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lui délibvreroit son fils, qui estoit hostaige pour sa part de l'argent qui estoit deu au roy de Franche et à ceux de Rouan, pour la composition qu'avoitfaicte le duc de Sombreset, lui estant à Rouan; lequel lui fust rendu et quicte. Puis délibvra la ville et chastel de Chierbourg au roy de Franche ou à ses commis, le douziesme jour du mois d'aoust, audit an mil cinq cent et cinquante. En laquelle ville ils étoient bien mille bons combattants anglois, soubs icelui Thomas Govel, lesquels s'en allèrent, leurs corps et leurs biens saufs. Après ce, en fust capitaine pour le roy de Franche, le sieur de Bueil, atout quatre-vingts lanches; lequel 'avoit esté fait nouvel admiral de Franche, par le trépas du sieur de Cottigny, qui en son vivant estoit capitaine de Granville, dont fust capitaine après sa mort, messire Jehan de Lorraine, atout cinquante lanches.

CHAPITRE XXXVI.

Comment, après que le roy eut conquis tout le pays de la Normandie, il envoya ses gens d'armes en Guyenne; et des gens de guerre qu'il laissa pour garder ledit pays de Normandie, puis s'en retourna en sa ville de Tours.

AINSI, comme dict est ci-dessus, fust reconquesté par le roy de Franche, Charles, septiesme de ce nom, et par les Franchois, la duchié de Normandie, et toutes les villes et chasteaux d'icelle MONSTRELET. T. XII. MÉM. DE J. DU CLERCQ.

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mis en l'obéissance du roy de Franche, en ung an et six mois, qui peut sembler que ce fust grace divine que Dieu y entendit; car on n'a peu veu ni sceu que si grand pays fust sitost conquesté; lequel pays contient six grosses journées de long et quatre journées de large; et y a dedans six éveschés, ung archevesque et cent que villes et forts chasteaux, sans ceux qui ont été abattus, destruicts et' desmolis par la fortune de guerre, laquelle y avoit duré l'espace de trente ans, durant les grandes divisions qui avoient esté en Franche, tant à cause de la mort de Loys, duc d'Orléans, qui fust occis en l'an quatre cent et sept, en la ville de Paris; et lequel estoit frère du roy Charles sixiesme, comme de la mort de Jehan, duc de Bourgogne, lequel avoit aussi esté valliamment occis à Montereau Faut-Yonne, en l'an mil quatre cent dix-neuf; desquelles guerres font mention plusieurs chroniques, de ce parlant, qui en ce temps feurent faictes. On n'a point veu que si grand pays eust esté conquis en si peu de temps ni à moings d'occision de peuples et de gens d'armes, ni à moings de dommaige, qui peut et doibt tourner à la grande gloire et honneur duroy de Franche dessusdit, des princes et autres sieurs Franchois debvant nommés, et de tous autres qui feurent en la compagnie du roy, au recouvrement de la duchié dessusdite; et se feit icelle conqueste en l'année des grands pardons de Rome.

Quant le roy de Franche eust, ainsi que dict est, conquis toute la Normandie, il ordonna six cents

lanches et les archiers, c'est à scavoir chacune lanche, deux archiers et un coustelier pour garder icelui pays; et les autres gens de guerre, il les envoya en Guienne. Puis se parteit le roy du pays de Normandie, et arriva au mois de septembre ensuivant en sa ville de Tours en Tourraine.

CHAPITRE XXXVII.

Des graces que le roy rendit à Nostre Seigneur; et ordonna chacun, en la mémoire de la victoire que Dieu lui avoit envoyée, faire processions généralles par tout son royaume, qui se feroient le quatorziesme jour d'aoust; et de l'ordonnanche des gens d'armes et de leurs habillements.

QUANT le roy fust retourné à Tours, il rendit graces à Dieu de sa grande et noble conqueste et victoire qu'il avoit; et par deslibération de son grand conseil, adfin de rendre plus grandes graces, et plus remerchier Dieu de sa grande conqueste, il commanda célébrer processions générales par tout son royaume, le quatorziesme jour d'octobre ensuivant, et de là en avant par chacun an, an, le quatorziesme jour d'aoust; et de ce envoya lettres-patentes aux prélats par tout son royaume, requérant de ce faire, et que en ce n'y olt faute. Et dessusest assez parlé des assemblées des gens d'armes, que les princes et seigneurs tenoient et avoient,

pour ce que

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ci

et comment l'ung avoit deux cents lanches, l'autre trois cents, et ainsi plus ou moins, il est bon de faire entendre ce qu'on appelloit une lanche et quelle sieute (suite). Vray est que par l'ordonnance qu'il avoit mis en son royaume, laquelle montoit d'ordinaire, sans les seigneurs, princes, seigneurs, fiefvés et arrière-fiefvés qui doivent servir le roy, à dix-sept cents lanches; et estoit chacune lanche d'ung homme d'armes, armé de cuirasse, harnas de jambes, sallades, bannière, espée, et tout ce qu'il faut à ung homme armé au cler, ses sallades et espées garnies d'argent; lequel homme d'armes avoit trois chevaux de prix, l'ung pour lui, l'autre pour son page qui portoit sa lanche, le tiers pour son valet, lequel estoit armé de sallade, bringandine, jacquet et haubergeon, portant hache ou guisarme, et avoit avec ce chacune lanche, deux archiers à cheval, armés le plus de brigandines, harnas et sallades, dont les plusieurs estoient garnies d'argent. Du moins avoient iceux archiers, touts jacquets ou bons haubergeons; et payoit-on touts ceux qui estoient de ceste ordonnance de dixsept cents lanches, de mois en mois, fust que le roy olt guerre ou non. Et les payoient les gens du plat pays et des bonnes villes, par une taille qu'icelui roy avoit mis sus, ce qu'on n'avoit oncques faict, laquelle on appeloit la taille des gens d'armes; et avoit chacun homme d'arme quinze francs, monnoie royale, pour ses trois chevaux, à scavoir : pour lui, son page et ung guisarmin ou coustillier;

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et chacun archier pour lui et son cheval, sept francs et demi le mois. Durant ceste conqueste de Normandie, tous les gens d'armes du roy de Franche et qui estoient en son serviche, fuissent d'icelle ordonnance ou non, feurent tous payés de leurs gages de mois en mois; et n'y avoit si osé ne si hardi qui osast prendre, durant ladite guerre ou conqueste de Normandie, prisonnier, ni ranchonner cheval ni autre beste quelle qu'elle fust, ni vivres en quelque lieu que ce fust sans payer, fuissent en l'obéissance des Anglois, ou à ceux de leur parti, fors seulement sur iceux Anglois et gens tenants leur parti, qui estoient trouvés faisants guerre et en armes; et ceux-là pouvoient-ils bien prendre licitement et leur estoit permis, et non autrement. Tous ceux pareillement qui gouvernoient l'artillerie, estoient payés de jour en jour, en laquelle y avoit le plus grand nombre de grosses bombardes, gros canons, veuglaires, serpentines, crapeaux d'eau, coleuvrines et ribaudequins qu'il n'estoit lors mémoire d'homme avoir veu à roy chrestien, bien garnis de poudres, manteaux, et de toutes autres choses pour approcher et prendre villes et chasteaux, et moult grande foison de charrois pour les mener, et des manouvriers pour les gouverner. Pour laquelle artillerie conduire et gouverner estoient commis messire Jehan Bureau et son frère, qui en firent moult bien leur debvoir, et s'y gouvernèrent très grandement. Et à la vérité dire, durant ceste conqueste de N or

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