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jeunes gens; car le repos des jeunes est la spéciale cause des vices. Pour ce, mon fils, laissez paresse, laquelle donne à la vie mauvais ennui, et fuyez les ennemis des choses vertueuses. Eh, mon ami, les vrais amoureux sont par telles vertus sauvés, pour ce qu'ils abandonnent ce très vil et malheureux péché de paresse, pour eux accompagner avec la très resplendissante vertu de diligence. Je veux, et vous commande, mon fils, que mettiez peine d'être du nombre d'iceux; et lors serez quitte de ce malheureux péché de paresse et serez sauvé si à vous ne tient.

CHAPITRE IX.

DU PÉCHÉ DE GLOUTONNIE.

«Er quant est au sixième péché, qui est de gloutonnie; certes, le vrai amoureux n'en a tant soit peu: car ce qu'il mange et boit, n'est seulement que pour vivre, et non pas vivre pour boire et manger; ainsi que le philosophe dit, que l'on doit seulement boire et manger pour vivre, non autrement, comme font aucuns gens, qui vivent comme pourceaux. Et pour ce, mon fils, mettez frein à votre bouche, afin que par elle vous ne preniez le vin trop largement: car abondance de viandes mal digerées, sont au corps très nuisibles et pour ce eschivez (évitez) le mon fils. Jamais ne soyez rempli de vin, afin que ne puissiez être confondu: car vous serez re

puté à vilain, si vous ne faites attemprance (modération) de vous au vin, et du vin à vous. Encore sur ce propos dit saint Grégoire, ès morales, que quand le vice de gloutonnie prend à seigneurier (dominer) la personne, elle perd tout le bien qu'elle a jà fait. Et quand le ventre n'est retrait (retenu) par ordre d'abstinence, toutes les vertus sont en lui noyées. Et sur ce Saint Paul dit, que la mort est la fin de ceux qui assaveurent (savourent) les choses terriennes et de ceux qui font de leur ventre leur Dieu. Et cette gloire sera d'âme, d'honneur et de corps leur confusion. Pourquoi, je vous prie, mon fils, et avec ce je vous commande que ne soyez pas d'iceux; ains (mais) qu'ensuiviez le dit d'Avicenne, pour eschiever (éviter) ce péché de gloutonnie, qui dit ainsi: Sic semper comedas, ut surgas esuriendo: sic etiam sumas moderatè vina bibendo: C'est à dire, mon fils: Mange toujours en telle manière, que quand tu te leveras de la table, ton appétit pe soit pas saoul, aussi ton boire soit pris attemprement (modérement). Donc par ainsi faire, mon fils, vous vivrez par cours de nature très longuement, et serez en la grâce de Dieu au regard de ce péché, aussi d'amour et de votre dame: et aurez laissé ce très vilain et deshonnête péché de gloutonnie; et vous accompagnerez avec la douce veriu d'abstinence, fleur de toutes vertus. Et lors serez de ce péché quitte et sauvé, et si vous donnera fin au sauvement (salut) des vrais et loyaux amoureux touchant les sept péchés mortels.

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CHAPITRE X.

DU PÉCHÉ DE LUXURE.

.OR R sus doncques, mon fils, il vous convient sçavoir parler de ce septième péché, qu'on nomme luxure. Sachez que ce péché doit être au cœur du vrai amant bien éteint, tant sont grandes les doutes que sa dame n'en prenne déplaisir, qu'un seul penser n'en est en lui. Donc par ainsi il ensuit le dit du saint Apôtre, qui dit: Ami, fuis luxure, afin que tu ne sois souillé en deshonnête renommée; ne crois point aussi ta chair, afin que par péché tu ne blesses Jésus-Christ. Et pour ce, mon fils, je vous admoneste, prie et commande, que vous vous absteniez des delits (plaisirs) charnels, car ils bataillent jour et nuit contre l'âme; et encore vous dis-je plus, que homme qui hante les folles femmes, perd six choses; dont la première est l'âme; la seconde, l'entendement; la tierce, les bonnes mœurs; la quarte, la force; la cinquième, la clarté; et la sixième, la voix. Et pour ce, mon fils, fuyez ce péché et toutes ses circonstances. Cassiodore dit que vanité fit l'ange devenir diable et au premier homme donna la mort, et le priva de la debonnaireté dont il étoit orné: et que vanité est nourrice de tous maux, la fontaine de tous vices, et la veine d'iniquité, qui met l'homme hors de la gloire et grâce de Dieu. Et si au long je vous voulois dire et raconter ce que les philosophes et les

poëtes et les autres sages payens, qui encore n'avoient senti par vraie connoissance la très sainte et la très amoureuse grâce de notre vrai Dieu, du Saint Esprit, ont dit de ce péché tant blâmé, les écritures en seroient trop longues à réciter. Si vous dis, mon fils, que luxure est ardeur, enflammée, pulenteuse, au départir brève délectation, et de l'âme destruction; et pour ce, mon fils, que ce péché est si très deshonnête, le vrai amoureux le fuit, pour doute que sa dame n'en prenne déplaisir pour acquérir sa grâce: afin aussi qu'il n'en perde la grâce de Dieu,par qui tous biens vous viendront. Si vous ensuivez et faites, ou mettez peine de faire, ce que je je vous ai ci dit et remontré soyez assuré que tous

biens vous en viendront.

«Et vous suffise atant (maintenant), jaçoit-ce-que (quoique) je ne vous ai point dit ni remontré les dix commandements par ordre, ainsi qu'ils vont, car je sçais de certain que vous les savez; et pour ce je vous prie et commande que les teniez et accomplissiez à votre pouvoir. Aimez et craignez Dieu sur toutes choses: ne faites ni dites d'autrui, non plus que vous voudriez qu'on fit de vous. Et quant est de vous plus en dire, je le remets en vous et en la discrétion de votre confesseur, qui le vous saura mieux dire que moi. Je vous ai dit et remontré ce que c'est des sept péchés mortels, et quels biens vous pouvez acquerre de les fuir; et aussi le mal qui vous en adviendroit, si vous y enchéyez (tombiez).

« Mon très cher fils, je vous envoye à la cour de non souverain seigneur Philippe duc de Bourgo

gne, pour servir et accompagner le jeune duc de Clèves, lequel vous a fait tant d'honneur et à nous de vous requérir, que je crois, si à vous ne tient, que ne pouvez faillir de parvenir à un grand bien. Si ainsi le faites, à moi et à votre mère ferez plaisir. Et je vous promets de vous entretenir si honnêtement, au cas que vous le deserviez (méritiez), qu'entre les autres enfants des barons et chevaliers, vous vous pourrez montrer, et y être entre les grands. Mon fils, sur toutes choses je vous défends que ne hantiez varlets, et que ne leur prétiez vos oreilles pour les ouïr, si ce n'est de chose qui vous touche pour le service en quoi ils seront entour de vous. Croyez les bons. Je ne veux pas dire qu'il n'en soit de bons, mais je le dis pour ceux qui voudroient ou feroient chose qui vous pût tourner à deshonneur; oyez les bons; n'écoutez pas les mauvaiset vicieux. Ne battez, ni malmenez vos serviteurs. S'ils font chose qui ne soit à faire, remontrez leur courtoisement leurs fautes; et si ainsi est qu'amender ou corriger ne se veulent, payez les du service qu'ils vous auront fait et leur donnez congé : car à nul homme de bien n'appartient de férir ni battre ses varlets ou serviteurs. Battez et corrigez vos enfants quand les aurez : car de battre ou férir autrui sont aucunes fois grands meschefs avenus. Fuyez les mauvais comme le venin et suivez les bons; et hantez souvent ceux dont vous puissiez mieux valoir. Et sur toutes choses, mon fils, je veux et vous commande que vous soyez toujours au coucher et au lever de votre maître, et soyez diligent

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