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savant de cet ouvrage si utile pour la connaissance des relations religieuses entre la Chine et l'Inde, la patrie du Bouddhisme.

La seule chose que je regrette c'est que l'auteur, qui savait par mon article dans le Toung-pao cité ci-dessus, que je travaillais moi-même depuis cinq ans à ces inscriptions, ne m'ait pas consulté avant de les publier. Etant nanti de tous les estampages et photographies jadis en possession de feu le général Cunningham et de M. Giles, qui les avaient gracieusement mis à ma disposition pour m'aider dans mon travail de déchiffrement et de traduction, j'aurais pu fournir à M. Chavannes d'utiles suggestions et le préserver de mainte erreur qu'il a commise tant dans la restauration des caractères mutilés que dans l'interprétation des passages difficiles, surtout de la première inscription, qui est la plus mutilée et fort mal gravée, et qui, par conséquent, de l'aveu même de l'auteur, offre des difficultés considérables.

Mentionnons d'abord les caractères

dans la 1re et

la 2e ligne de l'inscription I., que j'ai été le premier à déchiffrer et que j'ai rendus par le mot sanscrit Sang-nad-dha (Samnaddha).

M. Chavannes conteste cette identification pour la raison suivante: Selon lui, les mots qui commencent en Chinois par l'articulation ch servent à transcrire une syllabe sanscrite commençant par une sifflante palatale et ne peuvent être l'équivalent d'un mot commençant par une sifflante dentale, et il cite comme exemples: chainen 沙門 = çramaņa; che-lo-i-to = Çîlâditya; che= Çakya, etc. Mais la règle établie ici par M. Chavannes n'est pas du tout exacte, et les Chinois ne distinguent en général pas dans leurs transcriptions entre la palatale C (ch) et la dentale S. Ainsi Julien (Méthode etc., p. 85) cite cha pour sa dans sâgara (b); pag. 86 chan pour sañ dans sañdjiña et pour san dans Sanirádja (). Comp. aussi Eitel, Sansc.chin. dictionary, p. 1216. Julien cite encore chan pour san

kia

sañ

dans sañdjayin et Eitel (p. 117a) chan pour sam dans samdjaya, sandjaya (珊閣邪 ou珊閣夜). Enfin Julien cite encore

chan pour san dans le terme en question Sannaddha (₺ B) que les auteurs dans notre inscription ont transcrit par 4 AB sang-nat-t'a. L'erreur de M. Chavauues provient qu'il n'a eu regard qu'à la prononciation mandarine actuelle de ces caractères, au lieu qu'à l'ancienne prononciation conservée dans le dialecte d'Emoui où l'ancienne dentale S se trouve pour la palatale Ch de la langue mandarine.

Ainsi les caractères,,, cha et chan en mandariu moderne, se prononcent encore aujourd'hui à Emoui sa et san, et le caractère 生, en mandarin moderne cheng, s'y prononce sing. L'ancienne voyelle était a comme il paraît par le Cantonnais chang. Le changement de la dentale en palatale est moderne, car p. e. les caractères 升,昇,陞,勝,聲,城,晟,盛,澠,埕,聖,乘 etc., qui se prononcent tous en mandarin moderne ching, avec la sifflante palatale, se prononcent à Emoui sing, avec la sifflaute dentale. Donc la règle avancée par M. Chavannes, ainsi que son objection, sont nulles.

L'envers a, du reste, également lieu. Ainsi chitâ est transcrit par les Chinois Sze-to, Sih-to (à Emoui Sit-t'o) ou

Si-to (à Emoui Su-to, à Canton sai-to), etc.

M. Chavannes pense que les caractères

noui-t'o, qu'il

écrit nei-t'o, pourraient être une transcription imparfaite du mot skt.

nidâna »cause”, transcrit généralement par les Chinois

ni-t'o-na. Mais ceci est impossible. Le car. 內

se prononce, il est vrai, aujourd'hui nouï en Mandarin, laï à Emoui, noi à Canton, mais son ancienne prononciation était nat ou nap, comme il appert des caractères chinois où il entre comme élément phonétique, p.e.柄,柄,柄,柄,柄,釉, en Mandarin moderne nah, à

Emoui lap, à Canton náp, et le caractère cantonnais vulgaire nát fer à repasser»; en langue classique le car. se prononce en mandarin nah, à Emoui lout, avec la signification de «battre le fer». Le caractère pou, «bégayer», se prononce en Mandarin nouh, à Emoui lout, à Canton nout. Mandarin nah, à Emoui lout, à Canton nat;

se prononce en

se prononce en Mandarin nouh, à Emoui lok et lout, à Canton nouk et nout;

se prononce en Mandarin nouh, à Emoui loyt et lap, à Canton lat et nap. Dans les transcriptions doit donc être lu nat ou nap. La forme Sang-nat-t'a (Sang-nad-dha) est donc très 生內陀 correcte. Plus tard, quand avait perdu son ancienne prononciation nah pour devenir nouï, on l'a remplacé dans les transcriptions par le caractère, prononcé nah en mandarin, nat en Cantonnais et lát à Emoui. Conséquemment, surtout à l'époque des Han, le caractère ne peut jamais avoir été employé pour transcrire la syllabe sanscrite ni, mais n'aura pu servir qu'à transcrire la syllabe nad ou nap. Meng-tsze (V, E, VII, 6 et T, II, 1) s'en sert pour rendre le caractère 衲 nah: 若已推而內之溝中 joh ki t'oui örh nah tchi kau tchoung, c'est comme s'il les poussait lui-même dans un fossé». Livre III, VII, 2:

Anah, «Sieh-lieou fermait sa porte, et ne voulait pas faire entrer (le prince»). Chap. II 1, 6, 3 on trouve nah kiao, entrer dans la faveur de quelqu'un», «gagner son affection». Le caractère nah, dont l'ancienne prononciation était nap, est employé par les Bouddhistes chinois pour transcrire la syllabe nav; p.e. nap-pak-tê-pan-ku-lo pour Navadivakula;

nap-pak-p'o pour Navapa, nom de la ville nommée maintenant Pidjan; mâ-nap-pak-ka pour Mánavaka,etc. J'objecte donc formellement contre la supposition que nah pourrait représenter la syllabe ni dans nidâna, surtout puisque la dernière syllabe na manque dans le terme ; et je main

tiens ma leçon pour sang-nad-dha, terme que je vais expliquer maintenant.

Le dictionnaire Sanscrit Fan-yih ming-i (Chap. XI, fol. 2 r. dit de ce mot.:儈涅、一云儈那、大誓。儈涅自誓。一 云儈那言鎧、儈涅言著、名著大鎧。亦云莊 嚴。故大品云。大誓莊嚴。正言膃那訶、此云 甲。脚捺陀此云被、或云衣.謂被甲、衣甲也。 Sangniep, que quelques-uns lisent Sangna, est un grand vœu (un engagement par serment). Sangniep veut dire se lier par un serment». D'autres disent que Sangna signifie «cuirasse» et Sangniep <mettre » c'est-à-dire «mettre une grande cuirasse ou armure». Le mot a aussi la signification de «sérieux» et pour cette raison le Ta-p'in dit: «Un grand vœu ou serment sérieux". Correctement on le nomme Sannaha ce qui signifie «cuirasse» et San-nad-dha ce qui signifie «se couvrir de» ou «s'habiller de», de sorte que l'expression signifie «se couvrir d'une cuirasse», «mettre une cuirasse».

Or, en Skt. Samnáha (Sam+nah+a) signifie «Armure, Cotte de mailles» et Samnaddha «armé, préparé pour le combat». Benfey (Skt.-Engl. Dict. p.p. 463, 1005, 1035, 462) mentionne encore Samnahana (Sam + nah + ana), «s'armant, se préparant, se tenant prêt, Sannahanika (Samnahana +ika), «portant ou se couvrant d'une armure», tous des mots ayant pour racine la syllabe nah,

< s'armer >>.

L'expression s'armer, mettre l'armure» signifie en littérature bouddhique simplement mettre la kachaya ou l'habit ecclésiastique. La Kachaya est l'armure contre l'insulte», disent les Chinois ( 裟為忍辱鎧. Vide K'ang-hi s. v. 鎧).

En Europe, pendant le moyen-âge, l'habit ecclésiastique était également la meilleure défense contre l'insulte. Quant à la signification de vœu», l'exégète chinois a probablement confondu. samnah avec sandhâ (samdha), «une convention, promesse ou un vœu».

Dans la première ligne sangnaddha est précédé par

«ensemble »

et dans la seconde ligne par «aller» d'où M. Chavannes conclut

qu'il faut traduire dans la seconde ligne par aller naître» (en paradis); et dans la première ligne il traduit la phrase

上功德迴逈同生內陀 par 《d'un mérite tel que celui qui vient d'être nommé, l'effet en retour est égal à la cause qui fait naître».

Ici est mal traduit par «l'effet de retour» qu'il explique

d'après une glose de l'ouvrage

par: l'expression hoei hiang employée ci-dessus signifie l'heureuse récompense d'un mérite》(右說回向功德福報).

Mais la glose ne dit pas signifie 1), mais simplement «Hoeihiang est l'heureuse récompense des bonnes actions», et elle n'explique pas le sens de l'expression hoei hiang, que j'ai déjà indiqué dans mon article précité dans le Toung-pao, Vol. VI, p. 522, comme signifiant «a reverting and vow-uttering heart».

Le dictionnaire Fan-yih ming-i précité dit (Chap. XI, fol. 8 verso), en expliquant le terme Bhú-tam-ma (probablement, selon mon collègue M. le professeur Kern, bhûtâtmâ, nominatif du mot bhútatman, composé de bhúta, qui signifie e. a. «réel, vrai » et átman «esprit, âmex): 此云至誠。十六觀經云。發 三種心、卽便往生。何等為三。一者至誠心。 二者深心。三者回向發願心。疏釋至誠心云, 卽實行衆生。至之言專、誠之言實。禮記日、 志之所至。至者到也。易注日、存其誠實。故 Bhútamma signifie «suprême sincérité». Le Sûtra

des seize contemplations dit; Quand on possède les trois espèces de coeurs, cela facilite d'aller naître. Quels sont ces trois? le premier est un coeur extrêmement sincère; le second un

1) Dans les commentaires chinois «signifie» est généralement rendu parou Z, mots qui ne se trouvent pas dans le texte cité.

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