taris; celui d'une poule, neuf taris; un œuf, un tari; sept figues, deux deniers; enfin un muid de farine, quarante-quatre besants '). Après plus de huit mois d'une résistance désesperée, la ville dut se rendre. Gisulfe fut fait prisonnier et privé de sa Principauté (1077) 2). La prédiction du solitaire de Cava s'était avérée!... C'est ainsi qu' en moins de soixante ans (1016-77), un petit nombre de chevaliers hardis et entreprenants avaient renversé toutes les principautés lombardes, tous les petits duchés grecs, qui se disputaient, depuis plus de cinq siècles, le sud de l'Italie (571-1077). Salerne, le dernier boulevard des Lombards, comme Capoue et Bénévent, Naples et Amalfi, est enfin tombé au pouvoir de l'avisé fils de Tancrède. Dès lors conmence pour Salerne, et aussi la vallée voisine de Metellianum, une période beaucoup plus paisible et bien plus fortunée: celle de la Domination Normande, qui doit durer 117 ans (1077-1194). L'abbaye de Cava, dans ces circonstance, joua un grand rôle. Comme providentiellement, elle avait été fondée dans un lieu reculé et presque inaccessible 3), sur la limite des petites républiques ou princi 1) Le tari de Salerne était d'une valeur égale à celui d'Amalfi (MORCALDI, Cod. dipl. Caven. Synop. p. liii). Or, suivant les conjectures du docte MAT. CAMERA (Importante scoperta del famoso Tarèno di Amalfi, Opuscule in-8° de 38 pag. Napoli, 1872, spécial p. 18 e 21) le tari valait au moins 2 f. 50 de notre monnaie. Il se subdivisait en trois deniers, correspondant chacun à environ 0,85 centimes. D'ailleurs le besant équivaudrait, suivant ZANNETI (ap. MAT. CAMERA, op. cit. p. 16, n. 3), à 26 paoli romains, soit 13 f. 83. Cela posé, durant le siége de Salerne, le foie d'un chien coûlait 25 fr.; celui d'une poule 22,50; un œuf, 2,50; sept figues, 1,70; enfin un muid, de farine 608, 80. Tout cela n'aura rien d'invraisemblable, si l'on songe au dernier siége de Paris (1870), durant lequel se renouvelèrent de semblables horreurs. 2) Cet événement important arriva: en 1072, selon le Catalogue des Princes de Salerne (ap. PRATILLI, V. 14); en 1075, suivant la Chronique de S. Sophie de Bénévent (ibid. IV. 373), le Chronicon Cavense (ibid. IV. 446), De Meo (Ann. crit. dipl. VIII. an. 1075) et plusieurs autres; en 1076, d'après l'Anonyme du Mont-Cassin (ap. GATTUL. Acces. ad Hist. Cas. II. 827) et Romuald, Archev. de Salerne (Chron. ap. MURAT. Rer. Ital. SS. VIII. 172); - enfin en 1077, si l'on en croit Loup Protospata (ap. PRATIL. IV. 44), Guillaume de Pouille (ap. MURAT., SS. V. 267), la Chronique d'Amalfi (ap. Murat. Ant. It. I. 214), etc. Cette dernière date, adoptée par le docte Muratori (Ann. d'Ital. ad an. 1077) et défendue par De Blasi (Series Princ. Lang. p. 127; Lett. famil. p. 55, etc.), est la seule qui s'harmonise avec les documents contemporains des Archives de la Sainte-Trinité. Bien plus, de l'étude de ces documents, il faut conclure que LA PRISE DE SALERNE ARRIVA ENTRE LE MOIS DE MARS ET CELUI DE JUIN DE L'AN 1077 (Voy. les Parchemins de l'Arc. XIII. n. 35 à 51. Cf. Cod. Dipl. Cav. t. I. Tabul. Blasiana, p. xxiv, etc.) 3) Ille vero locus extrinsecus inaccessibilis est, et nemo illuc nisi per unum adi. pautés de Salerne, d'Amalfi, de Sorrente, de Naples, de Capoue el de Bénévent. D'ailleurs les populations de tous ces petits états, indépendemment de leur origine latine on grecque, lombarde on normande, avaient toutes une grande vénération pour la tombe de S. Alfère, dont les miracles se répétaient alors de bouche en bouche. C'étaient là tout autant de motifs qui mettaient cette Abbaye à l'abri de toute atteinte, et en faisaient, au milieu de tant des guerres, comme un asile inviolable, respecté par les vainqueurs et entouré de l'amour des vaincus. Aussi de tous les pays environnants, accourait-on déposer à Cava ce que l'on avait de plus précieux, les titres en particuliers, qui assuraient à chacun la possession paisible de sa propriété ). De là l'ori-, gine de bon nombre de ces milliers de diplômes ou parchemins, monuments historiques d'un prix infini, qui se conservent avec tant de soin et d'amour dans les Archives de la Sainte-Trinité de Cava 2). L'abbé Léon continuait à gouverner avec gloire son monastère et tous les autres, déjà fort nombreux, qui en dépendaient 3). Il était en cela admirablement secondé par Pierre Pappacarbon, qui faisait alors suivre aux religieux de Cava cette forme et institution de vie, basée sur les Constitutions de Cluny, qu'ils avaient naguère rejetée comme trop pesante). L'arrivée à Cava, d'un illustre moine de Cluny, con tum ingredi potest, ideoque monasterium istud Cavea præsagialiter appellatum est.» (ORDERIC. VITAL. Hist. Eccles. ap. PERTZ. Monum. German. SS. XXII. p. 75; Hannov. 1868.) 1) DE MEO, App. cronol. pref. Napoli 1785; HÜBER-SALADIN, Discours sur les Archiv. de Cava, dans le Verandlung. des internat. Congr. für Alterthumskunde, etc. zu Bonn. 1868 p. 73; MORCALDI. Cod. dipl. Cav. Synop. p. xxxiii. 2) Selon l'Index chronologicus des Parchemins de la Sainte-Trinité de Cava, en 7 gros vol. MS., le nombre de ces parchemins, tous latins, s'élève à 13500, allant de l'an 793 à l'an 1834. Ainsi que déjà nous l'avons remarqué, ils se publient actuellement par les soins des RR. PP. Morcaldi, De Stefano et Schiani. A ce trésor incomparable, il faut ajouter une collection de 105 parchemins grecs, de l'an 1005 à 1273, publiés, en 1865, par le Chev. Trinchera dans son Syllabus Græcarum membranarum, et une autre collection, plus belle encore de 757 diplômes pontificaux et princiers, de l'an 840 à 1776. Après cela, on aura une faible idée de ces fameuses archives de Cava, ainsi que les appelle DE MEO (loc. cit.) que MABILLON considère, avec raison, comme immaculées (Iter Italic. p. 117, Paris, 1686), que MURATORI ne cesse d'appeler illustres, célèbres, insignes, etc. (Antiq. Ital. I. 180, 182. II. 40, 1034, etc.), dont enfin GAETAN TROYLI fait le bel éloge suivant: « L'archivio della SS. Trinità di Cava.... il più sacrosanto ed illibato tra i più celebri d'Italia e il più ricco di documenti Longobardi e Normanni dei Principi di Salerno.» (Risposta ad una scritt. per la Rocchella. Mag. 1756.) 3) Cf. à l'Appendice, lettre B., la liste des monastères de Cava. 4) Voy. plus haut, p. 35, et Cf. VENUS. f. 15 a t°; RODUL. Hist. MS, 61, p. 30. tribua encore à consolider cet heureux résultat. Il s'agit de la venue et du séjour à Cava d'Odon de Châtillon. Grégoire VII, au milieu de ses luttes gigantesques contre la Simonie et les Investitures, si bien protégées par l'empereur d'Allemagne Henri IV, se voyant presque seul à combattre, avait demandé des auxiliaires à Cluny '). L'abbé Hugues, parmi plusieurs autres religieux distingués, lui envoya alors l'ancien disciple de Pierre Pappacarbon, qui depuis deux ans remplissait, à Cluny, les fonctions importantes de prieur claustral 2). Odon fut reçu à Rome avec les marques de la plus vive affection. Hildebrand fit de lui son conseiller et son ami le plus intime. Odon cependant, qui conservait le plus doux souvenir de son ancien maître, se voyant si proche de lui, se rendit, peu après, à l'abbaye de Cava, le seul monastère, dans le sud d'Italie, qui, à cette époque, fut en relation avec Cluny 3). Il vécu alors (1078) dans l'abbaye de la Sainte-Trinité, en grande intimité avec son vénérable maître 4), et c'est alors aussi, comme il est de tradition à Cava et comme 1) VOIGT. Hist. de Grég. VII. Trad. de Jager, t. II. Paris 1839; A. DE BRIMONT. Un pape au Moy. Age, p. 102. 2) A. DE BRIMONT (loc. cit.) pense qu'Odon de Châtillon vint en Italie en compagnie de son ancien maître, en 1078. D'après ce que nous avons dit pag. 35, cela semble inexact. Dès 1070, Pierre était de retour à Cava. 3) Ce ne fut que longtemps après que Cluny acquit, dans les Deux-Siciles, un monastère à lui entièrement soumis. D'après une lettre de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, à Roger, premier roi de Sicile, on voit qu'à cette époque (1131), Cluny n'avait encore qu'une seule maison de son ordre, un tout petit monastère, dans ce royaume: Filium nostrum Gaufridum . . . vobis cum his litteris remittimus, atque tam ipsum quam commissum ei monasteriolum, quod solum adhuc in Regno Italiæ vestra Cluniacus habet, regiæ clementiæ commendamus. » (Ap. J. B. CARUSIUM. Bibl. Hist. Regn. Sicil. 11. 978. Panorm. 1723.) 4) La supposition faite par RUINART (Ouvr. posth. III. p. 16. Paris, 1724) de la venue d' Odon de Châtillon à Cava, en 1078, tout seul, et non point en compagnie de son ancien maître; bien que contraire au récit de l'abbé RODULPHE (Hist. S. Mon. Cav. lib. 1, c. 86; Vite dei SS. Pad. Cav. MS. 65, fol. 35, 113, 131), à celui de VENEREO (Ap. RODUL. Hist. MS. 61, p. 45), comme aussi au Breve Chronicon Cavense d'UGHE LLI (Ital. Sac. VII. 367. Venise 1721), est cependant la seule qui puisse s' harmoniser avec les parchemins de l'époque, cités plus haut, p. 35 not. 5. Quant à admettre que Odon soit venu en Italie en 1070, avec Pierre Pappacarbon, puis retourné en France et enfin revenu en Italie, en 1078; cela est contraire à toutes les données historiques (RUINART, op. cit. p. 14, 15). Il suit de là que le séjour d'Odon à Cava, comme novice de l'abbé Pierre, est inadmissible, et que les assersions de CIACCONIO, Vitæ et gesta Roman. Pont. (I. p. 877, Rome, 1678), d'UGHELLI (op. cit. VII. 367), de Séraphin TANSI (Hist. Chronol. Montis Caveosi, p. 28, Napol. 1746) et autres, sont également semble l'indiquer une bulle postérieure, que Pierre annonça à Odon sa future élévation sur la chaire de S. Pierre 1). Toutefois Odon ne demeura pas longtemps à Cava. Bientôt Grégoire VII le rappela à Rome, et comme, après la mort du légat Gérard ou Gérald, Henri IV voulait mettre sur le siége épiscopal d'Ostie une de ses créatures, du nom de Jean, le grand Hildebrand s'empressa de donner cet évêché à Odon de Châtillon (1078). Celui-ci dès lors devint l'aide le plus utile de Grégoire VII et, durant quatre années, ne se détacha plus de ses côtés 2). Plus tard nous aurons occasion de reparler d'Odon. Revenons maintenant à l'abbaye de Cava. Léon de Lucques était arrivé à une extrême vieillesse. Il avait, depuis la mort de S. Alfère, gouverné l'Abbaye pendant presque trente ans (1050-79). Il s'endormit enfin heureusement dans la paix du Seigneur, le 12 juillet 1079 3). Son corps fut déposé dans la Crypte Arsiinexactes. Odon de Châtillon, plus tard Urbain II, fut disciple de Pierre Pappacarbon à Cluny, en 1070, et son hôte à Cava, en 1078. 1) In eodem loco, qui Mitilianj Cava vulgariter numcupatur Basilicam dedicavimus, die nonarum Septembris, indulgentes eidem Monasterio contemplatione cuiusdam prerogative specialis charitatis, quam experti fuimus in eodem Cenobio, ymmo potius perfectam Religionis observantiam dum adhuc essemus in minoribus ordinibus constituti. » Ex Bull. Urbani II. an. 1092, arc. mag. C. 32, vel ap. CoCQUELINES, Bull. Rom. II. 74. Romæ, 1739. Les dernières paroles d'Urbain II, de prime abord, semblent indiquer son séjour à Cava, tandis qu'il était fort jeune encore et n'avait que les ordres mineurs: C'est le sens embrassé par Rodulphe, Venereo, Ciaconio, Ughelli et autres; sens qui a porté tous ces auteurs à faire venir à Cava Odon de Châtillon en compagnie de Pierre Pappacarbon, vers 1070. Cependant si l'on réfléchit à la valeur de l'expression latine: dum adhuc essemus in minoribus ordinibus constituti, on conviendra que c'est là une allusion au temps où le pape était encore simple particulier, même simple religieux, comme en 1078, sans toutefois n'avoir alors che les ordres mineurs. C'est ce que confirme le passage suivant de l'office de S. Rudésinde qui se célèbre le 1er mars: Claruit S. Rudesindus A. D. 930 et sequentibus, quem Cælestinus tertius, dum in minoribus esset, a terra levavit, deinde Pontifex factus in sanctorum catalogum retulit, anno salutis 1196. » (Offic. SS. Dioec. S. Trinit. Cavens. p. 46, Napoli, 1831. — Cf. DE BLASI, Lett. famil. al Rosini, p. 12. 2) Aussi Bennon, pseudo-cardinal, l'ennemi le plus acharné du Pape et de l'Église romaine, l'appelait-il le page de Grégoire, Gregorii pedisequum. A. DE BRIMONT. p. 106. RUINART, p. 16. ORDÉRIC VITAL, ap. Pertz, SS. XX. etc. 3) « 1079.Leo abbas Sanctae Trinitatis obiit.» Beda de Temp. MS. n. 3 f. 125 a t°, vel Ann. Cav. ap. PERTZ. SS. III. 190. — « IV. Id. (Julii) obiit Leo Abbas Cavensis. » Emortuale Casin. ap. GATTUL. Acces. p. 841.— Le Chron. Cavens. de Pratilli (p.448) se trompe encore en disant: « Mortuus est cum omnium dolore, et tristicia B. Leo abbas Mon. nostri valde senex in prid. Idus Jul. etc. » Il en est de même de De Blasi (Chron. ad an. 1079) et autres. a cia, à côté de celui de son prédécesseur '). Les miracles qu'il opéra de son vivant et après sa mort le firent dès lors honorer comme Saint et, sa fête, approuvée par l'Église, se célèbre annuellement, à Cava, le 12 juillet 2). 1)RODUL. Vite de SS. Pad. Cav. p. 26 a t°. du MS. 65; DE BLASI, Chron. ad an.1079.— Quand, en 1641, l'abbé Grégoire Lottieri fit le tombeau actuel de S. Léon, on retrouva son corps revêtu d'habits sacerdolaux, où se distinguait la couleur rouge (Ricordi II f. 144). L'archiviste de Cava, D. Camille Massaro, de Capoue, composa alors, pour la tombe de S. Léon l'inscription suivante, qui rappelle les principaux miracles du Saint et que Polverino nous a conservée (Descr. ist. della Cava, II. 80 ); Est Leo, quem claudo: normas Alferius illi Præbuit; insigni præfuit arte suis. Ligna ferens humero, famem reparabat egeni; Non igitur mirum si flamma accensa Leonis On préféra cependant à ces distiques l'épigraphe de D. Flaminius, religieux de S. Séverin de Naples (Ricordi.II. f° 143), que POLVERINO a déjà publiée, mais fort inexactement, en 1717 (Op. cit. II. p. 83) en l'attribuant faussement à D. Camille Massaro. Nous la reproduisons ici, comme on la lit aujourd'hui sur le tombeau du Saint: HORRESCIS CVM AVDIS SVB SPECV LEONEM? PROPERA, NE PAVEAS. EST FERVS FERIS. HINC TERRIBILE MONSTRVM PEREMIT. CAETERUM LENIS EST LEO, HINC PAVPERES, VINCTOS, GRAVATOS, TORPENS IGNIS ATER FORIS NON VSSIT, QUEM COELESTIS FLAMMA INTVS ACCENDIT. QUID MIRARIS PROPÈ VIRGINEM SIDEREV (SiC) LEONEM? OBTVPESCE MAGIS HVNC VIRGINIS DEIPARAE CREBRO DIGNATVM ASPECTU. FLORVIT ANNO DOMINI MLXXIX. 2) Au mois d'octobre 1874, le R. P. D. Guillaume Sanfelice, comme déjà nous l'avons remarqué ailleurs (pag. 28 not. ), observa les tombes des Saints Pères de Cava. Voici ce que, dans sa relation manuscrite, au f° 3, il dit à propos de S. Léon: « Il giorno 6 ottobre dell'anno 1874 verso le ore due pomeridiane, entrato nella grotta dei SS. Padri e fatto pure entrare il muratore Giuseppe de Sanctis dietro la tomba di S. Leone, e messa la candela accesa nel vuoto della montagna, che corrisponde alla base di detta tomba si vide una cassa di fabbrica, lunga quanto la tomba, che poggia sospesa ed in contrasto colla montagna e colla tomba. Al lato di dietro ed al di sotto vi è un vuoto.... Salito il muratore sulla cassa di fabbrica, facilmente staccò un pezzo del coverchio, ed era di marmo, come tutto il coverchio è di marmo, meno la parte dei piedi. In seguito al detto pezzo, fu sollevato un altro pezzo, ed era marmo porfido in forma di mitra. Di sotto al quale rotto la volta di mattoni comparve in una stretta nicchia di fabbrica l'intero corpo di S. Leone, poggiando la testa sul cuscinetto di fabbrica, col bastone nella mano sinistra fermato sul petto, ed i sandali a' piedi. Presi la sa |