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« des plantes, dans laquelle il excelle: son nom est M. Leclerc de «Buffon; vous pourrez lui écrire au Jardin du Roi, où il va loger, et «lui adresser les choses que vous destinerez dans la suite, soit pour le « Cabinet d'histoire naturelle, soit pour le Jardin royal1.

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Dans une autre lettre (du 5 avril 1744), Bernard parle beaucoup à son correspondant des plantes marines qu'il vient de reconnaître (après Peyssonnel, bien entendu) pour des polypes. «Je crois vous avoir « marqué, dans quelques-unes de mes précédentes lettres, que les << plantes marines connues en botanique sous le nom de corail, litho«phytes, madrépores, étaient des corps formés par des animaux, et que « des observations que j'ai faites sur les côtes de Normandie et de Bre<<< tagne m'avaient confirmé dans ce sentiment. Ces animaux sont des << espèces de polypes ou orties de mer..... Vous pourrez les obtenir si <«< vous mettez ces différents corps, fraîchement tirés de la mer, dans « des bocaux remplis d'eau salée et nouvelle; vous verrez bientôt les << animaux sortir de leurs loges, étendre leurs cornes, qui leur servent « de mains pour arrêter les petits insectes ou vers nageant dans l'eau, « dont ils se nourrissent. Voilà un objet de recherches qui peut vous << amuser beaucoup et utilement; il vous fournira bien des découvertes << si vous voulez y donner quelques heures de votre loisir; vous êtes <«< tout à fait à portée de vous satisfaire de ce côté-là, environné de «mer et ayant des plages de différente nature, des rochers qui se « découvrent dans les basses marées, et des terrains qui sont noyés à << des hauteurs plus ou moins grandes..... Quel spectacle intéressant « pour un curieux de la nature d'examiner les formes singulières de tant << d'animaux qui ont été jusqu'ici inconnus!..... >>

Je pourrais ajouter encore quelques citations, et qui auraient aussi leur intérêt; mais je m'arrête.

Il me semble que la nature de Bernard nous est maintenant bien connue doux, patient, affectueux, serviable, sans aucune ardeur de rivalité ni d'ambition, mais animé d'une curiosité vive, et toujours la même, pour connaître de nouveaux êtres, et, ce qui élève le point de vue, pour chercher les rapports de ces êtres, et, ce qui l'élève plus encore, pour chercher le principe supérieur qui donne ces rapports. Je trouve, dans les Notes de Laurent, un mot qui me paraît le peindre avec précision : « Il ne se piquait pas d'avoir l'esprit fort, mais il l'avait juste. » C'est, en effet, cette justesse d'esprit, jointe à une sagacité très-fine, qui lui fit découvrir, relativement à la méthode, le véritable point de la

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difficulté et de la question. Il ne s'agissait plus de multiplier en vain les systèmes; au beau système de Tournefort sur les pétales, à l'ingénieux système de Linné sur les pistils et les étamines, il ne s'agissait pas d'ajouter de nouveaux systèmes; il fallait bannir tout système partiel, c'est-à-dire fondé sur une seule partie; et, d'un autre côté, les embrasser toutes, ce n'était pas non plus avoir trouvé la solution du problème; il ne fallait pas dire, avec Adanson, « qu'une méthode, pour être natu«relle, doit se fonder sur toutes les parties prises ensemble 1, » ni, avec Linné, «qu'il ne faut préférer aucune partie à une autre, mais seule«ment leur symétrie commune 2; » il fallait s'élever jusqu'à l'idée de « l'importance relative de ces parties; et, une fois ce grand principe saisi, il fallait rassembler et distribuer, conformément à ce principe, tous les genres de plantes jusque-là connus en groupes plus généraux, plus vastes, en familles, en ordres, et tel a été le mérite propre du Catalogue de Trianon cela fait, il restait à définir, à manifester ces ordres des par caractères; il fallait établir et développer ces caractères, travail non moins difficile, plus difficile peut-être, quoique moins original, et qui devait être l'ouvrage du neveu de Bernard, de ce Laurent de Jussieu, si digne aussi d'être étudié pour son compte, et qui sera l'objet de mon second article.

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(La saite à un prochain cahier.)

FLOURENS.

Histoire de LA VIE ET DES ouvrages de HIOUEN-THSANG ET DE SES VOYAGES DANS L'INDE, depuis l'an 629 jusqu'en 645 (de notre ère), par Hoeï-li et Yen-thsong, suivie de documents et d'éclaircissements géographiques tirés de la relation originale de Hiouenthsang, traduite du chinois par Stanislas Julien, membre de l'Institut de France. Paris, imprimé par autorisation de l'Empereur à l'Imprimerie impériale, 1853, in-8° de LXXXIV-472 pages.

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HUITIÈME ET DERNIER ARTICLE 3.

De l'état du bouddhisme dans l'Inde au vII° siècle de notre ère.

Le bouddhisme se divise toujours en deux sectes, celle du Grand

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Voyez mon Éloge historique de Laurent de Jussica. — Voyez les Classes plantarum, à l'article Fragmenta methodi naturalis. — 3 Voyez, pour le premier article,

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Véhicule et celle du Petit Véhicule, remontant l'une et l'autre à une haute antiquité. Fa-hien les avait trouvées dans la même situation que les trouve Hiouen-thsang deux cent vingt ans après lui. Quelles différences les séparent? En quoi consistent précisément leurs dissentiments? C'est ce qu'il est assez difficile de savoir; et, jusqu'à présent, c'est là une question qui reste obscure, bien que, dans les monuments bouddhiques que nous possédons, on cite à tout instant les noms de ces deux sectes. Hiouen-thsang, qui en a beaucoup parlé, n'est pas plus précis; et, comme sans doute les choses étaient fort claires pour lui et pour ceux auxquels il s'adressait, il n'a pas pris la peine de les expliquer. Mais, à l'aide d'inductions tirées de ce qu'il dit, on peut, si ce n'est résoudre toutes les incertitudes, du moins fixer quelques points qui devront être désormais regardés comme certains.

D'abord, le Grand Véhicule et le Petit Véhicule (Mahâyâna et Hînayâna) se ressemblent parfaitement quant à la foi sans bornes qu'ils ont vouée au culte du Bouddha. C'est une manière différente d'honorer le Tathagata en étudiant ses mérites et ses doctrines dans des livres différents. Mais, au fond, on ne croit qu'à lui de part et d'autre, et l'on y croit avec une ardeur toute pareille.

D'après un catalogue chinois cité par M. Stanislas Julien 1, il semble que les deux Véhicules ne reconnaissent pas les mêmes ouvrages pour orthodoxes et canoniques. Le Grand Véhicule a cinq séries de livres sacrés, tandis que le Petit Véhicule en a neuf. Les cinq séries d'ouvrages adoptés par le Grand Véhicule sont les suivantes : 1o la Pradjnâpâramità; 2o le Ratnakoûta; 3° les Soûtras développés, appelés Vaipoulyas; 4° les Soûtras, appelés Bouddhâvatâm sakanama soûtras; 5° et enfin les Soûtras du Nirvana. Ce sont, comme l'on voit, les monuments les plus révérés de la littérature bouddhique. Les neuf séries d'ouvrages adoptés par le Petit Véhicule sont : 1° les Soûtras, sans doute les Soûtras simples, en opposition aux Soûtras développés; 2° les Guéyas, livres en l'honneur des Bouddhas et Bodhisattvas, écrits en une prose mesurée et à demi rhythmique; 3° les Gâthas, ou stances; 4° les Nidânas, ou théories des causes; 5° les Ityouktas, ou les récits traditionnels; 6° les Djatakas,

le cahier de mars 1855, page 149; pour le deuxième, celui d'août, page 485; pour le troisième, celui de septembre, page 556; pour le quatrième, celui de novembre, page 677; pour le cinquième, celui de février 1856, page 82; pour le sixième, celui de mars, page 161; et, pour le septième, celui de juin, page 348. - San-tchang-ching, dans des documents inédits que M. Stanislas Julien a bien voulu nous communiquer, et dont il fera plus tard usage à la suite de sa traduction de la Relation originale de Hiouen-thsang..

ou histoires des naissances successives de Câkyamouni; 7° les Adbhoûtadharmas, ou formules magiques et merveilleuses; 8° les Avadânas, ou légendes; et enfin 9° les Oupadéças, ou instructions tirées des exemples que le Bouddha a donnés au monde1.

Il résulte clairement de la comparaison de ces deux listes d'ouvrages que la doctrine du Petit Véhicule est moins élevée que celle du Grand Véhicule, comme sa dénomination seule suffit à l'indiquer, et qu'elle ne dépasse guère les croyances vulgaires. Aussi est-il admis, en général, par les auteurs chinois, que les partisans du Petit Véhicule ne peuvent point arriver au Nirvâna, et qu'ils sont encore soumis à la transmigration. Ils ne s'avancent point jusqu'à la vraie métaphysique; ils se contentent, en général, de la morale et de la discipline, en y ajoutant les légendes 2. C'est une infériorité évidente, que cherchent vainement à dissimuler les adhérents du Petit Véhicule.

Aussi, il faut voir avec quel dédain en parle Hiouen-thsang, qui appartient au Grand Véhicule, ainsi que presque tous les bouddhistes de la Chine. Vingt fois il vante avec emphase les principes sublimes du Grand Véhicule, et il les oppose avec une complaisance méprisante aux idées étroites et mesquines du Petit Véhicule, qui lui paraît impuissant pour assurer le salut éternel. Il rapporte à plaisir les légendes qui le rabaissent; et il ne manque pas de citer tous les faits qui lui peuvent nuire. Dans le royaume de Matipoura (Inde centrale), où domine le Petit Véhicule, il voit le Stoupâ du Maître des Câstras, Vimalamitra; et voici la tradition qu'il consigne. Ce docteur était originaire du Kashmire. Après avoir embrassé la vie religieuse dans l'école des Sarvâstivâdas, il avait voyagé dans les cinq parties de l'Inde et avait étudié à fond les Trois Recueils, le Tripitaka. Regrettant vivement la mort d'un docteur célèbre du Petit Véhicule, qui n'avait pu achever la publication d'un de ses ouvrages, il jura de composer lui-même des Câstras pour renverser la doctrine du Grand Véhicule. Mais à peine eut-il pris cette résolution que son esprit se troubla et fut frappé de folie. Cinq langues sortirent de sa bouche, et un ruisseau de sang s'échappa de tout son corps. Revenu à lui, il reconnut que ses souffrances étaient le châtiment

'On peut voir dans l'Introduction à l'histoire du bouddhisme indien, de M. E. Burnouf, pages 51 et suivantes, l'analyse de la plupart de ces termes, d'après les documents recueillis au Népal par M. Hodgson. Seulement, M. E. Burnouf ne rapporte pas ces diverses séries d'ouvrages à la secte du Petit Véhicule. Le Ratnakoûta du Grand Véhicule est le dernier ouvrage que Hiouen-thsang essaya de traduire. Voir l'Histoire de sa vie, P. 341. Il semble cependant que le Petit Véhicule avait aussi sa rédaction de l'Abhidharma. Voir l'Histoire de Hiouen-thsang, p. 67.

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de ses vues perverses; il déchira ses écrits sacriléges et se livra au plus amer repentir. Il exhorta ses amis à ne jamais calomnier le Grand Véhicule, et il expira en faisant cette rétractation solennelle. Dans l'endroit où il mourut, la terre s'affaissa et il s'y forma une vaste fosse 1. Du reste, c'était là, suivant les croyances populaires, la punition ordinaire de ceux qui se rendaient coupables de quelque délit religieux. Dans le royaume de Malva, célèbre par la douceur de ses habitants, et leur amour pour la vertu et la culture des lettres, Hiouen-thsang vit, à deux lieues de la capitale et tout près de la ville des brahmanes (Brahmanapoura) une fosse profonde qu'on lui avait indiquée. Ce fut là, disait-on, qu'un brahmane plein d'arrogance fut englouti tout vivant dans l'enfer pour avoir dit du mal du Grand Véhicule2.

Malgré cette subordination apparente du Petit Véhicule, il est à peu près aussi répandu que son rival dans la presqu'île, au temps de Hiouenthsang. Il se trouve dans les royaumes de Bamian et de Kapiça, au nord; dans celui de Kapilavastou et à Bénarès même; dans les royaumes de Hiranyaparvata et de Tshampâ, à l'est; dans le royaume de Malva, qui passait pour le plus éclairé après le Magadha; dans celui de Vallabhî, au sud; à Vaiçâli, dans l'Inde centrale; dans le Gourdjara (le Guzarate), à l'ouest; dans le royaume du Sindh, et dans une foule d'autres endroits. Il est vrai que le Grand Véhicule domine plus généralement, et qu'il a pour lui le nombre des adhérents en même temps que la pureté des doctrines. Mais il n'en est pas moins tolérant; et il est beaucoup de royaumes où les deux sectes coexistent sans s'exclure, ni même se combattre trop vivement. C'est ainsi que, dans les États de Çîlâditya, à Kanyâkoubdja (Canoge), les partisans du Petit Véhicule exercent leur culte en toute liberté, comme le prouve la lutte d'où le pèlerin chinois sort triomphant et que j'ai rapportée tout au long. Il en est de même dans les royaumes de Poundravarddhana, de Kongkanapoura, de Mahârâshtra (pays des Mahrattes), d'Atali, d'Ayodhyâ, de Mathourâ, d'Oudjdjayana, etc. Dans tous ces lieux, le Petit Véhicule est suivi à l'égal du Grand, et Hiouen-thsang ne cite pas un seul acte de violence inspiré par le fanatisme.

Les religieux les plus savants et les plus pieux se réfutent mutuellement avec un zèle que rien ne lasse. Mais leur animosité ne va guère au delà de leurs arguments; et, quand le tournoi dialectique est terminé, les deux sectes rentrent dans leur bonne intelligence, qui dure

1 M. Stanislas Julien, Histoire de Hiouen-thsang, p. 109. Id. ibid. p. 111.

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