prit ses forces premières et put longtemps encore gouverner par luimême son monastère et tous les autres, si nombreux, dont se composait désormais la Congrégation de Cava. Mais, dit un annotateur contemporain, le neuf du mois de Juin 1118, l'abbé Pierre, tandis qu'il s'était rendu, comme d'habitude, au Chapitre, fut soudainement ravi en extase, de telle façon qu'on le crut mort. Toutefois, grâce à Dieu, il revint à lui. Peu après il se donna pour successeur Dom Constable qui fut ordonné ou élu le 17 Octobre de la même année 1). » Nous parlerons dans le chapitre suivant, de l'abbé Constable Gentilcore. Disons seulement ici qu'il ne prit point dès lors, comme on l'a pensé, d'après Rodulphe et De Blasi ), la direction exclusive du Monastère. Le vénérable Pierre continua encore plusieurs années à être l'abbé effectif de Cava. Constable ne fut que son aide et son coadjuteur, ou mieux l'abbé constitué pour lui succéder. C'est ce que prouvent un grand nombre de parchemins des années 1118 à 1122, où Pierre continue, comme abbé de Cava, à recevoir des donations, à souscrire des contrats d'achat ou de vente, et à faire d'autres actes d'administration 3).

L'abbé Pierre mourut enfin le 4 Mars 1122 4), ayant au delà de qua

1) 1118. Obiit domnus papa Paschalis, et Johannes cancellarius in papam Pelagius hordinatur. Et nono die stante mense Junio domnus Petrus Abbas, dum ad Capitulum secundum consuetudinem veniret, subito in extasi factus est, ita ut putaretur defunctus esse; et statim Deo ad mentem rediit. Et domnus Constabilis ad ipsum hordinatus est abbas 17° die intrante mense Octobri. » Ann. Cav. ap. PERTZ. III. 191.

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2) RODUL. Hist. MS. 61. p. 77; Dɛ BLASI, Chron. MS. ad an. 1118 in fine et 1119. 3) Ainsi on trouve en Décembre 1121, Indict. XV, une promesse d'achat: «Promissio emptionis. . . facta in monasterio S. Sophia Salerni per Dnum Constabilem Abbatem Cavensem Constitutum, et ubi Dnus Petrus Abbas præest» (Arch. Cav. Arc. XXI. 60) Il est sûr cependant que Pierre, après l'élection de son coadjuteur, se retira, pour quelque temps, en Cilento, dans le monastère de S. Archange de Perdifumo,et c'est là, qu'il donna, en 1119, l'habit religieux au comte Alfan, dit le Roux, qui offrit, en cette occasion, au monastère de Cava l'église de S. Sauveur de Nuce (V. DE BLASI.Chron. ad an. 1119. RoDUL.loc. cit. etc.). Mais ce fut pour peu de temps, comme le prouve le parchemin cité plus haut.

4) IIII Nonis (Martii). Depositio domni Petri abbatis primi. » Ex MS. Cav. memb. n. 19.-IV non. (Martii). Obiit Petrus abbas Cavensis. » Ex MS. Cas. n. 334, ap. GATTUL. Acces. ad Hist. II. 840. - «1122. Domnus Petrus venerabilis abbas, constructor atque institutor huius monasterii sanctæ Trinitatis, cum eo perenniler regnaturus migravit ad Dominum. » Adnot. Bedae de Temp. f. 126 a t. vel ap. RODULPERTZ. Mon. Germ. Hist. SS. III. 191; Cf. DE BLASI, Chron. ad an. 1122. PHE (Hist. MS. 61. p. 69), se trompe donc en fixant la mort de l'Abbé Pierre en 1123.

tre-vingts ans 1). Plus de quarante avaient été employés à gouverner le monastère de Cava 2). Son corps fut déposé, à côté de ceux de S. Alfère et de S. Léon, dans la grotte Arsicia, depuis peu convertie en Chapelle des Anges, ainsi que déjà nous l'avons observé 3). Il y repose encore, dans un tombeau en marbre, orné de riches mosaïques 1). Ses contemporains eurent de sa sainteté une grande opinion, comme

MURATORI (SS. VII. 923) et PRATILLI (IV. 453) errèrent également en l'assignant à l'an 1120. Enfin MABILLON (Ann. liv. 73. n. 61) et BUCELINI (Menol. p. 169) sont encore plus loin de la vérité, en plaçant cet événement, le premier, en 1118, et le second, en 1137.

1) Sanctitatis gloria clarus, octogenarius vita defunctus est (Petrus) nonis (exaclement: IV non.) Martii, anno salutis millesimo centesimo vigesimo tertio. (mieux: secundo) » Ex VI. lect. Oft. S. Petri, p. 52, Off. SS. Dioec. Cav. Napoli, 1831. Ordinis instructor post Petrus tertius abbas.

2)

Ipse quaterdenis est loris fortius usus.

(Jean de Capoue ap. Venus, f 36 a t. vel Vita Sant'Alfer. p. 32.

) V. pag. 55. — Cf. RODUL. Hist. 61. p. 69; DE BLASI, Chr. 1122; BOLLAND. Act. SS. t. 1. Mart. p. 334. Ed. Venet.

4) Ces mosaïques, comme celles des tombes voisines de S. Alfère et de S. Léon, furent exécutées, en 1641, par JOSEPH RAPPI « maestro statuario eccellente di lavoro intertiato di pietra fina. » Sur le devant du tombeau on plaça l'inscription suivante, composée par Dom Hippolyte, de Bisceglia, religieux de S. Séverin de Naples (Libro dei Ricordi. II. f. 143):

HAC TEGIT, PETRA PETRVS ABB, III
ALPHERII NEPOS ET HAERES SANCTITATIS.

FACTA MAIORIS VIDIT ET INVIDIT. ILLE COENOBIVM EREXIT: ISTE EVEXIT.
PRIMVS LEGIBVS SVOS ONERAVIT: HIC DIGNITATIBVS HONORAVIL.
ILLE PRIMVS HONORIBVS PRAEFVIT: HIC PRIMVS HONORIBVS PROFVIT.
ABBATES NAMQVE MITRA CVMVLAVIT PRIMVS.

TRIA MILLIA NEPOTVM ALPHERIO PRO VNO REDDIDIT.

HOMINES ADHVC INVITOS FERREA CATENA AD COELVM TRAHEBAT.
MIRARIS HOC?

PRAEMISERAT AD COELI TANVAS VRBANVM II. DISCIPVLVM.
FLOR: ANN: DA MCXXIII,

Nous donnons ici, d'après Mazza (Hist. Epit. de Reb. Salern. p. 86. Naples. 1681) une autre inscription, plus courte,mais non moin belle que la précédente, qui se lisait encore au XVIIe siècle, dans le cloître de l'Abbaye, sous la figure de S. Pierre Pappacarbon. Elle résume admirablement la vie de cet illustre abbé: Sanctus Petrus, patritius Salernitanus nobilissimus, sancti Alferii nepos, Coenobii Cavensis abbas III. episcopus Policastrensis, trium millium monachorum pater, sanctissimi Urbani Pont. Max. institutor, et Corporis Cavae constructor, vilae austeritate, atque miraculorum virtute conspicuus. » — On peut encore lire une autre inscription, en l'honneur de S. Pierre, dans POLVERINO, Descr. ist. della Cava, t. II. p. 78.

on peut facilement l'imaginer d'après le peu que nous en avons dit. Les nombreux miracles qui s'opérèrent, après sa mort, par son intercession, le firent dès lors regarder comme saint et honorer comme tel').

CHAPITRE V.

S. CONSTABLE GENTILCORE

1122-1124

Ré

Origine et vertus de S. Constable. — II deɣient coadjuteur de S. Pierre, · clusion à Cava de l'antipape Bourdin (Grégoire VIII). —Le Cardinal Rosseman prieur de S. Constable. — Roger Sanseverino moine de Cava. Donation de Constance princesse d'Antioche. — Fondation de Castellabate. Mort de S. Constable. — Culte légitime rendu aux quatre premiers abbés de Cava.

Le gouvernement de l'abbé Constable, bien que fort court, il ne dura pas même deux ans (4 Mars 1122-17 Février 1124),- est cependant très-remarquable.

Constable naquil, vers 1070, en Lucanie, au village de S. Jean della Redita, ou mieux de Tresino, situé tout proche d'Agropoli, et non loin

Sa fête se célèbre le 4 Mars. RoDUL. MS. 65. f. 29; BOLLAND. Op. cit. p. 385; ICHELLI, It. Sac. VII. 543, et suiv.

Dans les Chroniqnes du Monastère de Cava, il ne m'est pas arrivé de rencontrer que le tombeau de S. Pierre Pappacarbon ait jamais été ouvert. Le R. P. D. Guillaume Sanfelice, qui fut chargé, en Octobre 1874, de retirer, de ce tombeau, des reliques pour la Cathédrale de Policastro, est probablemeet le seul qui ait vu, depuis sa mort, le corps du Saint abbé. C'est ce qui m'engage à transcrire ici, en entier, la Relation si intéressante du P. Sanfelice: «Il giorno 7 ottobre dell' anno 1874, dopo grandi ricerche e stenti dietro la tomba di S. Pietro, III abate e vescovo di Policastro, tosto il terrapieno, che era dietro la tomba, fu trovato al livello della base della tomba e giusto nel mezzo un marmo bianco doppio quasi due palmi e lungo assai: era il coverchio della nicchia, ove è il corpo di S. Pietro. Fu necessità aprire un foro sotto di detto marmo ed era un altro pezzo di marmo sottoposto, che si dovette rompere, quivi intromessa la candela, si osservò una nicchia, nel cui fondo era disteso il corpo di S. Pietro, vestito degli abiti monacali, colla testa sopra una grossa tegola (il capo era scostato dalla tegola, lasciandovi sopra la sua impressione), il bastone tra le mani. Feci prendere un grosso pezzo del cranio, due pezzi del bastone (fragile e consumato) ed un guanto, che conservansi nel reliquiario. Chiusi l'urna, feci fabbricare fino a sopra le baje della tomba, ove prima era terrapieno, e sono quasi quattro o cinque palmi di fabbrica. Tanto attesto innanzi a Dio esser vero, di cui sono stato io sottoscritto testi

des ruines de l'antique cité de Pestum 1). Suivant plusieurs auteurs sérieux, il appartenait à la famille Gentilcore, l'une des plus nobles de la Lucanie 2). Encore enfant, à l'âge d'environ sept ans 3), il fut offert par ses parents au vénérable S. Léon de Lucques *). Il se distingua dès lors par ses goûts simples et ses mœurs pures. Toujours, dit un de ses historiens, il se montra l'imitateur des justes et l'ami des pécheurs. Il prenait surtout un grand soin de défendre ses confrères et de dissimuler leurs défauts ou leurs faiblesses. Aussi cette conduite le fit-il surnommer le bouclier des religieux 5) et le rendit-il bientôt l'idole de tous, cunctis amabilis ").

Durant la longue administration de l'abbé Pierre (1079-1122), Constable fut souvent employé à traiter les affaires les plus importantes de son monastère. On le trouve surtout fréquemment mentionné dans les parchemins du commencement du XIIe siècle. C'est ainsi, pour n'en citer qu'un seul exemple, que nous le voyons occupé, en 1113, à re

monio oculare. Dalla badia di Cava dei Tirreni 3, dico tre novembre mille ottocento sessanta quattro. D. Guglielmo Sanfelice, Cassinese, vicario generale. » (Relaz. fol° 4 et 5)-Je détache d'une lettre que me fit l'honneur de m'écrire Mgr Joseph-Marie Cione, évêque de Policastro, le 28 Avril 1875, le passage ci-après: « Domenica scorsa (25 Avril) abbiamo qui solennizzata la Traslazione delle venerate reliquie di S. Pietro Pappacarbone in questa sua antica Cattedrale. L'entusiasmo è stato grande, ed anche maggiore il profitto spirituale. Sia lodato Iddio e ringraziata la gentilezza di cotesti R.mi P. Abate e Vicario, che mi hanno fornito così prezioso tesoro. »

1) Nelle sue vicinanze (di Agropoli) vi furono altri luoghi in oggi disabitati come ... Sangiovanni della Redita, chiamato Tresino, o sinus trium Syrenarum, patria di S. Costabile,quarto Abbate del Monistero della Trinità della Cava.» L. GIUSTINIANI, Diz. Geog. Rag. del Reg. di Nap., t. I. p. 62, Napoli 1797.

p. 230.

2) MORCALDI, Cod. dipl. Cav. Synop. p. lxxiii; ADINOL. Stor. della Cava, 3) a Saltem septenarius oblatus est ». RODUL. Hist. MS. 61. p. 77. 4) Hic itaque Lucania provincia exortus, ab ipsomet pueritie sue tempore viro Dei Leoni abbati erudiendus a parentibus traditus fuerat. Qui licet sub venerandi senis huius institutione proficeret, tamen a viro eque laudabili Petro abbate monastici ordinis disciplina plenius instructus, » etc. VENUS f. 28 a t°. MURAT. SS. VI. 229.

5) In eodem vero prelationis sue culmine tante virtutis splendore claruit, ut cum superior esset ordine, gestu et officio minor omnibus appareret. Sed et misericordie viscera illa habuit, quibus pro voto aliquem numquam lesit, nullum contristavit; et ut illud insigne virtutis eius extollam, justorum cultor et peccatorum amicus fuit. Tanta quidem negligentibus fratribus benevolentia iungebatur, ut fere nullus ei conscientie reatus tegeret, nullus suas negligentias occultaret. Hunc quippe venerabilem Patrem pro mirabili illo sue caritatis affectu quo tegere culpas delinquentium solebat, Operimentum Fratrum vocare consueverant. » ID. f 30. MURAT. Ibid. pag. 230 DE BLASI. Chron. ad an. 1124.

cevoir, au nom de son Abbé, cinq vassaux du village de Cétara 1). I déploya, en toutes circonstances, tant de tact et d'intelligence, que ce fut précisément sur lui, ainsi que nous l'avons vu à la fin du chapitre précédent, que l'abbé Pierre jela les yeux, quand il voulut se donner un coadjuteur (1118) 2). Dès ce moment, il ne se fit plus rien dans le Monastère, sans que Constable n'y eût une large part. Son rôle fut même si considérable que plusieurs écrivains 3), malgré le témoignage formel des documents contemporains ), l'ont considéré, comme l'abbé de Cava, de l'an 1118 à l'an 1122, époque de la mort de S. Pierre 5). La vérité est que Pierre fut encore à cette époque abbé de Cava, mais ce fut Constable qui prit le principal souci de cette dignité.

C'est surtout par suite de ces réflexions que nous sommes conduit à placer ici la réclusion, à Cava, de l'antipape Bourdin ou Grégoire VIII (1121-22). Maurice Bourdin 6) naquit dans le Limousin, en France. Il prit, jeune encore, dans le monastère d'Uzerche, qui dépendait de la Congrégation de Cluny, l'habit de S. Benoît 7). C'est là qu'il se trouvait, quand Bernard, archevêque de Tolède l'en retira pour le conduire en Espagne, en 1095. « Bernard, dit Fleury ), le fit premierement son archidiacre, puis évêque de Conimbe (Coïmbre). Mau

1) Dipl. de Juin 1113. Arc. Mag. Lett. E. 25.

2) V. pag. 79. — « Quem nimirum cum non solum magnis pollere virtutibus, verum etiam in earum affectu solidam anime habitum fixisse vir venerabilis Petrus abbas conosceret, senio iam defectus, evo maturus,consensu comuni omnium fratrum, labores Suos ei credidit atque eum eisdem fratribus loco sui preposuit. » VENUS fo 30. 3) DE BLASI. Chron. an. 1119. MORCALDI Synop. Cod. Dipl. Cav. p. lxxiii. *) Parchemins de Déc. 1121. arc. XXI, n. 60. n. 62. etc. V. Not. 3, p. 79. 5) Il est certain que l'abbé Pierre mourut le 4 Mars 1122 et non pas le 4 Mars 1123, comme on le croit généralement. Ce qui le prouve (outre les arguments donnés à la pag. 79, not. 4. ) c'est le diplôme du duc Guillaume, accordé à l'abbé Constable, au mois de Février 1123,1ère indiction, 12ème année de gouvernement du duc, où on lit, entre autre choses: « Confirmamus in monasterio sancte Trinitatis, quod construtum est foris hac nostra, a Deo concessa, Salernitana civitate, in loco Metiliano, cui nunc dominus Constabilis Dei gratia venerabilis abbas preest, de rebus stabilibus quas olim Guaimarius, qui fuit filius Guaimarij filij domni Guidonis (donavit) in loco Tusciano, ultra fluvium, qui Tuscianus dicitur. » Arc. Mag. F. 23,

6) 1118. Tempore Paschalis pape quidam Hispanie Archiepiscopus Mauritius, cognomento Burdinus, apud ipsum apostolicum de nigromancia accusatus fuit et convictus... Burdinum, sic cognominatum ingentes propter asinos in Hispania habundantes, quem (imperator Heinricus) Gregorium appellavit; sicque scisma, (Paschalis) excommunicavit. » Ann. Palidens. ap. PERTZ. XVI, p. 76.

7) BALUZ. Vit. Maur. Burd. in Miscell. I. p. 138. Lucca. 1761, in fo.

8) Hist. Eccles. liv. 66 n. 49. t. XIV. p. 228 et suiv. Bruxell. 1722.