram Turrim, quæ fuit Ederradi filij quondam Landoarij, qui temerario ausu, suggerente inimico humani generis, interfuit occisioni supradicti Guaimarij serenissimi principis, et Ducis genitoris nostri, et contra animam conciliatus est, et res eius confiscatæ sunt. Idcirco integram ipsam Turrim tibi concedimus, cum omnibus, que intra eam sunt, cunctisque eius pertinentijs, ut sit in potestate tua et hæredum tuorum, etc. Testum vero huius nostræ confirmationis, et concessionis scribere præcepimus te Truppoaldum Abbatem, et scribam nostri sacri palatij Salernitani, anno nobis à Deo concessi principatus undecimo, mense octobris, concurrente Ind. sexta. » (1053) Arc. Vet. 86, n. 278. (Arc. Nov. X. 53).

1) VENUS. loc. cit. RIDOLFI, Vita del Beato Leone. MS. Cart. n. 65, f. 22, etc.

mes, en liberté, qu'il est immédiatement obéi; puis il se rend auprès de Gisulfe et ose lui reprocher sa cruauté. Le prince, cette fois encore, accueillit avec soumission les salutaires avertissements de l'Abbé de Cava et s'adoucit temporairement, sans toutefois pouvoir se dépouiller de sa ferocilé naturelle 1). Ainsi, un jour, sur les hauteurs du Cassin, le fier Totila s'était adouci, pour un temps, lui aussi, devant la noble figure de S. Benoit.

L'abbaye de Cava cependant, de plus en plus prospère depuis les donations de Salpert et de Gisulfe, ne cessait de s'enrichir chaque jour davantage. À l'exemple du Prince Salernitain, les seigneurs de sa cour ou des pays voisins rivalisaient, pour ainsi dire, entre eux, afin de soumettre à Léon des monastères, des églises, des vassaux et des terres. C'est ainsi que nous voyons, dès 1053, le noble Luc Tromarchus et ses frères Pancrace, Nicolas et Candide, donner, par un beau diplôme grec, le monastère de S. André, qu' ils possédaient en Calabre et qui avait été détruit, peu auparavant, par les Francs ou Normands 2); puis, en 1059, le vicomte Vibus, gastald, de Salerne, fournir

1) VENUS. ib. f. 11 a t'; RIDOLFI. ib. f. 23; MURAT. SS. VI. p. 215.

2) Voici quelques mots de ce parchemin intéressant à tant de titres. C'est le plus ancien document ayant le nom de Cava, que nous ayons rencontré. Nous copions fidelement le texte et nous ajoutons, en regard, la traduction latine du Chev. Trinchera :

. . .

Εν ονόματι τοῦ πατρός καὶ .... In nomine Patris, et Filii et Spiriτοῦ υἱοῦ καὶ τοῦ ἁγίου πνεύματος. tus Sancti. Nos suprascripti Lucas, et Panἡμεῖς οἱ πρῶγεγραμμένοι λουκᾶς καὶ

πανκράτιος καὶ νικόλαος καὶ κάνδι- cratius, et Nicolaus, et Candidus germani δος οἱ ἀυτάδελφοι. οἱ τὰ σίγνα του τι- fratres, qui signa veneranda crucis propria μίου σταυροῦ ἴδιοχειρὶ ποιήσαντες τὰ

manu exaravimus, quæ sequuntur præciπαρακατίοντα εντελλώμεθα. ἔχομεν μοναστίριον καὶ τόπον τινὰ εκ γονι- pimus. Monasterium habemus, et locum κῆς ἡμῶν κληρονομείας· εἰς τὴν δια-quemdam ex paterna nostra hereditate in κράτησιν τῆς κάλαυρας· ὅπερ ἀμετ

ληθόντες εν τὲς ημέραις ταῦταις τῶν pertinentiis Calabria:quod (monasterium), φράνκων καὶ πῶς κρατῶμεν αυτόν derelictum hisce Francorum diebus, possi φράνκων καὶ ελεύθερον, καὶ πάντε- demus immune et liberum, et omnino deλὸς ἠφανης θαι· καὶ πυρίκαυστον γε

γονεν· καὶ παντελος ηρίμωται καὶ letum et exustum, et prorsus desertum atἠφάνησθαι. καὶ ἡ ἁγία τοῦ θεοῦ εκque vastatum; sanctumque Dei templum κλησία κεχαλασμικός ἔκειτο καὶ ἀλη τούργητος. εἰδῶτης δὲ ἡμεῖς τὴν καὶ eversum, divinoque cultu destitutum extaτάπτωσιν τοῦ τόπου. καὶ φονούμενο-bat. Nos autem, videntes loci vastationem, διὰ τοῦ θανάτου· σοῦ τὸ ευλαβεστά

τω καθειγουμένω λεοντίω τῆς μονῆς interitumque metuentes, tibi piissimo Leonτῆς ἁγίας τρίαδες τῆς κάνας. καὶ tio praeposito Monasterii Sancta Trinita

à Léon les moyens nécessaires pour construire, dans Salerne même, l'église et le monastère de S. Nicolas de la Palme; en 1060, Amanda, petite fille de Léon l'Amalfitain, lui accorder la belle terre de Metellianum, dite alors du Planum et aujourd'hui encore appelée Il piano della Camera; en 1063, le seigneur Golferius et Radoald, son père, ajouter à d'autres concessions, par eux antérieurement faites au Monastère de S. Magne du Cilento, qui dépendait de Cava, la donation de deux moulins situés sur le Lustra, petit cours d'eau qui se jette dans la mer Tyrrhénienne, non loin des ruines de Pestum; enfin, en 1071, Gemma, la mère même de Gisulfe II, accorder au monastère de Cava la propriété absolue de tout le Selano,- ce ruisseau qui baigne les pieds de l'Abbaye, et un grand moulin qu'elle avait fait construire, non loin de la mer, à la Molina de Viétri ').

Avec les donations, le nombre des religieux de la grotte métellienne s'accroissait également. La Chronique de Pratilli cite plusieurs noms et des plus illustres de l'époque: Guaimar, comte de Cornetum ou Cornuti, au diocèse de Capaccio (1053), Indulfe, prêtre de Salerne (1061), le vénitien Hugues, comte de Parentia (1065), le fils de Rédolfe, comte de Sarno (1078), etc. 2). Mais sans nous occuper davantage de la confiance qu'il faut donner à cette Chronique, nous nous contenterons de noter que l'abbé Léon donna certainement l'habit monastique à deux personnages, fameux depuis, et tous deux ses successeurs, aussi bien sur le trône abbatial que dans la sainteté: Pierre Pappacarbon et Constable Gentilcore 3). Comme la vie du premier se lie intimément à celle de l'abbé Léon, nous croyons devoir, dès à présent, le faire connaître plus particulièrement.

Pierre Pappacarbon était neveu de S. Alfère *). Le souvenir de son oncle et le désir d'imiter ses vertus, l'altirèrent de Salerne à Cava, vers 1057. Dès les premiers jours, il se fit remarquer par l'exacte ob

τοῖς σοῖς διακατέχεις, ίδει ἀπεντεύ- tis Cavensis et successoribus tuis iam hinc δεν παραδίδομεν και αφιέρωμεν το tradimus et offerimus dictum monasterium, εἰρημένου μοναστήριον λέγωμεν δεί

τὴν μονὴν τοῦ αποστόλου ανδρέου scilicet monasterium Apostoli Andrea, cum σὺν πᾶση τη διακρατήση αυτού κ.τ.λ. omnibus ejus pertinentiis, etc.

(Cf. Arch. Cav. Catal. perg. græc. n. 6. etc.; TRINCHERA Syll. graec. membr. N° XL. p. 49. Napoli, 1865. in-4°

1) Arc. XI. n. 60, 114 et Arc. Mag. A. 41, B. 1. 1060, 1063, 1071, etc.

2) PRATILLI, Hist. Prin. Lang. IV. p. 439 et suiv.

DE BLASI. Chron. ann. 1059,

*) VENUS. f. 14 a t°, 28 a t°; MURAT. op. cit. p. 217 et 229.

*) Annal. Cav. ap. PERTZ, Mon. Germ. SS. III. 190; DE BLASI, Op. cit. an. 1122.

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